lunedì 27 giugno 2011

موسعه لكل القصص مع video : لتلاميذ الباكالوريه كل دروس المادة الفرنسيه



 موسعه لكل القصص مع video : لتلاميذ الباكالوريه كل دروس المادة الفرنسيه
على بركة الله



Resume de Le Bourgeois Gentilhomme de Molière




Résumé - Le Bourgeois Gentilhomme :




Molière





Le Bourgeois gentilhomme est une comédie-ballet en cinq actes en prose de Molière, représentée pour la première fois le 14 octobre 1670, devant la cour de Louis XIV, au château de Chambord par la troupe de Molière. La musique est de Jean-Baptiste Lully, les ballets de Pierre Beauchamp, les décors de Carlo Vigarani et les costumes turcs du chevalier d'Arvieux.





Cette pièce incarne le genre de la comédie-ballet à la perfection et reste même l'un des seuls chefs-d'œuvre du genre en regroupant les meilleurs comédiens et musiciens du temps. Elle répondait au goût de l'époque pour ce qui était nommé les turqueries, l'Empire ottoman étant alors un sujet de préoccupation universel dans les esprits, et que l'on cherchait à apprivoiser. L'origine de l'œuvre est liée au scandale provoqué par l'ambassadeur turc Suleyman Aga qui, lors de sa visite à la cour de Louis XIV en 1669, avait affirmé la supériorité de la cour ottomane sur celle du Roi-Soleil.



Les ajouts turcs ont disparu dans les représentations ultérieures. En 2004 toutefois, le musicien Vincent Dumestre, le metteur en scène Benjamin Lazar et la chorégraphe Cécile Roussat ont proposé une version intégrale de l'œuvre, en prononciation restituée, avec les ballets de Beauchamp et la musique composée par Lully.



À la création, Molière jouait le rôle de Monsieur Jourdain, habillé de couleurs vives, paré de dentelles d'argent et de plumes multicolores, face à Hubert, travesti dans celui de Madame Jourdain ; Mlle de Brie était Dorimène, Armande Béjart jouait Lucile, tandis que le musicien Lully était le muphti au cours de la cérémonie turque du quatrième acte.



L'histoire :



ACTE PREMIER



Scène première



Nous sommes en 1670 dans la maison de Monsieur Jourdain, un bourgeois de Paris. Afin de devenir un homme de qualité, Monsieur Jourdain a engagé un maître de musique, un maître à danser, un maître de philosophie et un maître d’armes qui sont chargés de lui enseigner leur savoir et d’en faire un homme instruit. Le maître de musique et le maître à danser se félicitent d’avoir Monsieur Jourdain comme élève car, malgré le fait qu’il ne sache rien, il paye bien. Le maître à danser apprécie les applaudissements autant que l’argent mais le maître de musique affirme que les louanges ne font pas vivre et, bien qu’il méprise Monsieur Jourdain, il l’apprécie pour son argent.



Scène II



Monsieur Jourdain entre en scène et demande à voir ce que les deux maîtres lui ont préparé. Le maître de musique présente un de ses élèves qui a composé un air pour la sérénade demandée par M. Jourdain. Celui-ci aurait préféré une œuvre du maître lui-même mais consent tout de même à écouter. Il trouve la chanson lugubre et chante lui-même une chanson légère. Les deux maîtres complimentent M. Jourdain et chacun lui assure que son art est indispensable à la bonne marche de l’État. En effet, sans la danse, un homme ne saurait rien faire et si tous les hommes apprenaient la musique, ce serait la paix universelle assurée, affirment-ils. Les musiciens sont appelés et exécutent un dialogue en musique pour M. Jourdain qui trouve cela bien troussé. Quatre danseurs s’amènent ensuite et exécutent la danse imaginée par le maître à danser de M. Jourdain.



ACTE II



Scène première



M. Jourdain trouve que les danseurs se trémoussent bien. Le maître de musique lui affirme que lorsque la musique et la danse seront mêlées, ce sera du plus bel effet. M. Jourdain a commandé ce ballet pour une personne de qualité qui doit venir dîner le soir même. Le maître à danser lui assure que tout sera prêt, le ballet sera beau et M. Jourdain sera content. M. Jourdain demande qu’on lui apprenne à faire la révérence pour une marquise qui s’appelle Dorimène. C’est la dame qui doit venir dîner. Soudain, un laquais annonce l’arrivée du maître d’armes.



Scène II



Le maître d’armes enseigne à M. Jourdain l’art du maniement de l’épée. Tout le secret des armes consiste à donner et à ne pas recevoir. M. Jourdain est content car il est sûr de tuer son homme et de pas être tué lui-même. Le maître d’armes affirme que son art l’emporte sur tous les autres, dont la musique et la danse. Une violente dispute éclate alors entre les trois maîtres et M. Jourdain essaie de les calmer.



Scène III



Le maître de philosophie fait son entrée. M. Jourdain lui demande de rétablir la paix. Le philosophe affirme que la raison doit être maîtresse de tous nos actes et la colère est une passion honteuse qui fait d’un homme une bête féroce. Un homme sage doit être au-dessus de toutes les injures et il doit y répondre avec la modération et la patience. Le maître de philosophie affirme ensuite que la philosophie domine tous les autres arts. La dispute reprend de plus belle entre les différents maîtres et le philosophe y prend une belle part. Les insultes pleuvent et M. Jourdain, découragé, les laisse se battre entre eux.



Scène IV



La dispute terminée, le maître de philosophie peut commencer sa leçon. Il demande à M. Jourdain ce qu’il désire apprendre. Celui-ci lui répond qu’il veut apprendre tout ce qu’il peut. Le maître lui offre de lui enseigner la logique mais M. Jourdain désire apprendre quelque chose de plus joli. La morale ? Non, car M. Jourdain veut se mettre en colère comme bon lui semble. La physique ? Non, M. Jourdain trouve cela trop compliqué. L’orthographe est demandée par M. Jourdain et aussi l’almanach pour les différentes phases de la lune.



La leçon commence par les voyelles et leur prononciation. Ensuite, le maître explique à M. Jourdain la signification de la prose et des vers. M. Jourdain veut écrire un billet doux à Dorimène et demande la façon la plus joli de l’écrire. Sa leçon terminée, le maître philosophe se retire.



Scène V



Le maître tailleur fait son entrée. M. Jourdain se plaint de son habit et de ses souliers qui le blessent mais le maître tailleur rétorque que ce ne sont que des imaginations. Il défend son travail en disant qu’il a fait l’habit de M. Jourdain comme tous les habits des gens de qualité. Quatre garçons l’aident à enfiler son habit neuf et M. Jourdain se promène entre eux en recherchant les compliments et les flatteries. Un des garçons l’appelle « gentilhomme » et M. Jourdain en est tellement content qu’il lui donne de l’argent pour le récompenser. Viennent ensuite d’autres appellations flatteuses dont « Monseigneur » , « Votre grandeur » qui valent à leurs auteurs de belles récompenses.



ACTE III



Scène première



M. Jourdain désire aller faire une promenade en ville afin de montrer son nouvel habit. Il demande à ses deux laquais de l’accompagner mais avant de se mettre en route, il fait appeler Nicole, la servante de la maison afin de lui donner des ordres.



Scène II



Nicole ne peut s’empêcher de rire en voyant la façon ridicule dont M. Jourdain est vêtu. Celui-ci menace de lui donner un soufflet si elle n’arrête pas de se moquer de lui. M. Jourdain lui demande de bien nettoyer la maison pour les invités qui doivent venir le soir même. À l’annonce de visiteurs, Nicole n’a plus du tout envie de rire.



Scène III



Madame Jourdain, apercevant son mari, lui demande pourquoi il s’est habillé de façon à faire rire tout le monde à ses dépens. Elle lui fait des reproches sur sa façon de vivre et Nicole se plaint également du trop grand nombre de visiteurs qui salissent continuellement la maison. Mme Jourdain conseille à son mari de chercher un époux pour sa fille au lieu de prendre des cours qui ne sont plus de son âge. M. Jourdain réplique qu’il désire devenir un homme de qualité et être capable de bien raisonner en compagnie d’honnêtes gens. Il déclare avoir honte de l’ignorance de sa femme et de sa servante. Mme Jourdain reproche à son mari de trop fréquenter les nobles et un certain Monsieur le comte qui lui emprunte continuellement de l’argent. M. Jourdain rétorque que ce comte parle de lui au Roi et c’est un honneur qu’il vienne dans sa maison. Il ajoute que c’est un honneur de lui prêter de l’argent car c’est un homme de qualité. De plus, il est certain que Dorante, le gentilhomme lui rendra tout ce qu’il a emprunté. Mme Jourdain n’y croît pas.



Scène IV



Dorante fait une entrée flamboyante. Il couvre M. Jourdain de flatteries et de compliments mais Mme Jourdain n’est pas dupe. Dorante déclare vouloir rendre tout ce qu’il doit à M. Jourdain. Il lui fait compter tout l’argent dû et demande qu’on lui en prête encore plus qu’il rendra au premier jour. Mme Jourdain essaie d’ouvrir les yeux de son mari mais en vain. Dorante dit qu’il ira chercher ailleurs si M. Jourdain refuse. M. Jourdain accepte de prêter encore plus d’argent à Dorante. Mme Jourdain traite M. Jourdain de vrai dupe. Celui-ci rétorque qu’il ne peut rien refuser à un homme qui parle de lui au Roi.



Scène V



Dorante s’entretient avec Mme Jourdain et lui demande où se trouve sa fille, Lucile, et comment elle se porte. Mme Jourdain lui répond sèchement que Lucile est bien où elle est et qu’elle se porte sur ses deux jambes. Dorante les invite à venir voir un jour, le ballet et la comédie que l’on présente chez le Roi.



Scène VI



M. Jourdain apporte l’argent à Dorante et celui-ci le remercie en lui promettant les meilleures places au divertissement royal. Dorante annonce que la marquise Dorimène viendra dîner chez M. Jourdain et qu’elle a accepté le diamant que M. Jourdain lui a offert par l’intermédiaire de Dorante lui-même. Il ajoute que les femmes aiment les dépenses que l’on faits pour elles. M. Jourdain avoue qu’il est prêt à toutes les folies pour conquérir une femme de qualité. Mme Jourdain demande à Nicole d’essayer d’écouter ce que les deux hommes se disent. M. Jourdain confie à Dorante qu’il sera libre au dîner car sa femme ira chez sa sœur où elle passera tout l’après-dîner. Dorante a tout préparé et c’est lui qui a donné les ordres au cuisinier de M. Jourdain pour le dîner en l’honneur de Dorimène. M. Jourdain aperçoit soudain Nicole qui écoute et lui donne un soufflet.



Scène VII



Nicole fait son rapport à Mme Jourdain et lui dit qu’il y a anguille sous roche. Les deux hommes parlent d’une affaire où Mme Jourdain n’est pas la bienvenue. Mme Jourdain sait que son mari la trompe depuis longtemps et n’est pas surprise. Cependant, elle veut le bonheur de sa fille, Lucile, et elle veut la marier à Cléonte, dont Lucile est amoureuse. Elle demande à Nicole d'aller parler à Cléonte et lui dire qu’il vienne la trouver tout à l’heure afin de faire sa demande à M. Jourdain. Nicole obéit et cours faire la commission.



Scène VIII



Cléonte accueille Nicole avec colère et ne veut rien entendre de ce qu’elle a à lui dire. Nicole cherche à comprendre la raison de cette colère et demande à Covielle, le valet de Cléonte. Covielle lui demande de s’en aller et de les laisser en paix. Nicole cours raconter cette histoire à Lucile.



Scène IX



Cléonte se plaint à Covielle du fait que Lucile, lors d'une rencontre fortuite, l’a totalement ignoré. Il la traite d’ingrate et de perfide. Covielle se plaint de Nicole de la même façon et la traite de pendarde. Les deux hommes énumèrent tous les services et les soins rendus à ces dames qui les payent en leur tournant le dos. C’est une véritable trahison. Cléonte veut rompre avec Lucile et demande à Covielle d’en dire tout le mal qu’il pourra. Mais, tous les efforts de Covielle pour déprécier Lucile sont vains car Cléonte en est encore follement amoureux et ne voit que ses qualités. Toutefois, il mijote sa vengeance.



Scène X



Nicole raconte à Lucile la façon dont Cléonte l’a traitée. Lucile croit connaître l’explication de cette étrange attitude de Cléonte. Lucile demande à Cléonte si c’est bien la rencontre de tantôt qui l’a mis en colère. Cléonte confirme le fait. Lucile tente d’expliquer pourquoi elle l’a ignoré mais Cléonte ne veut rien entendre malgré tous les efforts de Lucile. Nicole essaie de même avec Covielle mais en vain, il ne veut rien entendre lui non plus et la traite de traîtresse. Lasse, Lucile renonce à s’expliquer et s’apprête à sortir lorsque Cléonte se ravise et veut savoir le fin fond de l’histoire. Lucile et Nicole ne veulent plus rien dire malgré les supplications de Cléonte et de Covielle. Cléonte et Covielle menacent alors de se tuer si Lucile et Nicole refusent de s’expliquer. Lucile, ébranlée, raconte alors que c’est une vieille tante qui est la cause de tout. La seule approche d’un homme est un déshonneur pour une fille, d’après elle. Tous les hommes sont des diables et les saluer équivaut à la perte de son âme. Voilà pourquoi Lucile et Nicole ont ignoré les deux jeunes hommes. Cléonte et Covielle les croient et s’en trouvent apaisés.



Scène XI



Mme Jourdain rencontre Cléonte et lui rappelle de demander Lucile en mariage à son mari qui vient. Cléonte est enchanté et trouve cet ordre charmant.



Scène XII



Cléonte fait sa demande à M. Jourdain. Celui-ci veut savoir si Cléonte est un gentilhomme. Devant la réponse négative du jeune homme, M. Jourdain refuse de lui donner sa fille en mariage. Mme Jourdain rappelle à son mari qu’il n’est pas gentilhomme lui-même car son père n’était qu’un simple marchand. Mais M. Jourdain déclare qu’il veut avoir un gentilhomme pour gendre. Mme Jourdain préfère pour sa fille un honnête homme riche et bien fait qu’un gentilhomme gueux et mal bâti. M. Jourdain ajoute qu’il veut faire de sa fille une marquise. Mme Jourdain n’est pas d’accord car les alliances avec plus grand que soi sont sujettes à de fâcheux inconvénients. M. Jourdain lui reproche de vouloir rester dans la bassesse et lui ordonne de se taire. Mme Jourdain demande à Lucile d’essayer de convaincre M. Jourdain qu’il a tort.



Scène XIII



Cléonte est désespéré mais Covielle lui conseille d’user de ruse pour obtenir la main de Lucile car avec un homme aussi fou que M. Jourdain, il n’y a pas d’autres solutions. Covielle a un plan qu’il explique à Cléonte.



Scène XIV



Un laquais annonce à M. Jourdain, l’arrivée de Monsieur le Comte et d’une dame qu’il mène par la main. M. Jourdain a des ordres à donner et demande de les faire attendre un peu.



Scène XV



En attendant M. Jourdain, Dorante converse avec Dorimène. Dorimène exprime ses scrupules à recevoir tellement de cadeaux et d’attentions de la part de Dorante, dont un magnifique diamant. Et ce dîner fastueux commandé par Dorante qui veut lui exprimer son amour et obtenir sa main, est selon elle, de folles dépenses dont elle n’a jamais exprimé le besoin. Dorimène est veuve et hésite à se marier une seconde fois. Les dépenses de Dorante, payées par M. Jourdain ce qu’elle ignore, l’inquiètent car elle ne veut pas s’engager. Mais, Dorante annonce soudain l’arrivée du maître du logis.



Scène XVI



M. Jourdain fait sa révérence à Dorimène comme lui a enseigné le maître à danser. Il exagère un peu. M. Jourdain souhaite la bienvenue à Dorimène en longues phrases ampoulées ce qui fait bien rire Dorante. Dorimène juge son homme aussitôt. Dorante conseille tout bas à M. Jourdain de ne point parler du diamant offert à Dorimène, car ce serait vilain et indigne d'un gentilhomme. Ils peuvent passer à table car tout est prêt. M. Jourdain ordonne de faire venir les musiciens.



ACTE IV



Scène première



Dorimène trouve le repas tout à fait magnifique mais M. Jourdain le juge indigne d’elle. Dorante fait les honneurs de la maison de M. Jourdain. Il explique à Dorimène que c’est lui qui a commandé le dîner et, bien que le repas ait coûté fort cher, il aurait bien aimé en préparer un encore plus fastueux. Bien entendu, c’est M. Jourdain qui a tout payé. Dorimène montre son diamant à M. Jourdain et celui-ci la complimente sur ses belles mains et dédaigne la pierre. Dorante leur demande de faire silence car les musiciens et la musicienne commencent à chanter des chansons à boire, accompagnés de toute la symphonie. Dorimène est enchantée et M. Jourdain la couvre de compliments et de flatteries de toutes sortes.



Scène II



Mme Jourdain entre et surprend M. Jourdain en train de faire sa cour à Dorimène. Dorante explique que c’est lui qui donne le dîner pour Dorimène et M. Jourdain ne fait que lui prêter sa maison. Mme Jourdain n’est pas dupe et elle fait des reproches à Dorimène de se laisser courtiser par un homme marié. Dorimène n’y comprend plus rien et sort. M. Jourdain demande à Dorante de la ramener et demande à sa femme de s’excuser mais Mme Jourdain s’en moque et sort.



Scène III



Covielle fait son entrée déguisé et se présente à M. Jourdain comme un grand ami de son père qui était, d’après lui, un fort honnête gentilhomme. M. Jourdain est enchanté d’apprendre que son père n’était pas marchand mais gentilhomme. Covielle annonce qu’il a voyagé partout dans le monde et est revenu depuis quatre jours. Il vient annoncer à M. Jourdain une nouvelle incroyable. Le fils du Grand Turc est amoureux de Lucile, la fille de M. Jourdain et désire l’épouser. De plus, il veut faire de M. Jourdain un Mamamouchi, c’est-à-dire un paladin, ce qui rendra M. Jourdain égal au plus grands seigneurs de la terre. M. Jourdain veut qu’on le mène immédiatement chez le fils du Grand Turc mais Covielle lui annonce qu’il viendra lui rendre visite dans sa maison. M. Jourdain est enchanté mais il a peur que Lucile refuse ce mariage car, elle est amoureuse de Cléonte. Covielle le rassure car le fils du Grand Turc ressemble à s'y méprendre à Cléonte…



Scène IV



Cléonte fait son entrée déguisé en Turc et souhaite dans la langue turque, que le cœur de M. Jourdain soit toute l’année comme un rosier fleuri. Covielle sert d’interprète. Cléonte demande à M. Jourdain d’aller se préparer pour la cérémonie de Mamamouchi et de conclure ensuite le mariage avec Lucile. M. Jourdain s’empresse d’obéir.



Scène V



M. Jourdain parti, Cléonte et Covielle rient de bon cœur en se moquant de la crédulité de M. Jourdain. Ils aperçoivent Dorante et lui expliquent toute l’affaire. Pendant que Covielle donne à celui-ci des détails, la cérémonie turque pour ennoblir M. Jourdain commence en danse et en musique.



ACTE V



Scène première



Mme Jourdain, apercevant M. Jourdain habillé pour la cérémonie, lui demande qui l’a fagoté comme cela. M. Jourdain exige plus de respect car il est maintenant un Mamamouchi. Mme Jourdain n’y comprend rien et exige des explications. M. Jourdain se met à parler en langue turque et Mme Jourdain, convaincue qu’il a perdu l’esprit, sort.



Scène II



Dorante, désireux d’aider Cléonte, demande à Dorimène d’appuyer sa mascarade. Dorimène accepte d’aider Cléonte et aussi de se marier avec Dorante afin qu’il cesse ses folles dépenses pour la conquérir. Ils se taisent en voyant arriver M. Jourdain.



Scène III



Dorante rend hommage à M. Jourdain pour sa nouvelle dignité et le félicite pour le mariage de sa fille avec le Grand Turc. M. Jourdain le remercie à la turque et s’excuse auprès de Dorimène du comportement de Mme Jourdain. Dorante demande où est Son Altesse Turque et M. Jourdain dit qu’il le voit venir et demande qu’on aille chercher sa fille pour lui donner sa main.



Scène IV



Dorante s’incline devant Cléonte déguisé et lui présente ses respects. Cléonte lui répond en langue turque que Covielle s’efforce de traduire du mieux qu’il peut. Le Grand Turc dit que la pluie des prospérités arrose en tout temps le jardin de la famille de Dorante. Dorante trouve cette phrase admirable.



Scène V



En apercevant Lucile, M. Jourdain lui demande de s’approcher et de donner sa main au fils du Grand Turc. Lucile demande à son père si c’est une comédie mais M. Jourdain lui affirme que c’est le mari qu’il lui destine. Lucile refuse de se marier avec le fils du Grand Turc. Mais, reconnaissant Cléonte, elle se ravise et obéit à son père en acceptant le mariage. M. Jourdain est ravi d’avoir une fille si obéissante.



Scène VI



Mme Jourdain, n’ayant pas reconnu Cléonte, s'oppose de toutes ses forces à ce mariage insensé. Elle s’étonne que sa fille consente à épouser un Turc et oublie Cléonte si vite. Elle traite sa fille de coquine. Covielle prend Mme Jourdain à part et lui explique toute l’affaire. Mme Jourdain annonce aussitôt qu’elle consent au mariage et envoie quérir un notaire. Dorante annonce qu’il se servira du même notaire pour son mariage avec Dorimène, ce qui apaise la jalousie de Mme Jourdain envers son mari. M. Jourdain pense que Dorante annonce son mariage avec Dorimène dans le simple but de confondre Mme Jourdain et il accepte. M. Jourdain donne Nicole en mariage à Covielle qui accepte de bon cœur. En attendant le notaire, tout le monde se divertit en regardant le ballet donné en l’honneur du fils du Grand Turc.



La pièce se termine avec un ballet nommé « Ballet des Nations » . Pour ce ballet, Molière eut la collaboration de Lully, non seulement pour la partie musicale mais pour les vers italiens, et celle de Quinault pour les vers français.



Le Bourgeois gentilhomme est une Comédie-ballet faite pour le divertissement du Roi Louis XIV et représentée en public à Paris, pour la première fois sur le théâtre du Palais-royal, le 23 novembre 1670, par la Troupe du Roi.




Résumé de ' Le dernier jour d'un condamné' de Victor HUGO




من رفعي الخاص و هديه لكم




التحميل من هنا


فيلم


Fiche pratique




Auteur :

Victor Hugo



Titre et date de publication:

Le dernier jour d'un condamne , publié en 1829.



Genre :

Récit à la première personne ; adoption des techniques de l’autobiographie, le journal intime en particulier.



Histoire :



Le livre est l’histoire d’un homme qui a été condamné a mort et, il raconte ce qu’il vit pendant les dernières semaines de sa vie. Nous ne savons ni le nom de cet homme ni ce qu’il a fait pour être condamné à mort, mais nous pouvons comprendre et vivre avec cet homme ce que veut dire être condamnés à mort.

Il nous raconte sa vie en prison ; nous parle de ses sentiments ; peurs et espoir, de sa famille ; sa fille, sa femme et sa mère.

Il raconte aussi quelques bribes de son passé et cesse d’écrire quand arrive le moment de l’exécution.



Composition :



Le livre comporte trois parties : Bicêtre, la Conciergerie et la Mairie.

Bicêtre : le procès, le ferrage des forçats et la chanson ;

La Conciergerie : le voyage vers Paris, la rencontre avec la friauche et la rencontre avec le geôlier qui lui demande les numéros pour jouer à la loterie ;

L’Hôtel de Ville : le voyage dans Paris, la toilette du condamné et le voyage vers la Place de Grève : l’échafaud.



Personnages :



Le condamné à mort / Les geôliers / Sa fille / Sa femme et sa mère / Le prêtre. / La foule



Cadre:



Lieux :

Les grandes prisons de Paris : Bicêtre, la Conciergerie et l’Hôtel de Ville.



Durée :

Cinq semaines, à partir du moment où le protagoniste est condamné à mort jusqu’au moment où il monte sur l’échafaud.



Thèmes :



La peine de mort / La peur / la haine / la religion / la violence contre les prisonniers / l’injustice / la justice



Enonciation, focalisation :



Le narrateur est le personnage : utilisation de la première personne.

Le narrateur # l’auteur.

Focalisation interne : accès au point de vue du narrateur et à sa vision des choses et du monde..



Le personnage principal



Le personnage du roman est un être ordinaire, ni un héros, ni un truand. Il semble cultivé, sait lire et écrire et connaît même quelques mots en latin. La richesse de son vocabulaire fait contraste avec l'argot parlé par la friauche ou chanté par la jeune fille. Mais on ne décèle en lui aucune grandeur particulière, il est le jouet de sentiments classiques : la peur, l'angoisse, la colère, l'amertume, la lâcheté, l'égoïsme, le remord... Jusqu'au bout, il espère sans y croire un grâce royale qu'il n'obtiendra jamais.

Composition de l’œuvre.






Le livre est découpé en 49 chapitres de longueurs très variables allant d'un paragraphe à plusieurs pages. Victor Hugo rythme ainsi la respiration du lecteur et lui fait partager les états d'âme du condamné, ses éclairs de panique et ses longues souffrances. On distingue trois lieux de rédaction

Bicêtre où le prisonnier évoque son procès, le ferrage des forçats et la chanson en argot. C'est là qu'il apprend qu'il vit sa dernière journée.

La Conciergerie qui constitue plus de la moitié du livre. Le condamné y décrit son transfert vers Paris, ses rencontres avec la friauche, l'architecte, le gardien demandeur de numéros de loterie, le prêtre, sa fille. On partage ses souffrances, son angoisse devant la mort, sa repentance, sa rage et son amertume.

Une chambre de l'Hôtel de Ville où sont écrits les deux derniers chapitres, un très long relatant sa préparation et le voyage dans Paris jusqu'à la guillotine, l'autre très court concernant les quelques minutes qui lui sont octroyées avant l'exécution.



On remarque aussi plusieurs rétrospectives qui sont souvent des chapitres :

Chapitre II : Le procès

Chapitre IV et V : le transfert et la vie quotidienne à Bicêtre

Chapitre XIII et XIV : le ferrage et le départ des forçats

Chapitre XXVIII : le souvenir de la guillotine

Chapitre XXXIII : Pepita



De--SS--ions présentes :

celle de Bicêtre au chapitre 4

celle du cachot au chapitre 10

celle de l’Hôtel de Ville au chapitre 37

celle de la place de Grève au chapitre 3



Diverses informations :

chapitre 8 : l’homme compte les jours qu’il lui reste à vivre

chapitre 9 : l’homme pense à sa famille

chapitre 13 :le ferrage des forçats

chapitre 16 : chanson d’une jeune fille lorsque l’homme séjourne à l’infirmerie

chapitre 22 : transfert du prisonnier à la Conciergerie

chapitre 23 : rencontre du successeur au cachot de Bicêtre

chapitre 32 : demande du gendarme par rapport aux numéros de la loterie

chapitre 42 : rêve avec la vieille dame

chapitre 43 : le condamné voit une dernière fois sa petite fille qui ne le reconnaît pas

chapitre 48: transfert à l’Hôtel de Ville

toilette du condamné

on emmène le prisonnier à la guillotine.


Résumé de l'oeuvre : chapitre par chapitre






CHAPITRE1



Depuis cinq semaines, un jeune prisonnier vit constamment avec l’idée de la mort. Il est doublement enfermé. Physiquement, il est captif dans une cellule à Bicêtre. Moralement, il est prisonnier d’une seule idée : condamné à mort. Il se trouve dans l’impossibilité de penser à autre chose.



CHAPITRE2



De sa cellule, le narrateur se souvient de son procès et de sa condamnation à mort. Il relate les circonstances de son procès et sa réaction au verdict fatal.



CHAPITRE3



Le condamné semble accepter ce verdict. Il ne regrette pas trop de choses dan,s cette vie où tous les hommes sont des condamnés en sursis. Peu importe ce qui lui arrive.



CHAPITRE4



Le condamné est transféré à Bicêtre. Il décrit brièvement cette hideuse prison.



CHAPITRE5



Le narrateur nous parle de son arrivée à la prison. Il a réussi à améliorer ses conditions de prisonnier grâce à sa docilité et à quelques mots de latin. Il nous parle ensuite de l’argot pratiqué en prison.



CHAPITRE6



Dans un monologue intérieur, le prisonnier nous dévoile sa décision de se mettre à écrire. D’abord, pour lui-même pour se distraire et oublier ses angoisses. Ensuite pour ceux qui jugent pour que leurs mains soient moins légères quand il s’agit de condamner quelqu’un à mort. C’est sa contribution à lui pour abolir la peine capitale.



CHAPITRE7



Le narrateur se demande quel intérêt peut-il tirer en sauvant d’autre têtes alors qu’il ne peut sauver la sienne.



CHAPITRE8



Le jeune condamné compte le temps qui lui reste à vivre. Six semaines dont il a déjà passé cinq ou même six. Il ne lui reste presque rien.



CHAPITRE9



Notre prisonnier vient de faire son testament. Il pense aux personnes qu’il laisse derrière lui : sa mère, se femme et sa petite fille. C’est pour cette dernière qu’il s’inquiète le plus.



CHAPITRE10



Le condamné nous décrit son cachot qui n’a même pas de fenêtres. Il décrit aussi le long corridor longé par des cachots réservés aux forçats alors que les trois premiers cabanons sont réservés aux condamné à la peine capitale.



CHAPITRE11



Pour passer sa longue nuit, il se lève pour nous décrire les murs de sa cellule pleins d’in--SS--ions, traces laissées par d’autres prisonniers. L’image de l’échafaud crayonnée sur le mur le perturbe.



CHAPITRE12



Le prisonnier reprend sa lecture des in--SS--ions murales. Il découvre les noms de criminels qui ont déjà séjourné dans cette triste cellule.



CHAPITRE13



Le narrateur- personnage se rappelle d’un événement particulier qui a eu lieu il y a quelques jours dans le cour de la prison : le départ des forçats au bagne de Toulon. Il nous rapporte cet événement comme un vrai spectacle en trois actes : la visite médicale, le visite des geôliers et le ferrage. Il nous parle du traitement inhumain réservé à ces condamnés. A la fin du spectacle, il tombe évanoui.



CHAPITRE14



Quand il revient à lui, il se trouve dans l’infirmerie. D’une fenêtre , il peut observer les forçats partir tristement sous la pluie au bagne de Toulon. Il préfère plutôt la mort que les travaux forcés.



CHAPITRE15



Le prisonnier est dans sa cellule. Il avait senti un peu de liberté dans l’infirmerie mais voilà qu’il est repris par l’idée de la mort qu’il pense à s’évader.



CHAPITRE16



Le narrateur se rappelle de ces quelques heures de liberté à l’infirmerie. Il se souvient de cette jeune fille qu’il a entendu chanter de sa vois pure, veloutée une chanson en argot.



CHAPITRE17



Il pense encore à s’évader. Il s’imagine déjà en dehors de la prison dans le port pour s’embarquer vers l’Angleterre mais voilà qu’un gendarme vient demander son passeport : le rêve est brisé



CHAPITRE18



Il est six heures du matin. Le guichetier entre dans le cachot. Il demande à notre condamné ce qu’il désire à manger.



CHAPITRE19



Le directeur de la prison vient en personne voir le condamné. Il se montre doux et gentil. Le jeune comprend que son heure est arrivée.



CHAPITRE20



Le narrateur pense à son geôlier, à la prison qu’il trouve partout autour de lui, dans les murs, dans les guichetiers…



CHAPITRE21



Le condamné reçoit deux visites. D’abord celle du prêtre et puis celle de l’huissier. Ce dernier vient lui annoncer que le pourvoi est rejeté et que son exécution aura lieu le jour même place de Grève. Il reviendra le chercher dans une heure.



CHAPITRE22



Le prisonnier est transféré à la Conciergerie. Il nous conte le voyage et sa discussion avec le prêtre et l’huissier pendant le trajet. Il se montre peu bavard et parait plutôt pensif. A huit heures trente, la carriole est déjà devant la Cour.



CHAPITRE23



L’huissier remet le condamné aux mains du directeur. Dans un cabinet voisin, il fait une rencontre curieuse avec un condamné à mort qui séjournera dans la même cellule à Bicêtre. Ce dernier, fils d’un ancien condamné à mort lui raconte son histoire et s’empare de sa redingote .



CHAPITRE24



Le narrateur est enragé parce que l’autre condamné lui a pris sa redingote.



CHAPITRE25

Le condamné est transféré dans une autre cellule. On lui rapporte, sur sa demande une chaise, une table, ce qu’il faut pour écrire et un lit.



CHAPITRE26

Il est dix heures. Le condamné plaint sa petite fille qui restera sans père. Elle sera peut être repoussée, haie à cause de lui.



CHAPITRE27

Le narrateur se demande comment on pouvait mourir sur l’échafaud.



CHAPITRE28

Il se rappelle avoir déjà vu une fois monter une guillotine sur la place de Grève.



CHAPITRE29

Le jeune détenu pense à cette grâce qui ne vient toujours pas. Il estime maintenant que les galères seraient meilleure solution en attendant qu’un jour arrive la grâce.



CHAPITRE30

Le prêtre revient voir le condamné. Celui-ci est loin d’apprécier sa présence. Ce prêtre parle machinalement et semble peu touché par la souffrance du prisonnier. Ensuite, et bien que la table soit délicate et bien garnie, il ne peut manger.



CHAPITRE31

Le narrateur est surpris de voir un homme prendre les mesures de la cellule. Ironie du sort : la prison va être rénovée dans six mois.



CHAPITRE32

Un autre gendarme vient prendre la relève. Il est un peu brusque. Il demande au prisonnier de venir chez lui après son exécution pour lui révéler les trois bons numéros gagnants à la loterie . Le condamné veut profiter de cette demande bizarre : il lui propose de changer ses vêtements avec lui. Le gendarme refuse ; il a compris que le prisonnier veut s’évader.



CHAPITRE33

Pour oublier son présent, le narrateur passe en revue ses souvenirs d’enfance et de jeunesse.Il s’arrête longuement sur le souvenir de Pepa, cette jeune andalouse dont il était amoureux et avec qui il a passé une belle soirée d’été.



CHAPITRE34

Au milieu de ses souvenirs de jeunesse, le condamné pense à son crime. Entre son passé et son présent, il y a une rivière de sang : le sang de l’autre ( sa victime) et le sien( le coupable)



CHAPITRE35

Le narrateur pense à toutes ces personnes qui continuent toujours à vivre le plus normalement au monde.



CHAPITRE36

Il se rappelle ensuite du jour où il est allé voir la grande cloche (le bourdon) de Notre-Dame (cathédrale à Paris)



CHAPITRE37

Le narrateur décrit brièvement l’hôtel de ville.



CHAPITRE38

Il est une heure le quart. Le condamné éprouve une violente douleur. Il a mal partout. Il lui reste deux heures quarante cinq à vivre.



CHAPITRE39

On dit que sous la guillotine, on ne souffre pas, que cela passe vite. Le narrateur se demande comment on peut savoir une telle chose puisque aucun condamné déjà exécuté ne peut l’affirmer.



CHAPITRE40

Le jeune détenu pense au roi. C’est de lui que viendrait la grâce tant attendue. Sa vie dépend d’une signature. Il espère toujours.



CHAPITRE41

Le condamné se met dans la tête l’idée qu’il va bientôt mourir. Il demande un prêtre pour se confesser, un crucifix à baiser



CHAPITRE42

Il se laisse dormir un moment. C’est son dernier sommeil. Il fait un cauchemar et se réveille frémissant, baigné d’une sueur froide.



CHAPITRE43

La petite Marie vient rendre visite à son père. Ce dernier est choqué devant la fraîche et la belle petite fille qui ne le reconnaît pas. Elle croit que son père est mort. Le jeune condamné perd tout espoir.



CHAPITRE44

Le détenu a une heure devant lui pour s’habituer à la mort. La visite de sa fille l’a poussé dans le désespoir.



CHAPITRE45

Il pense au peuple qui viendra assister au « spectacle » de son exécution. Il se dit que parmi ce public enthousiaste, il y a peut-être des têtes qui le suivront , sans le savoir, dans sa fatale destination.



CHAPITRE46

La petite Marie vient de partir. Le père se demande s’il a le temps de lui écrire quelques pages. Il cherche à se justifier aux les yeux de sa fille.



CHAPITRE47

Ce chapitre comporte une note de l’éditeur : les feuillets qui se rattachent à celui-ci sont perdus ou peut être que le condamné n’a pas eu le temps de les écrire



CHAPITRE48

Le condamné est dans une chambre de l’hôtel de ville. A trois heures, on vient l’avertir qu’il est temps. Le bourreau et ses deux valets, lui coupent les cheveux et le collet avant de lier ses mains. Le convoi se dirige ensuite vers la place de Grève devant une foule de curieux qui attendent l’exécution.



CHAPITRE49

Le condamné demande sa grâce à cette personne qu’il croyait juge, commissaire ou magistrat. Il demande, par pitié, qu’on lui donne cinq minutes pour attendre la grâce. Mais le juge et le bourreau sortent de la cellule. Il reste seul avec le gendarme. Il espère encore mais voilà qu’on vient le chercher…

Resume de La Ficelle de Guy de maupassant


Biographie de Guy de maupassant


Né le 5 août 1850 à Fécamp, Guy de Maupassant se familiarisat avec la campagne normande, ses paysans, son patois et ses scènes typiques, qui devaient lui fournir un inépuisable champ d'inspiration pour ses contes et ses nouvelles. A douze ans, il entra au collège religieux d'Yvetot, et termina ses études secondaires au lycée de Rouen. En 1870, il fut mobilisé lors de la guerre contre la Prusse et, après la défaite, commença une carrière médiocre de fonctionnaire à Paris. Parallèlement, il se mit à écrire, sous l'influence de Flaubert, ami d'enfance de sa mère.




En une douzaine d'années, il publia environ quinze recueils de contes et de nouvelles, six romans et de très nombreux articles de journaux. Ses thèmes d'inspiration étaient variés : il s'agissait aussi bien du monde rural de sa Normandie natale, que du monde des petits bourgeois et des médiocres employés de bureaux.



Fêté, choyé dans les salons parisiens, grand amateur de femmes, romancier à succès, Maupassant finit sa vie dans les souffrances de la maladie. Il sombra petit à petit dans un délire hallucinatoire et la démence s'étant emparée de son esprit, il termina ses jours à la clinique du docteur Blanche, le 6 juillet 1893.




من اعماله الشهيره


Auteur: Guy de Maupassant:


Interprète: Pierre-Alain Olivier

Texte Intégral

Maître Hauchecorne, qui vient au bourg pour le marché, aperçoit par terre un petit morceau de ficelle. Honteux d'être surpris par son "ennemi" en train de ramasser ce qui ressemble à une ordure, il feint d'avoir perdu quelque-chose et poursuit son chemin tout penaud. Mais quand on apprend la disparition d'un portefeuille contenant de l'argent et des papiers d'affaires, les soupçons se tournent immédiatement sur lui. Les méfaits de la rumeur et de la pingrerie traités avec dérision par Guy de MAUPASSANT au travers de personnages colorés incarnés par Pierre-Alain OLIVIER. (Texte intégral, issu du CD Le parapluie)



لمشاهدة القصه






Né le 5 août 1850 à Fécamp, Guy de Maupassant se familiarisat avec la campagne normande, ses paysans, son patois et ses scènes typiques, qui devaient lui fournir un inépuisable champ d'inspiration pour ses contes et ses nouvelles. A douze ans, il entra au collège religieux d'Yvetot, et termina ses études secondaires au lycée de Rouen. En 1870, il fut mobilisé lors de la guerre contre la Prusse et, après la défaite, commença une carrière médiocre de fonctionnaire à Paris. Parallèlement, il se mit à écrire, sous l'influence de Flaubert, ami d'enfance de sa mère.



En une douzaine d'années, il publia environ quinze recueils de contes et de nouvelles, six romans et de très nombreux articles de journaux. Ses thèmes d'inspiration étaient variés : il s'agissait aussi bien du monde rural de sa Normandie natale, que du monde des petits bourgeois et des médiocres employés de bureaux.



Fêté, choyé dans les salons parisiens, grand amateur de femmes, romancier à succès, Maupassant finit sa vie dans les souffrances de la maladie. Il sombra petit à petit dans un délire hallucinatoire et la démence s'étant emparée de son esprit, il termina ses jours à la clinique du docteur Blanche, le 6 juillet 1893.



L'histoire : Résumé





C’est jour de marché dans le bourg normand de Goderville où se rend un paysan, maître Hauchecorne. Maître Hauchecorne ramasse un petit morceau de ficelle, sous les yeux d’un bourrelier, Malandain, avec lequel il est fâché. Plus tard, un crieur public fait savoir que quelqu’un a perdu un portefeuille. Maître Hauchecorne est accusé d’avoir trouvé et conservé le portefeuille. il est dénoncé par Malandain. Convoqué chez le maire pour s’expliquer,on ne peut rien retenir contre Hauchecorne, mais il n’arrive pas non plus à prouver son innocence. Tous ceux qu’il rencontre alors sont persuadés qu’il a conservé le portefeuille.Le lendemain, un valet de ferme restitue le portefeuille qu’il a trouvé sur la route; maître Hauchecorne se croit enfin délivré. Hélas, dans les conversations, plus il raconte son récit et plus les autres croient que c’est lui qui, après avoir trouvé le portefeuille, l’a fait rapporter par un tiers. Hauchecorne tombe dans l’obsession, il est malade puis il meurt et ses derniers mots sont encore pour clamer son innocence, c’est « une ‘tite ficelle » était sa dernière phrase.



Les thèmes



L'individu confronté à la foule cruelle et stupide.Il cherche incessamment à prouver son innocence mais ne peut que sombrer dans la maladie et la folie.Il manque de force et de courage et doit par la suite mourir.



Maitre Hauchecorne, un héros ?



D’habitude, héros suppose des traits caractéristiques comme le courage, la force et l’intelligence. S’il y a des situations menaçantes, le héros agit tout de suite pour se défendre ou pour sauver la vie des autres. Il sacrifie sa propre vie. Dans la guerre, on parle d’un héros, si il a réussi à emporter la victoire. Il y a aussi des héros tragiques. Ce sont des personnages qui doivent faire des choix difficiles.Mme Loisel, le personnage principal de « La Parure » correspond plus ou moins à une héroïne tragique au sens classique. Elle tâche de payer toutes ses dettes et à la fin, elle y réussit. Cependant, le gueux n’est pas un héros. Un jour, il a un accident fatal qui le réduit à la mendicité. C’est son sort triste qui lui est donné par hasard. Il souffre sans cesse et il a peur des gens qui lui refusent l’aumône. Le gueux n’a pas de force ou de courage et, par conséquent, on ne peut pas parler d’un vrai héros. Dans « La Ficelle », le destin de la figure centrale est comparable à celui du gueux. Maître Hauchecorne n’est pas susceptible de prouver son innocence. Il devient - comme le gueux ou la folle, une femme malade qui ne reçoit pas d’aide et qui doit mourir - une victime de la société qui échoue à cause de la cruauté vécue des gens en général et par suite de leur stupidité qui culmine à la simplicité et la platitude



Résumé de aux champs




Guy De Maupassant


Auteur de 82 livres présents sur Booknode

Dans les bibliothèques de 1160 Booknautes

Position dans le top auteur : Position 492

Guy de Maupassant, (1850-1893)


Ecrivain français, auteur de romans et de nouvelles situées entre réalisme et fantastique, où il met en scène la méchanceté et l’horreur ordinaires.

Né à Fécamp, et non au château de Miromesnil, comme sa mère voulut le laisser croire par snobisme, Guy de Maupassant

développa précocement une sensibilité particulière à la violence

dans ses manifestations quotidiennes.

À douze ans, il entra au collège religieux d’Yvetot, et termina ses études secondaires au lycée de Rouen. En 1870, il fut mobilisé lors de la guerre contre la Prusse et, après la défaite, commença une carrière médiocre de fonctionnaire à Paris. Parallèlement, il se mit à écrire, sous l’influence de Flaubert, (qui était un

ami d’enfance de sa mère), qui lui servit de père spirituel. Par l’intermédiaire du maître, il rencontra les écrivains de son temps, Zola, Huysmans, Daudet et les frères Goncourt.



Maupassant fit aussi une école de naturalisme et participa à l’élaboration du recueil collectif des Soirées de Médan (1880), manifeste de l’école naturaliste.

Il y publia son tout premier récit, Boule-de-Suif, qui remporta un très vif succès et le fit connaître des milieux littéraires parisiens.

Maupassant était un très grand romancier et il avait beaucoup de succès. Il abandonna son poste au ministère de l’Instruction publique pour se lancer dans l’écriture. En une douzaine d’années, il publia environ quinze recueils de contes et de nouvelles, six romans et de très nombreux articles de journaux.

Maupassant écrivit d’abord des nouvelles telles la Maison Tellier (1881), les Contes de la bécasse (1883) et les Contes du jour et de la nuit (1885).

Il montre le plus souvent dans ces oeuvres la cruauté, l’égoïsme qui règne en l’homme. Le style des nouvelles de Maupassant reprend quelques-uns des traits typiques de l’écriture réaliste et de l’école naturaliste.

Maupassant a essayé presque tous les styles d’écriture tel le fantastique qui est mélangé avec le réalisme ce qui a cette époque était très rare.

Les thèmes de la peur, du double et de la folie sont également privilégiés dans

cet univers où choses et êtres sont présents.

Il a aussi écrit des oeuvres romanesques comme par exemple Bel–Ami qui est devenu un roman très connu si ce n’est un des plus connus.

Le 27 février 1883 : Naissance du premier enfant de Joséphine, qui était sa maîtresse, déclaré de père inconnu.

Maupassant serait sans doute son père.

En 1892 Maupassant essaye de se donner la mort mais cet acte échoue.

Il est admis à la maison de santé du docteur Blanche, à Passy d’où il n’en sortira plus.

Le 6 juillet 1893 Maupassant décède ; il sera inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris.

L'histoire : résume






Deux familles nombreuses de pauvres paysans normands; Les Vallin et Les Tuvache vivent misérablement dans deux chaumières mitoyennes au pied d’une colline.

Mr et Mme D’Hubières, Un couple aristocrate ne peuvent pas avoir d'enfants. Ils expriment le désir d'adopter le fils des Touvache moyennant une bonne somme d’argent . La mère refuse. Mais, Les Vallin marchandent, acceptent et signent le contrat. L’affaire est conclue, provoquant la rupture entre les familles. Le fils vendu se fait une situation et revient voir ses parents biologiques après vingt ans.

Jalousie et sentiment d’injustice poussent Charlot à reprocher à ses parents de ne pas l’avoir vendu et à les quitter pour toujours.



Les thèmes



Une nouvelle qui a pour cadre la campagne normande et comme thèmes l'argent, la cupidité, et la jalousie. L'adoption peut paraitre légitime mais La proposition des D'Hubiéres est plus qu'indécente. Qui a tort et qui pourrait avoir raison? Les D'Hubiéres, Les Vallins, La mère Tuvache, ou son fils qui lui reproche de ne pas l'avoir vendu?





Pistes pour les exposés :



Recherche documentaire sur l'adoption / Le point de vue du légiste et l'image de l'enfant et des parents adoptifs chez les marocains / le cadre géographique de la nouvelle: la normandie, une recherche documentaire / .Profils: présenter des personnages de Maupassant suites à des lectures parallèles




Resume de chevalier double de Gautier Théophile



Biografia

Pierre Jules Théophile Gautier (Tarbes, 30 agosto 1811 – Neuilly, 23 ottobre 1872) è stato uno scrittore, poeta, giornalista e critico letterario francese.




La sua vita si sviluppa per quasi tutto il XIX secolo, un periodo politico e sociale molto tumultuoso in Francia che diede come frutto molti capolavori e molta creatività artistica.



Fu un ardente difensore del Romanticismo, anche se il suo lavoro è di difficile classificazione e rimane un punto di riferimento per molti movimenti letterari successivi come il Parnassianesimo, il Simbolismo, il Decadentismo e il Modernismo. Fu stimato tantissimo da scrittori i più diversi quali Charles Baudelaire, i fratelli Goncourt e Oscar Wilde.



Il suo maggior successo in prosa fu Capitan Fracassa, dove la maschera del soldato millantatore viene ingentilita in una operazione classica di metateatro con la figura di un nobile decaduto che, per amore, si unisce ad una compagnia di attori girovaghi.




 La formazione classica e gli esordi nella pitturaNato a Tarbes, il giovane Gautier conserva per lungo tempo « il ricordo delle montagne blu » ma molto presto, nel 1814, si trasferisce con la famiglia a Parigi, poiché il padre, impiegato delle imposte dirette, venne trasferito. Qui, oltre a svolgere regolarmente gli studi, legge i romanzi Robinson Crusoe di Daniel Defoe e Paul e Virginie, di Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre. Nel 1822, soggiorna brevemente nel pensionato del liceo Louis-le-Grand ma i genitori devono ritirarlo all'inizio del trimestre a causa del suo deperimento. È più felice quando studia come esterno al collegio Carlomagno dove incontra il giovane Gérard Labrunie (il futuro Nerval) e manifesta un gusto particolare per i poeti latini detti decadenti, i «grotteschi». In questo periodo, frequenta lo studio del pittore Louis Édouard Rioult, in rue Saint-Antoine, e forma, con alcuni amici artisti, il famoso «Petit Cénacle». Decide di dedicarsi alla pittura e fa parte del movimento letterario del Parnasso.





ملخص الحكاية




Résumé de l'ihistoire



le chevalier double de theophile gautier

- -

Une femme mariée qui attendait un enfant.Un jour un étranger est venu chez elle au château pour demander l'hospitalité. Quand il est reparti, elle a eu un enfant (Oluf) étrange : il avait des yeux noirs (comme ceux de l'étranger) et les cheveux blonds (comme ceux de sa mère) son thème astral contient deux étoiles, une verte et une rouge, Le mire déclare qu'il sera très heureux ou très malheureux voire les deux à la fois. Le jeune homme grandit et reprend le titre de son père à sa mort et devient donc le nouveau comte de Lodbrog Il a 20 ans et ravage les coeurs disponibles sans pouvoir vraiment s'accrocher, sa mère est morte de ses angoisses mais le jeune désire enfin connaître l'amour qu'il pense avoir trouvé en la personne de la comtesse Brenda. Celle-ci le rejette car refusant d'aimer deux hommes à la fois, imposant de se débarrasser du chevalier à l'étoile rouge avant de lui céder, il quitte ne comprenant pas pourquoi la comtesse voit deux hommes alors qu'ils sont seuls.

Las, bourré de questions et alors qu'il retourne la voir à travers une terrible tempête, il se retrouve face à un chevalier au panache rouge tandis que lui porte un panache vert. Étant sur une étroite sente, l'un des deux devrait reculer pour laisser passer l'autre, un féroce combat entre les chevaliers et leurs molosses et alors que le heaume du chevalier rouge saute, Oluf se rend compte que tous les coups portés à l'autre le lui sont aussi et inversément et qu'il ne se bat que contre lui-même.

A cette révélation, son double maléfique s'évanouit en fumée et tout se calme.



Ses yeux sont devenus couleur de l'azur de la réconciliation céleste et la comtesse accepte désormais de l'épouser tandis que ses parents reposent enfin en paix



الملخص الثاني

le chevalier double de theophile gautier






résumé: Edwige la blonde devrait être aux anges, enfin enceinte de son vieux comte, elle se ronge cependant du charme trouble qu'un bohémien de passage lui a laissé. Le fils naissant au sombre regard et à la peau blanche et vermeille est fêté et nommé Oluf mais son thème astral contient deux étoiles, une verte et une rouge, comme si deux hommes avaient présidés à sa conception et l'influençait en alternance.


Le mire déclare qu'il sera très heureux ou très malheureux voire les deux à la fois.



De fait, un moment charmant, l'autre presque démoniaque, il fait la fierté de son père qui le voit et de sa mère qui garde son lourd secret. Le jeune homme grandit et reprend le titre de son père à sa mort et devient donc le nouveau comte de Lodbrog Il a 20 ans et ravage les coeurs disponibles sans pouvoir vraiment s'accrocher, sa mère est morte de ses angoisses mais le jeune désire enfin connaître l'amour qu'il pense avoir trouvé en la personne de la comtesse Brenda.



Las, celle-ci le rejette car refusant d'aimer deux hommes à la fois, le sommant de se débarrasser du chevalier à l'étoile rouge avant de lui céder, il quitte ne comprenant pas pourquoi la comtesse voit deux hommes alors qu'ils sont seuls.

Las, bourré de questions et alors qu'il retourne la voir à travers une terrible tempête, il se retrouve face à un chevalier au panache rouge tandis que lui porte un panache vert. Étant sur une étroite sente, l'un des deux devrait reculer pour laisser passer l'autre, un féroce combat entre les chevaliers et leurs molosses et alors que le heaume du chevalier rouge saute, Oluf se rend compte que tous les coups portés à l'autre le lui sont aussi et inversément et qu'il ne se bat que contre lui-même.

A cette révélation, son double maléfique s'évanouit en fumée et tout se calme.



Ses yeux sont devenus couleur de l'azur de la réconciliation céleste et la comtesse accepte désormais de l'épouser tandis que ses parents reposent enfin en paix.



2eme résume

Le combat commença. Les épées, en tombant sur les mailles d'acier, en faisaient jaillir des gerbes d'étincelles pétillantes ; bientôt, quoique d'une trempe supérieure, elles furent ébréchées comme des scies. On eût pris les combattants, à travers la fumée de leurs chevaux et la brume de leur respiration haletante, pour deux noirs forgerons acharnés sur un fer rouge.

Les chevaux, animés de la même rage que leurs maîtres, mordaient à belles dents leurs cous veineux, et s'enlevaient des lambeaux de poitrail ; ils s'agitaient avec des soubresauts furieux, se dressaient sur leurs pieds de derrière, et se servant de leurs sabots comme de poings fermés, ils se portaient des coups terribles pendant que leurs cavaliers se martelaient affreusement par-dessus leurs têtes ; les chiens n'étaient qu'une morsureet qu'un hurlement.

Les gouttes de sang, suintant à travers les écailles imbriquées des armures et tombant toutes tièdes sur la neige, y faisaient de petits trous roses. Au bout de peu d'instants, l'on aurait dit un crible, tant les gouttes tombaient fréquentes et pressées. Les deux chevaliers étaient blessés.

Chose étrange, Oluf sentait les coups qu'il portait au cavalier inconnu ; il souffrait des blessures qu'il faisait et de celles qu'il recevait : il avait éprouvé un grand froid dans la poitrine, comme d'un fer qui entrerait et chercherait le cœur, et pourtant sa cuirasse n'était pas faussée à l'endroit du cœur : sa seule blessure était un coup dans les chairs au bras droit.

Singulier duel, où le vainqueur souffrait autant que le vaincu, où donner et recevoir était une chose indifférente.

Ramassant ses forces, Oluf fit voler d'un revers le terrible heaume de son adversaire. - Ô terreur ! que vit le fils d'Edwige et de Lodbrog ? il se vit lui-même devant lui : un miroir eût été moins exact. Il s'était battu avec son propre spectre, avec le chevalier à l'étoile rouge ; le spectre jeta ungrand cri et disparut.




CANDIDE ou l'optimisme ترجمة بالعربية


تعريف الكاتب

Francois Marie Arouet de Voltaire

né le 21 novembre 1694.

mort le 30 mai 1778. 

Biographie de Voltaire :


Un des plus grands écrivains français : dramaturge, polémiste satirique, philosophe, historien et moraliste. François-Marie Arouet est originaire d'un milieu bourgeois, son père était notaire. Il fait de brillantes études chez les jésuites de Louis-Le-Grand. Des vers irrévérencieux l'obligent à rester en province, puis provoquent son incarcération à la Bastille (1717). Une altercation avec le chevalier Rohan-Chabot le conduit à nouveau à la Bastille, puis le contraint à un exil de trois ans en Angleterre. Au contact des philosophes d'Outre-Manche où la liberté d'expression était alors plus grande qu'en France, il s'engage dans une philosophie réformatrice de la justice et de la société.



De retour en France, Voltaire poursuit sa carrière littéraire avec pour objectif la recherche de la vérité et de la faire connaître pour transformer la société. Au château de Cirey, en Champagne, il écrit des tragédies ("Zaïre", "La mort de César"…) et, avec moins de succès, des comédies ("Nanine"). Il critique la guerre dans "L'Histoire de Charles XII" (1731) puis s'en prend aux dogmes chrétiens dans "Epîtres à Uranie" (1733) et au régime politique en France, basé sur le droit divin, dans "Lettres philosophiques" (1734).



Des poèmes officiels lui permettent d'entrer à l'Académie Française et à la Cour comme historiographe du roi en 1746. Cependant "Zadig" l'oblige à s'exiler à Potsdam sur l'invitation de Frédéric II de Prusse, puis à Genève. Voltaire s'installe définitivement à Ferney, près de la frontière Suisse, où il reçoit toute l'élite intellectuelle de l'époque. En 1759, il publie Candide, une de ses œuvres romanesques les plus célèbres et les plus achevées. S’indignant devant l'intolérance, les guerres et les injustices qui pèsent sur l’humanité, il y dénonce la pensée providentialiste et la métaphysique oiseuse. Avec des pamphlets mordants, Voltaire combat inlassablement pour la liberté, la justice et le triomphe de la raison (affaires Calas, Sirven, chevalier de la Barre). En 1778 il retourne enfin à Paris, à l'Académie et à la Comédie Française, mais épuisé par son triomphe, il y meurt peu de temps après.



Voltaire laisse une œuvre considérable. A cause de la censure, la plupart de ses écrits étaient interdits. Ils étaient publiés de manière anonyme, imprimés à l'étranger et introduits clandestinement en France.



Anticlérical, il dénonce de manière virulente les dogmes des religions. Il croit cependant en un Dieu créateur et non révélé. Ses positions sont donc proches de celles des déistes anglais. Pour lui, la petitesse de l'homme perdu dans l'immensité de l'Univers rend vain et ridicule son désir de rechercher l'absolu ou de comprendre les desseins de Dieu. On peut considérer Voltaire comme l'un des plus grands défenseurs de la libre pensée ainsi que de la laïcité comme condition, pour une société, du bonheur de l'homme.
 
القصه
CANDIDE ou l'optimisme





ترجمة بالعربية







1- مفهوم العنوان







يحتوي العنوان على كلمتين Candide و l'optimisme







Candide إسم شخص. لكن المعنى تحيل إلى وصف: شخص نية naïf ، ساذج، يصدق كل ما نقول له







L'optimisme هي فلسفة التفاؤل. فلسفة مبنية على فكرة أن كل شيء في هذا العالم له غاية. قد نجهل هذه الغاية لكنها حتما تؤدي إلى الخير.إذا كل ما يقع لنا من مكروه هو في أصله خير لانه يؤدي إلى الخير.







2- الاطار الفلسفي







يحاول Voltaire الرد على فلسفة التفاؤل و بخاصة الرائد في هذه الفلسفة و هو الفيلسوف و الرياضي الالماني Leibniz.

إختار Voltaire أسلوبا جديدا للرد على المتافئلين كثيرا: Le conte philosophique. قد أترجمها بالاحجية الفلسفية لانها أقرب للمعنى. لكن لماذا الاحجية؟







3- Le conte philosophique







Voltaire لا يريد تكذيب Leibniz من البداية. بل آختار مبدأ " نتبع الكذاب إلى باب الدار".







إختار شخصيتين: Pangloss و هو يمثل فكر Leibniz المتفائل







و Candide وهو شخصية رهيفة مؤمنة بفكر Pangloss.







سيعيش Candide مغامرات مؤلمة متتالية و سنعرف هل لا زال مؤمنا بالتفاؤل الكلي.







4- السخرية l'ironie







يعتمد Voltaire طول الرواية مبدأ السخرية. لا يقول الكلام مباشرة، على القارئ أن يفهمه.







5- الشخصيات







Candide شاب رهيف المشاعر و الجسم. son corps annonce son âme







Le baron و هو مالك القصر. خال candide. رجل ذو مرتبة إجتماعية راقية. لهذا "يحترمه" كل الناس.







la baronne الزوجة. ذات جسم ممتلئ. لهذا "يحترمها" كل الناس. الاحترام هنا سخرية.







le fils du baron يشبه كثيرا الاب.







Cunégonde الفتاة ذات 17 عاما. يشبهها Voltaire بأكلة شهية لذيذة.







Pangloss فيلسوف القصر. يحمل أفكار Leibniz المتفائلة جدا.







Candide هو إبن غير شرعي بين أخت le baron و رجل من الجوار. لم يتم الزواج لان هذا الرجل لم يستطع إثبات إنتسابه إلى أسرة راقية. فكانت النتبجة أن ورث Candide من أبيه هذا النقص. يعني أنه أقل رتبة من Cunégonde أو le fils du baron.







6- القصة







تبدأ القصة بوصف ما يسميه Pangloss أجمل قصر على وجه الارض.







Cunégonde رأت يوما Pangloss في علاقة مع خادمة. Pangloss يسمي هذه العلاقات دروسا في الفيزياء التطبيقية.







أرادت تطبيق الدرس مع Candide فكانت قبلة. القبلة كلفت الكثير لان Le baron سيطرد Candide من أجمل قصر في الكون. لكنه متفائل. ربما يكون في هذا الطرد خير.







إلتقفه بعض الجنود البغاريين bulgares و أدخلوه الجيش. شارك معهم في الحرب ليشاهد كيف يموت الالاف من الجانبين. لكنه متفائل. ربما يكون في موت هؤلاء خير.







إلتقى بأستاذه الفيلسوف Pangloss. هذا الاخير كان مصابا بمرض منقول جنسيا شوه وجهه. أخبره أن الجنود هجموا على القصر، و قتلوا كل من في القصر.







حزن Candide لاعتقاده أن Cunégonde ماتت.







أخذوا الطريق إلى لشبونة Lisbonne. وقع زلزال رهيب مات فيه الكثير.







من أجل التكفير عن الخطيئة، و حتى لا يتكرر الزلزال قررت محكمة التفتيش L'inquisition حرق بعض الكافرين mécréants و المذنبين hérétiques و المرتدين impies عن الدين المسيحي. عملية الحرق تسمى l'autodafé.







إختارت محكمة التفتيش يهوديان لانهما لا يأكلان الخنزير، رجل عراب parrain تزوج بعرابة، رجل باسكي (من إقليم الباسك) و أخيرا Candide و pangloss.







أثناء عمليةالحرق، إهتزت الارض مرة أخرى. نجا Candide. أخذته عجوز ليجد عندها Cunégonde . هذه الاخيرة لا زالت حية. لكنه متفائل. ربما يكون في الزلزال سببا لالتقاء هذه العجوز. وهذا خير.







أخذ الجميع الطريق إلى أمريكا. في البحر، كل واحد بدأ يحكي قصته.







بوصولهم بيونيس آيرس، إلتقوا بحاكمها الذي بدأ يهتم بأمر Cunégonde. لحق بهم بعض اللصوص الذين اتوا من أوروبا، فكان الهرب، و أفترق Candide عن عشيقته.







Candide لا زال متفائلا. أخذ يبحث عن العشيقة. إلتقى في الطريق Le fils du baron. إقترح عليه فكرة أن يتزوج أخته. إبن البارون رفض. تخاصما فقتل Candide أخ عشيقته.







في امريكا الجنوبية، وصل Candide و خادمه الجديد Cacambo إلى بلاد غريبة: كل شيء فيها جميل، الاحجار فيها كم ذهب، يأكل الناس مجانا... تسمى البلد L'eldorado. لكن L'eldorado بدون Cunégonde لا يعني شيئا.







بعد أخذ و رد مع الاحداث، و هجرة إلى خليج فرنسا، ثم هجرة إلى القسطنطينية، ثم العودة، وجد Candide عشيقته، و العجوز و معلمه Pangloss. عاشوا جميعا سعداء في أرض يستغلونها.







هل بقي Candide متفائلا؟







لا. لقد غير نظرته للحياة. لم يعد متفائلا كليا، ولا متشائما كليا. أنهى القصة بفكرة أساسية:







Chacun cultive son jardin.







كل ما يقع لنا من خير أو شر هو مما نصنعه نحن









CANDIDE ou l'optimisme







ترجمة بالعربية







1- مفهوم العنوان







يحتوي العنوان على كلمتين Candide و l'optimisme







Candide إسم شخص. لكن المعنى تحيل إلى وصف: شخص نية naïf ، ساذج، يصدق كل ما نقول له







L'optimisme هي فلسفة التفاؤل. فلسفة مبنية على فكرة أن كل شيء في هذا العالم له غاية. قد نجهل هذه الغاية لكنها حتما تؤدي إلى الخير.إذا كل ما يقع لنا من مكروه هو في أصله خير لانه يؤدي إلى الخير.







2- الاطار الفلسفي







يحاول Voltaire الرد على فلسفة التفاؤل و بخاصة الرائد في هذه الفلسفة و هو الفيلسوف و الرياضي الالماني Leibniz.

إختار Voltaire أسلوبا جديدا للرد على المتافئلين كثيرا: Le conte philosophique. قد أترجمها بالاحجية الفلسفية لانها أقرب للمعنى. لكن لماذا الاحجية؟







3- Le conte philosophique







Voltaire لا يريد تكذيب Leibniz من البداية. بل آختار مبدأ " نتبع الكذاب إلى باب الدار".







إختار شخصيتين: Pangloss و هو يمثل فكر Leibniz المتفائل







و Candide وهو شخصية رهيفة مؤمنة بفكر Pangloss.







سيعيش Candide مغامرات مؤلمة متتالية و سنعرف هل لا زال مؤمنا بالتفاؤل الكلي.







4- السخرية l'ironie







يعتمد Voltaire طول الرواية مبدأ السخرية. لا يقول الكلام مباشرة، على القارئ أن يفهمه.







5- الشخصيات







Candide شاب رهيف المشاعر و الجسم. son corps annonce son âme







Le baron و هو مالك القصر. خال candide. رجل ذو مرتبة إجتماعية راقية. لهذا "يحترمه" كل الناس.







la baronne الزوجة. ذات جسم ممتلئ. لهذا "يحترمها" كل الناس. الاحترام هنا سخرية.







le fils du baron يشبه كثيرا الاب.







Cunégonde الفتاة ذات 17 عاما. يشبهها Voltaire بأكلة شهية لذيذة.







Pangloss فيلسوف القصر. يحمل أفكار Leibniz المتفائلة جدا.







Candide هو إبن غير شرعي بين أخت le baron و رجل من الجوار. لم يتم الزواج لان هذا الرجل لم يستطع إثبات إنتسابه إلى أسرة راقية. فكانت النتبجة أن ورث Candide من أبيه هذا النقص. يعني أنه أقل رتبة من Cunégonde أو le fils du baron.







6- القصة







تبدأ القصة بوصف ما يسميه Pangloss أجمل قصر على وجه الارض.







Cunégonde رأت يوما Pangloss في علاقة مع خادمة. Pangloss يسمي هذه العلاقات دروسا في الفيزياء التطبيقية.







أرادت تطبيق الدرس مع Candide فكانت قبلة. القبلة كلفت الكثير لان Le baron سيطرد Candide من أجمل قصر في الكون. لكنه متفائل. ربما يكون في هذا الطرد خير.







إلتقفه بعض الجنود البغاريين bulgares و أدخلوه الجيش. شارك معهم في الحرب ليشاهد كيف يموت الالاف من الجانبين. لكنه متفائل. ربما يكون في موت هؤلاء خير.







إلتقى بأستاذه الفيلسوف Pangloss. هذا الاخير كان مصابا بمرض منقول جنسيا شوه وجهه. أخبره أن الجنود هجموا على القصر، و قتلوا كل من في القصر.







حزن Candide لاعتقاده أن Cunégonde ماتت.







أخذوا الطريق إلى لشبونة Lisbonne. وقع زلزال رهيب مات فيه الكثير.







من أجل التكفير عن الخطيئة، و حتى لا يتكرر الزلزال قررت محكمة التفتيش L'inquisition حرق بعض الكافرين mécréants و المذنبين hérétiques و المرتدين impies عن الدين المسيحي. عملية الحرق تسمى l'autodafé.







إختارت محكمة التفتيش يهوديان لانهما لا يأكلان الخنزير، رجل عراب parrain تزوج بعرابة، رجل باسكي (من إقليم الباسك) و أخيرا Candide و pangloss.







أثناء عمليةالحرق، إهتزت الارض مرة أخرى. نجا Candide. أخذته عجوز ليجد عندها Cunégonde . هذه الاخيرة لا زالت حية. لكنه متفائل. ربما يكون في الزلزال سببا لالتقاء هذه العجوز. وهذا خير.







أخذ الجميع الطريق إلى أمريكا. في البحر، كل واحد بدأ يحكي قصته.







بوصولهم بيونيس آيرس، إلتقوا بحاكمها الذي بدأ يهتم بأمر Cunégonde. لحق بهم بعض اللصوص الذين اتوا من أوروبا، فكان الهرب، و أفترق Candide عن عشيقته.







Candide لا زال متفائلا. أخذ يبحث عن العشيقة. إلتقى في الطريق Le fils du baron. إقترح عليه فكرة أن يتزوج أخته. إبن البارون رفض. تخاصما فقتل Candide أخ عشيقته.







في امريكا الجنوبية، وصل Candide و خادمه الجديد Cacambo إلى بلاد غريبة: كل شيء فيها جميل، الاحجار فيها كم ذهب، يأكل الناس مجانا... تسمى البلد L'eldorado. لكن L'eldorado بدون Cunégonde لا يعني شيئا.







بعد أخذ و رد مع الاحداث، و هجرة إلى خليج فرنسا، ثم هجرة إلى القسطنطينية، ثم العودة، وجد Candide عشيقته، و العجوز و معلمه Pangloss. عاشوا جميعا سعداء في أرض يستغلونها.







هل بقي Candide متفائلا؟







لا. لقد غير نظرته للحياة. لم يعد متفائلا كليا، ولا متشائما كليا. أنهى القصة بفكرة أساسية:







Chacun cultive son jardin.

كل ما يقع لنا من خير أو شر هو مما نصنعه نحن



الجزء الثاني من تحليل القصه 

Le classique du mois: Candide ou l'Optimisme de Voltaire


Résumé : Candide est un jeune garçon vivant au château du baron de Thunder-ten-tronckh. Il a pour maître Pangloss qui professe, à l'instar de Leibniz, que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles. Cependant Candide est chassé de ce meilleur des mondes possibles à la suite d'une « Leçon de physique expérimentale » entreprise avec Cunégonde, la fille du Baron. Candide découvre alors le monde et passe de déconvenues en déconvenues.





Mon avis : J’ai découvert Candide en 1er pour mon bac français. Ce livre constituait à cette époque ma deuxième lecture de l’auteur (la première étant Zadig). Candide est une œuvre classique introduisant une certaine notion de philosophie et de réflexion sur la vie. Voltaire dissémine dans son texte de nombreuses références à l’actualité parisienne de l’époque. Voltaire nous décrit aussi avec génie les aventures de Candide, ce pauvre jeune homme qui va de désillusions en désillusions. Certains passages de l’œuvres sont très marquants comme par exemple celui du tremblement de terre au Portugal ou du nègre de Surinam qui sont souvent étudiés dans les salles de classe et dans les universités. Selon moi, Voltaire est un précurseur avec cette œuvre qui est en fait un conte philosophique permettant d’exposer les idées des Lumières et de les défendre.









Candide ou l'optimisme



Résumé

Candide, fils de la soeur du baron Thunder-ten-tronck, est un jeune homme naïf qui vit dans " le plus beau des châteaux ". Il aime Cunégonde et écoute avidement les théories de Pangloss le philosophe. C'est aussi l'ami du frère de Cunégonde. Un jour, il embrasse Cunégonde et là, tout s'écroule et il est mis à la porte du château. Candide veut revoir Cunégonde car il l'aime. Une fois jeté à la porte, Candide se fait engager de force dans l'armée bulgare. Après quelques semaines passées dans l'armée, il déserte et fuit en Hollande. Lorsqu'il arrive en Hollande, il est très misérable et un homme qui répond au nom de Jaques l'accueille chez lui. Lors d'une promenade, il rencontre Pangloss qui était son professeur au château. Lui aussi est mal en point. Il raconte à Candide que les Bulgares ont détruit le château, violé puis tué Cunégonde ainsi que tous les occupants du château. Jaques avec beaucoup de bonté recueille également Pangloss. Après deux mois passé ensemble, Jaques décide d'emmener ses deux philosophes en voyage d'affaires avec lui à Lisbonne. Alors qu'ils sont en vue du port de Lisbonne, la terre se mit à trembler, un raz de marée gigantesque fait chavirer leur vaisseau. Jaques périt noyé tandis que Pangloss et Candide arrivent à Lisbonne. Pendant qu'il marchait en ville tout en discutant de choses philosophiques, un agent de l'inquisition les écoute attentivement. Ce dernier les fait arrêter sur le champ. Pangloss est mort pendu et Candide lui, est " seulement " flagellé. Le châtiment supporté, Candide est interpellé par une vielle femme qui lui apprend que Cunégonde n'est pas morte. Ça y est, les amoureux sont à nouveau réunis. La fille du baron raconte son histoire a Candide. En fait, un capitaine bulgare l'a sauvée du massacre et l'a vendue à un banquier juif, Don Issacar chez qui elle vit. A peine son récit achevé que survient Don Issacar. Ce dernier, fou de jalousie se jette sur Candide pour le poignarder mais le jeune homme tue son agresseur. Juste après le meurtre, l'inquisiteur arrive à son tour et surprend Candide l'épée a la main. Afin d'éliminer les témoins encombrants, Candide " le perce d'outre en outre, et le jette à côté du juif ". Candide, Cunégonde et la vieille prennent alors la fuite. Après quelques mésaventures, ils arrivent enfin a Cadix où il s'embarquent pour le Paraguay afin d'échapper aux représailles des juifs. Candide s'engage comme capitaine. Au cours de la traversée, la vieille raconte son histoire à Candide et on apprend ainsi qu'elle est la fille du pape Urbain X et qu'elle a connu de multiples malheurs. A Buenos Ayres, le gouverneur demande Cunégonde en mariage et Candide est identifié comme l'assassin présumé de l'inquisiteur. Il faut donc qu'ils se séparent à nouveau. Candide avait amené d'Europe un valet, Cacambo et c'est avec lui qu'il se réfugie chez les jésuites du Paraguay. Là, il découvre que le révérend père n'est autre que le frère de Cunégonde, qu'il avait cru mort dans l'attaque du château par les Bulgares. Le jeune baron raconte son histoire. Puis lorsqu'il apprend que Candide prétend à la main de sa soeur Cunégonde, il le frappe. Candide pour se défendre le tue. Nouveau meurtre, nouvelle fuite. Candide et Cacambo pénètrent dans le territoire des Oreillons. Ceux-ci leur réservent les plus grands égards lorsqu'ils ont la certitude qu'ils ne sont pas des jésuites. Les deux héros finissent par atteindre un lieu paradisiaque, nommé l'Eldorado, dans lequel les hommes vivent en harmonie et connaissent un bonheur fondé sur le respect mutuel et le dédain des richesses matérielles. Pourtant, Candide, toujours désireux de retrouver Cunégonde préfère quitter ce pays paradisiaque, après un mois d'un séjour merveilleux. Le voyage reprend donc après cette brève halte. C'est au Surinam, colonie hollandaise, que Candide découvre l'atroce réalité de l'esclavage. Il apprend ainsi à quel prix se paie le sucre que mangent les Européens. Il décide d'envoyer Cacambo racheter Cunégonde au gouverneur de Buenos Ayres pendant que de son côté, il cherchera à regagner l'Europe. Rendez-vous est donné à Venise. Candide s'attache à un nouveau compagnon, Martin, pessimiste et philosophe. Au cours de la traversée, Martin expose à Candide sa vision sans illusion du monde, qui contraste évidemment avec l'enseignement de Pangloss. Candide et Martin finissent par atteindre Venise après plusieurs aventures. Ils attendent Cacambo et Cunégonde, mais ceux-ci ne sont pas au rendez-vous fixé. Ils sont remplacés par deux nouveaux venus, Paquette, l'ancienne maîtresse de Pangloss devenue prostituée, accompagnée de frère Giroflée, un moine singulier. L'escale à Venise paraît être l'occasion de rencontrer enfin un homme comblé par la fortune: le noble vénitien Prococurant. Ce dernier s'avère pourtant décevant. Blasé, revenu de tous les plaisirs, il n'en jouit plus d'aucun. Indifférent à tout ce qui l'entoure, Prococurant n'est pas plus heureux que les autres. Candide et Martin rembarquent. Sur le vaisseau, ils retrouvent Cacambo, devenu esclave. Ils le rachètent, puis sur une galère qu'ils viennent de croiser, ils voient Pangloss et le frère de Cunégonde enchaînés à leur rame. Pangloss a échappé à la mort et le baron n'a pas reçu le coup fatal que Candide croyait lui avoir porté. Manque encore à l'appel Cunégonde, celle que Candide poursuit de son amour à travers le monde, et cela avec constance depuis le début du récit. Pangloss puis le baron relatent leurs aventures. Enfin la compagnie atteint le rivage de la Turquie et s'installe sur les bords de la Propontide, c'est-à-dire la mer de Marmara: " les premiers objets qui se présentèrent furent Cunégonde et la Vielle ". Or, stupeur, la jeune femme, pour l'amour de laquelle Candide a traversé le monde et survécu à mille dangers, est devenue laide et revêche. Toutefois Candide reste fidèle à ses engagements et se propose d'épouser celle qui n'est plus " fraîche, grasse, appétissante ", comme au chapitre premier. Candide a fait l'acquisition d'une petite propriété qu'il exploite avec tous ses anciens compagnons d'infortune. Le travail apprend à chacun hormis Pangloss qui lui n'a guère évolué que le bonheur est à la mesure de ses efforts. Il faut donc " cultiver notre jardin ". Sur cette morale s'achève le conte et l'apprentissage du jeune Candide.

مواقع ذات صله

------------------------- DEBUT DU FICHIER candide3 --------------------------------




CANDIDE OU L'OPTIMISME









Traduit de l'allemand de M. le docteur Ralph









AVEC LES ADDITIONS QU'ON A TROUVةES



DANS LA POCHE DU DOCTEUR,



LORSQU'IL MOURUT ہ MINDEN, L'AN DE GRآCE 1759











CHAPITRE PREMIER



---------------------------------



COMMENT CANDIDE FUT ةLEVة



DANS UN BEAU CHآTEAU,



ET COMMENT IL FUT CHASSة D'ICELUI









Il y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple ; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu'il était fils de la soeur de monsieur le baron et d'un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l'injure du temps.







Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.







Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était l'oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.







Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.







« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »







Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu'il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'après le bonheur d'être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur était d'être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et le quatrième, d'entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent de toute la terre.







Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu'on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile. Comme Mlle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s'en retourna tout agitée, toute pensive, toute remplie du désir d'être savante, songeant qu'elle pourrait bien être la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne.







Elle rencontra Candide en revenant au château, et rougit ; Candide rougit aussi ; elle lui dit bonjour d'une voix entrecoupée, et Candide lui parla sans savoir ce qu'il disait. Le lendemain après le dîner, comme on sortait de table, Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent ; Cunégonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa, elle lui prit innocemment la main, le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une sensibilité, une grâce toute particulière ; leurs bouches se rencontrèrent, leurs yeux s'enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs mains s'égarèrent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa auprès du paravent, et voyant cette cause et cet effet, chassa Candide du château à grands coups de pied dans le derrière ; Cunégonde s'évanouit ; elle fut souffletée par madame la baronne dès qu'elle fut revenue à elle-même ; et tout fut consterné dans le plus beau et le plus agréable des châteaux possibles.









CHAPITRE SECOND



---------------------



CE QUE DEVINT CANDIDE



PARMI LES BULGARES









Candide, chassé du paradis terrestre, marcha longtemps sans savoir où, pleurant, levant les yeux au ciel, les tournant souvent vers le plus beau des châteaux qui renfermait la plus belle des baronnettes ; il se coucha sans souper au milieu des champs entre deux sillons ; la neige tombait à gros flocons. Candide, tout transi, se traîna le lendemain vers la ville voisine, qui s'appelle Valdberghoff-trarbk-dikdorff, n'ayant point d'argent, mourant de faim et de lassitude. Il s'arrêta tristement à la porte d'un cabaret. Deux hommes habillés de bleu le remarquèrent : « Camarade, dit l'un, voilà un jeune homme très bien fait, et qui a la taille requise. » Ils s'avancèrent vers Candide et le prièrent à dîner très civilement. « Messieurs, leur dit Candide avec une modestie charmante, vous me faites beaucoup d'honneur, mais je n'ai pas de quoi payer mon écot. -- Ah ! monsieur, lui dit un des bleus, les personnes de votre figure et de votre mérite ne payent jamais rien : n'avez-vous pas cinq pieds cinq pouces de haut ? -- Oui, messieurs, c'est ma taille, dit-il en faisant la révérence. -- Ah ! monsieur, mettez-vous à table ; non seulement nous vous défrayerons, mais nous ne souffrirons jamais qu'un homme comme vous manque d'argent ; les hommes ne sont faits que pour se secourir les uns les autres. -- Vous avez raison, dit Candide : c'est ce que M. Pangloss m'a toujours dit, et je vois bien que tout est au mieux. » On le prie d'accepter quelques écus, il les prend et veut faire son billet ; on n'en veut point, on se met à table : « N'aimez-vous pas tendrement ?... -- Oh ! oui, répondit-il, j'aime tendrement Mlle Cunégonde. -- Non, dit l'un de ces messieurs, nous vous demandons si vous n'aimez pas tendrement le roi des Bulgares. -- Point du tout, dit-il, car je ne l'ai jamais vu. -- Comment ! c'est le plus charmant des rois, et il faut boire à sa santé. -- Oh ! très volontiers, messieurs » ; et il boit. « C'en est assez, lui dit-on, vous voilà l'appui, le soutien, le défenseur, le héros des Bulgares ; votre fortune est faite, et votre gloire est assurée. » On lui met sur-le-champ les fers aux pieds, et on le mène au régiment. On le fait tourner à droite, à gauche, hausser la baguette, remettre la baguette, coucher en joue, tirer, doubler le pas, et on lui donne trente coups de bâton ; le lendemain il fait l'exercice un peu moins mal, et il ne reçoit que vingt coups ; le surlendemain on ne lui en donne que dix, et il est regardé par ses camarades comme un prodige.







Candide, tout stupéfait, ne démêlait pas encore trop bien comment il était un héros. Il s'avisa un beau jour de printemps de s'aller promener, marchant tout droit devant lui, croyant que c'était un privilège de l'espèce humaine, comme de l'espèce animale, de se servir de ses jambes à son plaisir. Il n'eut pas fait deux lieues que voilà quatre autres héros de six pieds qui l'atteignent, qui le lient, qui le mènent dans un cachot. On lui demanda juridiquement ce qu'il aimait le mieux d'être fustigé trente-six fois par tout le régiment, ou de recevoir à la fois douze balles de plomb dans la cervelle. Il eut beau dire que les volontés sont libres ; et qu'il ne voulait ni l'un ni l'autre, il fallut faire un choix ; il se détermina, en vertu du don de Dieu qu'on nomme liberté, à passer trente-six fois par les baguettes ; il essuya deux promenades. Le régiment était composé de deux mille hommes ; cela lui composa quatre mille coups de baguette, qui, depuis la nuque du cou jusqu'au cul, lui découvrirent les muscles et les nerfs. Comme on allait procéder à la troisième course, Candide, n'en pouvant plus, demanda en grâce qu'on voulût bien avoir la bonté de lui casser la tête ; il obtint cette faveur ; on lui bande les yeux, on le fait mettre à genoux. Le roi des Bulgares passe dans ce moment, s'informe du crime du patient ; et comme ce roi avait un grand génie, il comprit, par tout ce qu'il apprit de Candide, que c'était un jeune métaphysicien, fort ignorant des choses de ce monde, et il lui accorda sa grâce avec une clémence qui sera louée dans tous les journaux et dans tous les siècles. Un brave chirurgien guérit Candide en trois semaines avec les émollients enseignés par Dioscoride, Il avait déjà un peu de peau et pouvait marcher, quand le roi des Bulgares livra bataille au roi des Abares.









CHAPITRE TROISIبME



-------------------------



COMMENT CANDIDE SE SAUVA



D'ENTRE LES BULGARES,



ET CE QU'IL DEVINT









Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque.







Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.







Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l'avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais Mlle Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent quand il fut en Hollande ; mais ayant entendu dire que tout le monde était riche dans ce pays-là, et qu'on y était chrétien, il ne douta pas qu'on ne le traitât aussi bien qu'il l'avait été dans le château de monsieur le baron avant qu'il en eût été chassé pour les beaux yeux de Mlle Cunégonde.







Il demanda l'aumône à plusieurs graves personnages, qui lui répondirent tous que, s'il continuait à faire ce métier, on l'enfermerait dans une maison de correction pour lui apprendre à vivre.







Il s'adressa ensuite à un homme qui venait de parler tout seul une heure de suite sur la charité dans une grande assemblée. Cet orateur, le regardant de travers, lui dit : « Que venez-vous faire ici ? y êtes-vous pour la bonne cause ? -- Il n'y a point d'effet sans cause, répondit modestement Candide, tout est enchaîné nécessairement et arrangé pour le mieux. Il a fallu que je fusse chassé d'auprès de Mlle Cunégonde, que j'aie passé par les baguettes, et il faut que je demande mon pain jusqu'à ce que je puisse en gagner ; tout cela ne pouvait être autrement. -- Mon ami, lui dit l'orateur, croyez-vous que le pape soit l'Antéchrist ? -- Je ne l'avais pas encore entendu dire, répondit Candide ; mais qu'il le soit ou qu'il ne le soit pas, je manque de pain.







-- Tu ne mérites pas d'en manger, dit l'autre ; va, coquin, va, misérable, ne m'approche de ta vie. » La femme de l'orateur, ayant mis la tête à la fenêtre et avisant un homme qui doutait que le pape fût antéchrist, lui répandit sur le chef un plein... O ciel ! à quel excès se porte le zèle de la religion dans les dames !







Un homme qui n'avait point été baptisé, un bon anabaptiste, nommé Jacques, vit la manière cruelle et ignominieuse dont on traitait ainsi un de ses frères, un être à deux pieds sans plumes, qui avait une âme ; il l'amena chez lui, le nettoya, lui donna du pain et de la bière, lui fit présent de deux florins, et voulut même lui apprendre à travailler dans ses manufactures aux étoffes de Perse qu'on fabrique en Hollande. Candide, se prosternant presque devant lui, s'écriait : « Maître Pangloss me l'avait bien dit que tout est au mieux dans ce monde, car je suis infiniment plus touché de votre extrême générosité que de la dureté de ce monsieur à manteau noir et de madame son épouse. »







Le lendemain, en se promenant, il rencontra un gueux tout couvert de pustules, les yeux morts, le bout du nez rongé, la bouche de travers, les dents noires, et parlant de la gorge, tourmenté d'une toux violente et crachant une dent à chaque effort.









CHAPITRE QUATRIبME



----------------------------------



COMMENT CANDIDE RENCONTRA



SON ANCIEN MAخTRE DE PHILOSOPHIE,



LE DOCTEUR PANGLOSS,



ET CE QUI EN ADVINT









Candide, plus ému encore de compassion que d'horreur, donna à cet épouvantable gueux les deux florins qu'il avait reçus de son honnête anabaptiste Jacques. Le fantôme le regarda fixement, versa des larmes, et sauta à son cou. Candide, effrayé, recule. « Hélas ! dit le misérable à l'autre misérable, ne reconnaissez-vous plus votre cher Pangloss ? -- Qu'entends-je ? Vous, mon cher maître ! vous, dans cet état horrible ! Quel malheur vous est-il donc arrivé ? Pourquoi n'êtes-vous plus dans le plus beau des châteaux ? Qu'est devenue Mlle Cunégonde, la perle des filles, le chef d'oeuvre de la nature ? -- Je n'en peux plus », dit Pangloss. Aussitôt Candide le mena dans l'étable de l'anabaptiste, où il lui fit manger un peu de pain ; et quand Pangloss fut refait : « Eh bien ! lui dit-il, Cunégonde ? -- Elle est morte », reprit l'autre. Candide s'évanouit à ce mot ; son ami rappela ses sens avec un peu de mauvais vinaigre qui se trouva par hasard dans l'étable. Candide rouvre les yeux. « Cunégonde est morte ! Ah ! meilleur des mondes, où êtes-vous ? Mais de quelle maladie est-elle morte ? ne serait-ce point de m'avoir vu chasser du beau château de monsieur son père à grands coups de pied ? -- Non, dit Pangloss ; elle a été éventrée par des soldats bulgares, après avoir été violée autant qu'on peut l'être ; ils ont cassé la tête à monsieur le baron qui voulait la défendre ; madame la baronne a été coupée en morceaux ; mon pauvre pupille, traité précisément comme sa soeur ; et quant au château, il n'est pas resté pierre sur pierre, pas une grange, pas un mouton, pas un canard, pas un arbre ; mais nous avons été bien vengés, car les Abares en ont fait autant dans une baronnie voisine qui appartenait à un seigneur bulgare. »







A ce discours, Candide s'évanouit encore ; mais revenu à soi, et ayant dit tout ce qu'il devait dire, il s'enquit de la cause et de l'effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux état. « Hélas ! dit l'autre, c'est l'amour ; l'amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l'univers, l'âme de tous les êtres sensibles, le tendre amour. -- Hélas ! dit Candide, je l'ai connu, cet amour, ce souverain des coeurs, cette âme de notre âme ; il ne m'a jamais valu qu'un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable ? »







Pangloss répondit en ces termes : « O mon cher Candide ! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne ; j'ai goûté dans ses bras les délices du paradis, qui ont produit ces tourments d'enfer dont vous me voyez dévoré ; elle en était infectée, elle en est peut-être morte. Paquette tenait ce présent d'un cordelier très savant, qui avait remonté à la source ; car il l'avait eue d'une vieille comtesse, qui l'avait reçue d'un capitaine de cavalerie, qui la devait à une marquise, qui la tenait d'un page, qui l'avait reçue d'un jésuite, qui, étant novice, l'avait eue en droite ligne d'un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne la donnerai à personne, car je me meurs.







-- ش Pangloss ! s'écria Candide, voilà une étrange généalogie ! n'est-ce pas le diable qui en fut la souche ? -- Point du tout, répliqua ce grand homme ; c'était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingrédient nécessaire ; car si Colomb n'avait pas attrapé, dans une île de l'Amérique, cette maladie qui empoisonne la source de la génération, qui souvent même empêche la génération, et qui est évidemment l'opposé du grand but de la nature, nous n'aurions ni le chocolat ni la cochenille ; il faut encore observer que jusqu'aujourdh'ui, dans notre continent, cette maladie nous est particulière, comme la controverse. Les Turcs, les Indiens, les Persans, les Chinois, les Siamois, les Japonais, ne la connaissent pas encore ; mais il y a une raison suffisante pour qu'ils la connaissent à leur tour dans quelques siècles. En attendant, elle a fait un merveilleux progrès parmi nous, et surtout dans ces grandes armées composées d'honnêtes stipendiaires, bien élevés, qui décident du destin des ةtats ; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en bataille rangée contre des troupes égales en nombre, il y a environ vingt mille vérolés de chaque côté.







-- Voilà qui est admirable, dit Candide, mais il faut vous faire guérir. -- Et comment le puis- je ? dit Pangloss ; je n'ai pas le sou, mon ami ; et dans toute l'étendue de ce globe, on ne peut ni se faire saigner ni prendre un lavement sans payer, ou sans qu'il y ait quelqu'un qui paye pour nous. »







Ce dernier discours détermina Candide ; il alla se jeter aux pieds de son charitable anabaptiste Jacques, et lui fit une peinture si touchante de l'état où son ami était réduit que le bonhomme n'hésita pas à recueillir le docteur Pangloss ; il le fit guérir à ses dépens. Pangloss, dans la cure, ne perdit qu'un oeil et une oreille. Il écrivait bien et savait parfaitement l'arithmétique. L'anabaptiste Jacques en fit son teneur de livres. Au bout de deux mois, étant obligé d'aller à Lisbonne pour les affaires de son commerce, il mena dans son vaisseau ses deux philosophes. Pangloss lui expliqua comment tout était on ne peut mieux. Jacques n'était pas de cet avis. « Il faut bien, disait-il, que les hommes aient un peu corrompu la nature, car ils ne sont point nés loups, et ils sont devenus loups. Dieu ne leur a donné ni canon de vingt-quatre ni baïonnettes, et ils se sont fait des baïonnettes et des canons pour se détruire. Je pourrais mettre en ligne de compte les banqueroutes, et la justice qui s'empare des biens des banqueroutiers pour en frustrer les créanciers. -- Tout cela était indispensable, répliquait le docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien général, de sorte que plus il y a de malheurs particuliers, et plus tout est bien. » Tandis qu'il raisonnait, l'air s'obscurcit, les vents soufflèrent des quatre coins du monde et le vaisseau fut assailli de la plus horrible tempête à la vue du port de Lisbonne.









CHAPITRE CINQUIبME



--------------------------------



TEMPتTE, NAUFRAGE, TREMBLEMENT



DE TERRE, ET CE QUI ADVINT



DU DOCTEUR PANGLOSS, DE CANDIDE



ET DE L'ANABAPTISTE JACQUES









La moitié des passagers, affaiblis, expirants de ces angoisses inconcevables que le roulis d'un vaisseau porte dans les nerfs et dans toutes les humeurs du corps agitées en sens contraire, n'avait pas même la force de s'inquiéter du danger. L'autre moitié jetait des cris et faisait des prières ; les voiles étaient déchirées, les mâts brisés, le vaisseau entrouvert. Travaillait qui pouvait, personne ne s'entendait, personne ne commandait. L'anabaptiste aidait un peu à la manoeuvre ; il était sur le tillac ; un matelot furieux le frappe rudement et l'étend sur les planches ; mais du coup qu'il lui donna il eut lui-même une si violente secousse qu'il tomba hors du vaisseau la tête la première. Il restait suspendu et accroché à une partie de mât rompue. Le bon Jacques court à son secours, l'aide à remonter, et de l'effort qu'il fit il est précipité dans la mer à la vue du matelot, qui le laissa périr, sans daigner seulement le regarder. Candide approche, voit son bienfaiteur qui reparaît un moment et qui est englouti pour jamais. Il veut se jeter après lui dans la mer ; le philosophe Pangloss l'en empêche, en lui prouvant que la rade de Lisbonne avait été formée exprès pour que cet anabaptiste s'y noyât. Tandis qu'il le prouvait a priori, le vaisseau s'entrouvre, tout périt à la réserve de Pangloss, de Candide, et de ce brutal de matelot qui avait noyé le vertueux anabaptiste ; le coquin nagea heureusement jusqu'au rivage où Pangloss et Candide furent portés sur une planche.







Quand ils furent revenus un peu à eux, ils marchèrent vers Lisbonne ; il leur restait quelque argent, avec lequel ils espéraient se sauver de la faim après avoir échappé à la tempête.







ہ peine ont-ils mis le pied dans la ville en pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu'ils sentent la terre trembler sous leurs pas ; la mer s'élève en bouillonnant dans le port, et brise les vaisseaux qui sont à l'ancre. Des tourbillons de flammes et de cendres couvrent les rues et les places publiques ; les maisons s'écroulent, les toits sont renversés sur les fondements, et les fondements se dispersent ; trente mille habitants de tout âge et de tout sexe sont écrasés sous des ruines, Le matelot disait en sifflant et en jurant : « Il y aura quelque chose à gagner ici. -- Quelle peut être la raison suffisante de ce phénomène ? disait Pangloss. -- Voici le dernier jour du monde ! » s'écriait Candide. Le matelot court incontinent au milieu des débris, affronte la mort pour trouver de l'argent, en trouve, s'en empare, s'enivre, et, ayant cuvé son vin, achète les faveurs de la première fille de bonne volonté qu'il rencontre sur les ruines des maisons détruites et au milieu des mourants et des morts. Pangloss le tirait cependant par la manche. « Mon ami, lui disait-il, cela n'est pas bien, vous manquez à la raison universelle, vous prenez mal votre temps. -- Tête et sang ! répondit l'autre, je suis matelot et né à Batavia ; j'ai marché quatre fois sur le crucifix dans quatre voyages au Japon ; tu as bien trouvé ton homme avec ta raison universelle ! »







Quelques éclats de pierre avaient blessé Candide ; il était étendu dans la rue et couvert de débris. Il disait à Pangloss : « Hélas ! procure-moi un peu de vin et d'huile ; je me meurs. -- Ce tremblement de terre n'est pas une chose nouvelle, répondit Pangloss ; la ville de Lima éprouva les mêmes secousses en Amérique l'année passée ; même causes, même effets : il y a certainement une traînée de soufre sous terre depuis Lima jusqu'à Lisbonne. -- Rien n'est plus probable, dit Candide ; mais, pour Dieu, un peu d'huile et de vin. -- Comment, probable ? répliqua le philosophe ; je soutiens que la chose est démontrée. » Candide perdit connaissance, et Pangloss lui apporta un peu d'eau d'une fontaine voisine.







Le lendemain, ayant trouvé quelques provisions de bouche en se glissant à travers des décombres, ils réparèrent un peu leurs forces. Ensuite, ils travaillèrent comme les autres à soulager les habitants échappés à la mort. Quelques citoyens secourus par eux leur donnèrent un aussi bon dîner qu'on le pouvait dans un tel désastre. Il est vrai que le repas était triste ; les convives arrosaient leur pain de leurs larmes ; mais Pangloss les consola en les assurant que les choses ne pouvaient être autrement : « Car, dit-il, tout ceci est ce qu'il y a de mieux. Car, s'il y a un volcan à Lisbonne, il ne pouvait être ailleurs. Car il est impossible que les choses ne soient pas où elles sont. Car tout est bien. »







Un petit homme noir, familier de l'Inquisition, lequel était à côté de lui, prit poliment la parole et dit : « Apparemment que monsieur ne croit pas au péché originel ; car, si tout est au mieux, il n'y a donc eu ni chute ni punition.







-- Je demande très humblement pardon à Votre Excellence, répondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de l'homme et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des mondes possibles. -- Monsieur ne croit donc pas à la liberté ? dit le familier. -- Votre Excellence m'excusera, dit Pangloss ; la liberté peut subsister avec la nécessité absolue ; car il était nécessaire que nous fussions libres ; car enfin la volonté déterminée... » Pangloss était au milieu de sa phrase, quand le familier fit un signe de tête à son estafier qui lui servait à boire du vin de Porto, ou d'Oporto.









CHAPITRE SIXIبME



--------------------------------



COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-Fة



POUR EMPتCHER LES TREMBLEMENTS



DE TERRE, ET COMMENT



CANDIDE FUT FESSة









Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n'avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l'université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.







On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d'avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l'un pour avoir parlé, et l'autre pour avoir écouté avec un air d'approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d'une extrême fraîcheur, dans lesquels on n'était jamais incommodé du soleil ; huit jours après ils furent tous deux revêtus d'un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées et de diables qui n'avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique, suivi d'une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu'on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n'avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable.







Candide, épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant, se disait à lui-même : « Si c'est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres ? Passe encore si je n'étais que fessé, je l'ai été chez les Bulgares. Mais, ô mon cher Pangloss ! le plus grand des philosophes, faut-il vous avoir vu pendre sans que je sache pourquoi ! ش mon cher anabaptiste, le meilleur des hommes, faut-il que vous ayez été noyé dans le port ! ش Mlle Cunégonde ! la perle des filles, faut-il qu'on vous ait fendu le ventre ! »







Il s'en retournait, se soutenant à peine, prêché, fessé, absous et béni, lorsqu'une vieille l'aborda et lui dit :







« Mon fils, prenez courage, suivez-moi. »









CHAPITRE SEPTIبME



------------------------------



COMMENT UNE VIEILLE PRIT SOIN



DE CANDIDE, ET COMMENT



IL RETROUVA CE QU'IL AIMAIT









Candide ne prit point courage, mais il suivit la vieille dans une masure ; elle lui donna un pot de pommade pour se frotter, lui laissa à manger et à boire ; elle lui montra un petit lit assez propre ; il y avait auprès du lit un habit complet. « Mangez, buvez, dormez, lui dit- elle, et que Notre-Dame d'Atocha, Mgr saint Antoine de Padoue et Mgr saint Jacques de Compostelle prennent soin de vous : je reviendrai demain. » Candide, toujours étonné de tout ce qu'il avait vu, de tout ce qu'il avait souffert, et encore plus de la charité de la vieille, voulut lui baiser la main. « Ce n'est pas ma main qu'il faut baiser, dit la vieille ; je reviendrai demain. Frottez-vous de pommade, mangez et dormez. »







Candide, malgré tant de malheurs, mangea et dormit. Le lendemain la vieille lui apporte à déjeuner, visite son dos, le frotte elle-même d'une autre pommade ; elle lui apporte ensuite à dîner ; elle revient sur le soir, et apporte à souper. Le surlendemain elle fit encore les mêmes cérémonies. « Qui êtes-vous ? lui disait toujours Candide ; qui vous a inspiré tant de bonté ? quelles grâces puis-je vous rendre ? » La bonne femme ne répondait jamais rien ; elle revint sur le soir et n'apporta point à souper. « Venez avec moi, dit-elle, et ne dites mot. » Elle le prend sous le bras, et marche avec lui dans la campagne environ un quart de mille : ils arrivent à une maison isolée, entourée de jardins et de canaux. La vieille frappe à une petite porte. On ouvre ; elle mène Candide, par un escalier dérobé, dans un cabinet doré, le laisse sur un canapé de brocart, referme la porte, et s'en va. Candide croyait rêver, et regardait toute sa vie comme un songe funeste, et le moment présent comme un songe agréable.







La vieille reparut bientôt ; elle soutenait avec peine une femme tremblante, d'une taille majestueuse, brillante de pierreries et couverte d'un voile. « شtez ce voile », dit la vieille à Candide. Le jeune homme approche ; il lève le voile d'une main timide. Quel moment ! quelle surprise ! il croit voir Mlle Cunégonde ; il la voyait en effet, c'était elle-même. La force lui manque, il ne peut proférer une parole, il tombe à ses pieds. Cunégonde tombe sur le canapé. La vieille les accable d'eaux spiritueuses ; ils reprennent leurs sens, ils se parlent : ce sont d'abord des mots entrecoupés, des demandes et des réponses qui se croisent, des soupirs, des larmes, des cris. La vieille leur recommande de faire moins de bruit, et les laisse en liberté. « Quoi ! c'est vous, lui dit Candide, vous vivez ! Je vous retrouve en Portugal ! On ne vous a donc pas violée ? On ne vous a point fendu le ventre, comme le philosophe Pangloss me l'avait assuré ? -- Si fait, dit la belle Cunégonde ; mais on ne meurt pas toujours de ces deux accidents. -- Mais votre père et votre mère ont-ils été tués ? -- Il n'est que trop vrai, dit Cunégonde en pleurant. -- Et votre frère ? -- Mon frère a été tué aussi. -- Et pourquoi êtes-vous en Portugal ? et comment avez-vous su que j'y étais ? et par quelle étrange aventure m'avez-vous fait conduire dans cette maison ? -- Je vous dirai tout cela, répliqua la dame ; mais il faut auparavant que vous m'appreniez tout ce qui vous est arrivé depuis le baiser innocent que vous me donnâtes et les coups de pied que vous reçûtes. »







Candide lui obéit avec un profond respect ; et quoiqu'il fût interdit, quoique sa voix fût faible et tremblante, quoique l'échine lui fît encore un peu mal, il lui raconta de la manière la plus naïve tout ce qu'il avait éprouvé depuis le moment de leur séparation. Cunégonde levait les yeux au ciel ; elle donna des larmes à la mort du bon anabaptiste et de Pangloss ; après quoi elle parla en ces termes à Candide, qui ne perdait pas une parole, et qui la dévorait des yeux.









CHAPITRE HUITIبME



---------------------



HISTOIRE DE CUNةGONDE









« J'étais dans mon lit et je dormais profondément, quand il plut au ciel d'envoyer les Bulgares dans notre beau château de Thunder-ten-tronckh ; ils égorgèrent mon père et mon frère, et coupèrent ma mère par morceaux. Un grand Bulgare, haut de six pieds, voyant qu'à ce spectacle j'avais perdu connaissance, se mit à me violer ; cela me fit revenir, je repris mes sens, je criai, je me débattis, je mordis, j'égratignai, je voulais arracher les yeux à ce grand Bulgare, ne sachant pas que tout ce qui arrivait dans le château de mon père était une chose d'usage : le brutal me donna un coup de couteau dans le flanc gauche dont je porte encore la marque. -- Hélas ! j'espère bien la voir, dit le naïf Candide. -- Vous la verrez, dit Cunégonde ; mais continuons. -- Continuez », dit Candide.







Elle reprit ainsi le fil de son histoire : « Un capitaine bulgare entra, il me vit toute sanglante, et le soldat ne se dérangeait pas. Le capitaine se mit en colère du peu de respect que lui témoignait ce brutal, et le tua sur mon corps. Ensuite il me fit panser, et m'emmena prisonnière de guerre dans son quartier. Je blanchissais le peu de chemises qu'il avait, je faisais sa cuisine ; il me trouvait fort jolie, il faut l'avouer ; et je ne nierai pas qu'il ne fût très bien fait, et qu'il n'eût la peau blanche et douce ; d'ailleurs peu d'esprit, peu de philosophie : on voyait bien qu'il n'avait pas été élevé par le docteur Pangloss. Au bout de trois mois, ayant perdu tout son argent et s'étant dégoûté de moi, il me vendit à un Juif nommé don Issacar, qui trafiquait en Hollande et en Portugal, et qui aimait passionnément les femmes. Ce Juif s'attacha beaucoup à ma personne, mais il ne pouvait en triompher ; je lui ai mieux résisté qu'au soldat bulgare. Une personne d'honneur peut être violée une fois, mais sa vertu s'en affermit. Le Juif, pour m'apprivoiser, me mena dans cette maison de campagne que vous voyez. J'avais cru jusque-là qu'il n'y avait rien sur la terre de si beau que le château de Thunder-ten-tronckh ; j'ai été détrompée.







« Le grand inquisiteur m'aperçut un jour à la messe, il me lorgna beaucoup, et me fit dire qu'il avait à me parler pour des affaires secrètes. Je fus conduite à son palais ; je lui appris ma naissance ; il me représenta combien il était au-dessous de mon rang d'appartenir à un Israélite. On proposa de sa part à don Issacar de me céder à monseigneur. Don Issacar, qui est le banquier de la cour et homme de crédit, n'en voulut rien faire. L'inquisiteur le menaça d'un auto-da-fé. Enfin mon Juif, intimidé, conclut un marché, par lequel la maison et moi leur appartiendraient à tous deux en commun : que le Juif aurait pour lui les lundis, mercredis et le jour du sabbat, et que l'inquisiteur aurait les autres jours de la semaine. Il y a six mois que cette convention subsiste. Ce n'a pas été sans querelles ; car souvent il a été indécis si la nuit du samedi au dimanche appartenait à l'ancienne loi ou à la nouvelle. Pour moi, j'ai résisté jusqu'à présent à toutes les deux, et je crois que c'est pour cette raison que j'ai toujours été aimée.







« Enfin, pour détourner le fléau des tremblements de terre, et pour intimider don Issacar, il plut à monseigneur l'inquisiteur de célébrer un auto-da-fé. Il me fit l'honneur de m'y inviter. Je fus très bien placée ; on servit aux dames des rafraîchissements entre la messe et l'exécution. Je fus, à la vérité, saisie d'horreur en voyant brûler ces deux Juifs et cet honnête Biscayen qui avait épousé sa commère ; mais quelle fut ma surprise, mon effroi, mon trouble, quand je vis, dans un san-benito et sous une mitre, une figure qui ressemblait à celle de Pangloss ! Je me frottai les yeux, je regardai attentivement, je le vis pendre ; je tombai en faiblesse. ہ peine reprenais-je mes sens que je vous vis dépouillé tout nu : ce fut là le comble de l'horreur, de la consternation, de la douleur, du désespoir. Je vous dirai, avec vérité, que votre peau est encore plus blanche et d'un incarnat plus parfait que celle de mon capitaine des Bulgares. Cette vue redoubla tous les sentiments qui m'accablaient, qui me dévoraient. Je m'écriai, je voulus dire : " Arrêtez, barbares ! " mais la voix me manqua, et mes cris auraient été inutiles. Quand vous eûtes été bien fessé : « Comment se peut-il faire, disais-je, que l'aimable Candide et le sage Pangloss se trouvent à Lisbonne, l'un pour recevoir cent coups de fouet, et l'autre pour être pendu par l'ordre de monseigneur l'inquisiteur dont je suis la bien-aimée ? Pangloss m'a donc bien cruellement trompée quand il me disait que tout va le mieux du monde. »







« Agitée, éperdue, tantôt hors de moi-même, et tantôt prête de mourir de faiblesse, j'avais la tête remplie du massacre de mon père, de ma mère, de mon frère, de l'insolence de mon vilain soldat bulgare, du coup de couteau qu'il me donna, de ma servitude, de mon métier de cuisinière, de mon capitaine bulgare, de mon vilain don Issacar, de mon abominable inquisiteur, de la pendaison du docteur Pangloss, de ce grand miserere en faux-bourdon pendant lequel on vous fessait, et surtout du baiser que je vous avais donné derrière un paravent, le jour que je vous avais vu pour la dernière fois. Je louai Dieu qui vous ramenait à moi par tant d'épreuves. Je recommandai à ma vieille d'avoir soin de vous, et de vous amener ici dès qu'elle le pourrait. Elle a très bien exécuté ma commission ; j'ai goûté le plaisir inexprimable de vous revoir, de vous entendre, de vous parler. Vous devez avoir une faim dévorante ; j'ai grand appétit ; commençons par souper. »







Les voilà qui se mettent tous deux à table ; et après le souper, ils se replacent sur ce beau canapé dont on a déjà parlé ; ils y étaient quand le signor don Issacar, l'un des maîtres de la maison, arriva. C'était le jour du sabbat. Il venait jouir de ses droits, et expliquer son tendre amour.









CHAPITRE NEUVIبME



---------------------------------



CE QUI ADVINT DE CUNةGONDE,



DE CANDIDE, DU GRAND INQUISITEUR



ET D'UN JUIF









Cet Issacar était le plus colérique Hébreu qu'on eût vu dans Israël depuis la captivité en Babylone. « Quoi ! dit-il, chienne de Galiléenne, ce n'est pas assez de monsieur l'inquisiteur ? Il faut que ce coquin partage aussi avec moi ? » En disant cela il tire un long poignard dont il était toujours pourvu, et ne croyant pas que son adverse partie eût des armes, il se jette sur Candide ; mais notre bon Westphalien avait reçu une belle épée de la vieille avec l'habit complet. Il tire son épée, quoiqu'il eût les moeurs fort douces, et vous étend l'Israélite roide mort sur le carreau, aux pieds de la belle Cunégonde.







« Sainte Vierge ! s'écria-t-elle, qu'allons-nous devenir ? Un homme tué chez moi ! si la justice vient, nous sommes perdus. -- Si Pangloss n'avait pas été pendu, dit Candide, il nous donnerait un bon conseil dans cette extrémité, car c'était un grand philosophe. ہ son défaut consultons la vieille. » Elle était fort prudente, et commençait à dire son avis, quand une autre petite porte s'ouvrit. Il était une heure après minuit, c'était le commencement du dimanche. Ce jour appartenait à monseigneur l'inquisiteur. Il entre et voit le fessé Candide l'épée à la main, un mort étendu par terre, Cunégonde effarée, et la vieille donnant des conseils.







Voici dans ce moment ce qui se passa dans l'âme de Candide, et comment il raisonna : « Si ce saint homme appelle du secours, il me fera infailliblement brûler ; il pourra en faire autant de Cunégonde ; il m'a fait fouetter impitoyablement ; il est mon rival ; je suis en train de tuer, il n'y a pas à balancer. » Ce raisonnement fut net et rapide, et sans donner le temps à l'inquisiteur de revenir de sa surprise, il le perce d'outre en outre, et le jette à côté du Juif. « En voici bien d'une autre, dit Cunégonde ; il n'y a plus de rémission ; nous sommes excommuniés, notre dernière heure est venue. Comment avez-vous fait, vous qui êtes né si doux, pour tuer en deux minutes un Juif et un prélat ? -- Ma belle demoiselle, répondit Candide, quand on est amoureux, jaloux et fouetté par l'Inquisition, on ne se connaît plus. »







La vieille prit alors la parole et dit : « Il y a trois chevaux andalous dans l'écurie, avec leurs selles et leurs brides : que le brave Candide les prépare ; madame a des moyadors et des diamants : montons vite à cheval, quoique je ne puisse me tenir que sur une fesse, et allons à Cadix ; il fait le plus beau temps du monde, et c'est un grand plaisir de voyager pendant la fraîcheur de la nuit. »







Aussitôt Candide selle les trois chevaux. Cunégonde, la vieille et lui font trente milles d'une traite. Pendant qu'ils s'éloignaient, la Sainte-Hermandad arrive dans la maison ; on enterre monseigneur dans une belle église, et on jette Issacar à la voirie.







Candide, Cunégonde et la vieille étaient déjà dans la petite ville d'Avacéna, au milieu des montagnes de la Sierra-Morena ; et ils parlaient ainsi dans un cabaret.









CHAPITRE DIXIبME



--------------------------------



DANS QUELLE DةTRESSE



CANDIDE, CUNةGONDE ET LA VIEILLE



ARRIVENT ہ CADIX,



ET DE LEUR EMBARQUEMENT









« Qui a donc pu me voler mes pistoles et mes diamants ? disait en pleurant Cunégonde ; de quoi vivrons-nous ? comment ferons-nous ? où trouver des inquisiteurs et des Juifs qui m'en donnent d'autres ? -- Hélas ! dit la vieille, je soupçonne fort un révérend père cordelier qui coucha hier dans la même auberge que nous à Badajoz ; Dieu me garde de faire un jugement téméraire ! mais il entra deux fois dans notre chambre, et il partit longtemps avant nous. -- Hélas ! dit Candide, le bon Pangloss m'avait souvent prouvé que les biens de la terre sont communs à tous les hommes, que chacun y a un droit égal. Ce cordelier devait bien, suivant ces principes, nous laisser de quoi achever notre voyage. Il ne vous reste donc rien du tout, ma belle Cunégonde -- Pas un maravédis, dit-elle. -- Quel parti prendre ? dit Candide. -- Vendons un des chevaux, dit la vieille ; je monterai en croupe derrière mademoiselle, quoique je ne puisse me tenir que sur une fesse, et nous arriverons à Cadix. »







Il y avait dans la même hôtellerie un prieur de bénédictins ; il acheta le cheval bon marché. Candide, Cunégonde et la vieille passèrent par Lucena, par Chillas, par Lebrixa, et arrivèrent enfin à Cadix. On y équipait une flotte, et on y assemblait des troupes pour mettre à la raison les révérends pères jésuites du Paraguay, qu'on accusait d'avoir fait révolter une de leurs hordes contre les rois d'Espagne et de Portugal, auprès de la ville du Saint- Sacrement. Candide, ayant servi chez les Bulgares, fit l'exercice bulgarien devant le général de la petite armée avec tant de grâce, de célérité, d'adresse, de fierté, d'agilité, qu'on lui donna une compagnie d'infanterie à commander. Le voilà capitaine ; il s'embarque avec Mlle Cunégonde, la vieille, deux valets et les deux chevaux andalous qui avaient appartenu à M. le grand inquisiteur de Portugal.







Pendant toute la traversée ils raisonnèrent beaucoup sur la philosophie du pauvre Pangloss. « Nous allons dans un autre univers, disait Candide ; c'est dans celui-là sans doute que tout est bien. Car il faut avouer qu'on pourrait gémir un peu de ce qui se passe dans le nôtre en physique et en morale. -- Je vous aime de tout mon coeur, disait Cunégonde ; mais j'ai encore l'âme tout effarouchée de ce que j'ai vu, de ce que j'ai éprouvé. -- Tout ira bien, répliquait Candide ; la mer de ce nouveau monde vaut déjà mieux que les mers de notre Europe ; elle est plus calme, les vents plus constants. C'est certainement le nouveau monde qui est le meilleur des univers possibles. -- Dieu le veuille ! disait Cunégonde ; mais j'ai été si horriblement malheureuse dans le mien que mon coeur est presque fermé à l'espérance. -- Vous vous plaignez, leur dit la vieille ; hélas ! vous n'avez pas éprouvé des infortunes telles que les miennes. » Cunégonde se mit presque à rire, et trouva cette bonne femme fort plaisante de prétendre être plus malheureuse qu'elle. « Hélas ! lui dit-elle, ma bonne, à moins que vous n'ayez été violée par deux Bulgares, que vous n'ayez reçu deux coups de couteau dans le ventre, qu'on n'ait démoli deux de vos châteaux, qu'on n'ait égorgé à vos yeux deux mères et deux pères, et que vous n'ayez vu deux de vos amants fouettés dans un auto-da-fé, je ne vois pas que vous puissiez l'emporter sur moi ; ajoutez que je suis née baronne avec soixante et douze quartiers, et que j'ai été cuisinière. -- Mademoiselle, répondit la vieille, vous ne savez pas quelle est ma naissance ; et si je vous montrais mon derrière, vous ne parleriez pas comme vous faites, et vous suspendriez votre jugement. » Ce discours fit naître une extrême curiosité dans l'esprit de Cunégonde et de Candide. La vieille leur parla en ces termes.









CHAPITRE ONZIبME



----------------------



HISTOIRE DE LA VIEILLE









« Je n'ai pas eu toujours les yeux éraillés et bordés d'écarlate ; mon nez n'a pas toujours touché à mon menton, et je n'ai pas toujours été servante. Je suis la fille du pape Urbain X, et de la princesse de Palestrine. On m'éleva jusqu'à quatorze ans dans un palais auquel tous les châteaux de vos barons allemands n'auraient pas servi d'écurie ; et une de mes robes valait mieux que toutes les magnificences de la Westphalie. Je croissais en beauté, en grâces, en talents, au milieu des plaisirs, des respects et des espérances. J'inspirais déjà de l'amour, ma gorge se formait ; et quelle gorge ! blanche, ferme, taillée comme celle de la Vénus de Médicis ; et quels yeux ! quelles paupières ! quels sourcils noirs ! quelles flammes brillaient dans mes deux prunelles, et effaçaient la scintillation des étoiles, comme me disaient les poètes du quartier. Les femmes qui m'habillaient et qui me déshabillaient tombaient en extase en me regardant par-devant et par-derrière, et tous les hommes auraient voulu être à leur place.







« Je fus fiancée à un prince souverain de Massa-Carrara. Quel prince ! aussi beau que moi, pétri de douceur et d'agréments, brillant d'esprit et brûlant d'amour. Je l'aimais comme on aime pour la première fois, avec idolâtrie, avec emportement. Les noces furent préparées. C'était une pompe, une magnificence inouïe ; c'étaient des fêtes, des carrousels, des opera- buffa continuels ; et toute l'Italie fit pour moi des sonnets dont il n'y eut pas un seul de passable. Je touchais au moment de mon bonheur, quand une vieille marquise qui avait été maîtresse de mon prince l'invita à prendre du chocolat chez elle. Il mourut en moins de deux heures avec des convulsions épouvantables. Mais ce n'est qu'une bagatelle. Ma mère, au désespoir, et bien moins affligée que moi, voulut s'arracher pour quelque temps à un séjour si funeste. Elle avait une très belle terre auprès de Gaète. Nous nous embarquâmes sur une galère du pays, dorée comme l'autel de Saint-Pierre de Rome. Voilà qu'un corsaire de Salé fond sur nous et nous aborde. Nos soldats se défendirent comme des soldats du pape : ils se mirent tous à genoux en jetant leurs armes, et en demandant au corsaire une absolution in articulo mortis.







« Aussitôt on les dépouilla nus comme des singes, et ma mère aussi, nos filles d'honneur aussi, et moi aussi. C'est une chose admirable que la diligence avec laquelle ces messieurs déshabillent le monde. Mais ce qui me surprit davantage, c'est qu'ils nous mirent à tous le doigt dans un endroit où nous autres femmes nous ne nous laissons mettre d'ordinaire que des canules. Cette cérémonie me paraissait bien étrange : voilà comme on juge de tout quand on n'est pas sorti de son pays. J'appris bientôt que c'était pour voir si nous n'avions pas caché là quelques diamants : c'est un usage établi de temps immémorial parmi les nations policées qui courent sur mer. J'ai su que MM. les religieux chevaliers de Malte n'y manquent jamais quand ils prennent des Turcs et des Turques ; c'est une loi du droit des gens à laquelle on n'a jamais dérogé.







« Je ne vous dirai point combien il est dur pour une jeune princesse d'être menée esclave à Maroc avec sa mère. Vous concevez assez tout ce que nous eûmes à souffrir dans le vaisseau corsaire. Ma mère était encore très belle ; nos filles d'honneur, nos simples femmes de chambre, avaient plus de charmes qu'on n'en peut trouver dans toute l'Afrique. Pour moi, j'étais ravissante, j'étais la beauté, la grâce même, et j'étais pucelle ; je ne le fus pas longtemps : cette fleur qui avait été réservée pour le beau prince de Massa-Carrara me fut ravie par le capitaine corsaire ; c'était un nègre abominable, qui croyait encore me faire beaucoup d'honneur. Certes, il fallait que Mme la princesse de Palestrine et moi fussions bien fortes pour résister à tout ce que nous éprouvâmes jusqu'à notre arrivée à Maroc. Mais passons ; ce sont des choses si communes qu'elles ne valent pas la peine qu'on en parle.







« Maroc nageait dans le sang quand nous arrivâmes. Cinquante fils de l'empereur Muley- Ismaël avaient chacun leur parti : ce qui produisait en effet cinquante guerres civiles, de noirs contre noirs, de noirs contre basanés, de basanés contre basanés, de mulâtres contre mulâtres. C'était un carnage continuel dans toute l'étendue de l'empire.







« ہ peine fûmes-nous débarqués que des noirs d'une faction ennemie de celle de mon corsaire se présentèrent pour lui enlever son butin. Nous étions, après les diamants et l'or, ce qu'il avait de plus précieux. Je fus témoin d'un combat tel que vous n'en voyez jamais dans vos climats d'Europe. Les peuples septentrionaux n'ont pas le sang assez ardent. Ils n'ont pas la rage des femmes au point où elle est commune en Afrique. Il semble que vos Européens aient du lait dans les veines ; c'est du vitriol, c'est du feu qui coule dans celles des habitants du mont Atlas et des pays voisins. On combattit avec la fureur des lions, des tigres et des serpents de la contrée, pour savoir à qui nous aurait. Un Maure saisit ma mère par le bras droit, le lieutenant de mon capitaine la retint par le bras gauche ; un soldat maure la prit par une jambe, un de nos pirates la tenait par l'autre. Nos filles se trouvèrent presque toutes en un moment tirées ainsi à quatre soldats. Mon capitaine me tenait cachée derrière lui. Il avait le cimeterre au poing, et tuait tout ce qui s'opposait à sa rage. Enfin, je vis toutes nos Italiennes et ma mère déchirées, coupées, massacrées par les monstres qui se les disputaient. Les captifs mes compagnons, ceux qui les avaient pris, soldats, matelots, noirs, basanés, blancs, mulâtres, et enfin mon capitaine, tout fut tué ; et je demeurai mourante sur un tas de morts. Des scènes pareilles se passaient, comme on sait, dans l'étendue de plus de trois cents lieues, sans qu'on manquât aux cinq prières par jour ordonnées par Mahomet.







« Je me débarrassai avec beaucoup de peine de la foule de tant de cadavres sanglants entassés, et je me traînai sous un grand oranger au bord d'un ruisseau voisin ; j'y tombai d'effroi, de lassitude, d'horreur, de désespoir et de faim. Bientôt après, mes sens accablés se livrèrent à un sommeil qui tenait plus de l'évanouissement que du repos. J'étais dans cet état de faiblesse et d'insensibilité, entre la mort et la vie, quand je me sentis pressée de quelque chose qui s'agitait sur mon corps. J'ouvris les yeux, je vis un homme blanc et de bonne mine qui soupirait, et qui disait entre ses dents : O che sciagura d'essere senza c ... !









CHAPITRE DOUZIبME



--------------------------------



SUITE DES MALHEURS DE LA VIEILLE









« ةtonnée et ravie d'entendre la langue de ma patrie, et non moins surprise des paroles que proférait cet homme, je lui répondis qu'il y avait de plus grands malheurs que celui dont il se plaignait. Je l'instruisis en peu de mots des horreurs que j'avais essuyées, et je retombai en faiblesse. Il m'emporta dans une maison voisine, me fit mettre au lit, me fit donner à manger, me servit, me consola, me flatta, me dit qu'il n'avait rien vu de si beau que moi, et que jamais il n'avait tant regretté ce que personne ne pouvait lui rendre. « Je suis né à Naples, me dit-il, on y chaponne deux ou trois mille enfants tous les ans ; les uns en meurent, les autres acquièrent une voix plus belle que celle des femmes, les autres vont gouverner les ةtats. On me fit cette opération avec un très grand succès, et j'ai été musicien de la chapelle de Mme la princesse de Palestrine. -- De ma mère ! m'écriai-je. -- De votre mère ! s'écria-t-il en pleurant. Quoi ! vous seriez cette jeune princesse que j'ai élevée jusqu'à l'âge de six ans, et qui promettait déjà d'être aussi belle que vous êtes ? -- C'est moi-même ; ma mère est à quatre cents pas d'ici, coupée en quartiers sous un tas de morts... »







« Je lui contai tout ce qui m'était arrivé ; il me conta aussi ses aventures, et m'apprit comment il avait été envoyé chez le roi de Maroc par une puissance chrétienne, pour conclure avec ce monarque un traité, par lequel on lui fournirait de la poudre, des canons et des vaisseaux, pour l'aider à exterminer le commerce des autres chrétiens. " Ma mission est faite, me dit cet honnête eunuque ; je vais m'embarquer à Ceuta, et je vous ramènerai en Italie. Ma che sciagura d'essere senza c... ! "







« Je le remerciai avec des larmes d'attendrissement ; et au lieu de me mener en Italie, il me conduisit à Alger, et me vendit au dey de cette province. ہ peine fus-je vendue que cette peste qui a fait le tour de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe, se déclara dans Alger avec fureur. Vous avez vu des tremblements de terre ; mais, mademoiselle, avez-vous jamais eu la peste ? -- Jamais, répondit la baronne.







-- Si vous l'aviez eue, reprit la vieille, vous avoueriez qu'elle est bien au-dessus d'un tremblement de terre. Elle est fort commune en Afrique ; j'en fus attaquée. Figurez vous quelle situation pour la fille d'un pape, âgée de quinze ans, qui en trois mois de temps avait éprouvé la pauvreté, l'esclavage, avait été violée presque tous les jours, avait vu couper sa mère en quatre, avait essuyé la faim et la guerre, et mourait pestiférée dans Alger. Je n'en mourus pourtant pas. Mais mon eunuque et le dey, et presque tout le sérail d'Alger, périrent.







« Quand les premiers ravages de cette épouvantable peste furent passés, on vendit les esclaves du dey. Un marchand m'acheta et me mena à Tunis, il me vendit à un autre marchand, qui me revendit à Tripoli ; de Tripoli je fus revendue à Alexandrie, d'Alexandrie revendue à Smyrne, de Smyrne à Constantinople. J'appartins enfin à un aga des janissaires, qui fut bientôt commandé pour aller défendre Azof contre les Russes qui l'assiégeaient.







« L'aga, qui était un très galant homme, mena avec lui tout son sérail, et nous logea dans un petit fort sur les Palus-Méotides, gardé par deux eunuques noirs et vingt soldats. On tua prodigieusement de Russes, mais ils nous le rendirent bien. Azof fut mis à feu et à sang, et on ne pardonna ni au sexe ni à l'âge ; il ne resta que notre petit fort ; les ennemis voulurent nous prendre par famine. Les vingt janissaires avaient juré de ne se jamais rendre. Les extrémités de la faim où ils furent réduits les contraignirent à manger nos deux eunuques, de peur de violer leur serment. Au bout de quelques jours, ils résolurent de manger les femmes.







« Nous avions un iman très pieux et très compatissant, qui leur fit un beau sermon par lequel il leur persuada de ne nous pas tuer tout à fait. « Coupez, dit-il, seulement une fesse à chacune de ces dames, vous ferez très bonne chère ; s'il faut y revenir, vous en aurez encore autant dans quelques jours ; le ciel vous saura gré d'une action si charitable, et vous serez secourus. »







« Il avait beaucoup d'éloquence ; il les persuada. On nous fit cette horrible opération. L'iman nous appliqua le même baume qu'on met aux enfants qu'on vient de circoncire. Nous étions toutes à la mort.







« ہ peine les janissaires eurent-ils fait le repas que nous leur avions fourni que les Russes arrivent sur des bateaux plats ; il ne réchappa pas un janissaire. Les Russes ne firent aucune attention à l'état où nous étions. Il y a partout des chirurgiens français : un d'eux, qui était fort adroit, prit soin de nous ; il nous guérit, et je me souviendrai toute ma vie que, quand les plaies furent bien fermées, il me fit des propositions. Au reste, il nous dit à toutes de nous consoler ; il nous assura que dans plusieurs sièges pareille chose était arrivée, et que c'était la loi de la guerre.







« Dès que mes compagnes purent marcher, on les fit aller à Moscou. J'échus en partage à un boyard qui me fit sa jardinière, et qui me donnait vingt coups de fouet par jour. Mais ce seigneur ayant été roué au bout de deux ans avec une trentaine de boyards pour quelque tracasserie de cour, je profitai de cette aventure ; je m'enfuis ; je traversai toute la Russie ; je fus longtemps servante de cabaret à Riga, puis à Rostock, à Vismar, à Leipsick, à Cassel, à Utrecht, à Leyde, à La Haye, à Rotterdam : j'ai vieilli dans la misère et dans l'opprobre, n'ayant que la moitié d'un derrière, me souvenant toujours que j'étais fille d'un pape ; je voulus cent fois me tuer, mais j'aimais encore la vie. Cette faiblesse ridicule est peut-être un de nos penchants les plus funestes ; car y a t-il rien de plus sot que de vouloir porter continuellement un fardeau qu'on veut toujours jeter par terre ? d'avoir son être en horreur, et de tenir à son être ? enfin de caresser le serpent qui nous dévore, jusqu'à ce qu'il nous ait mangé le coeur ?







« J'ai vu dans les pays que le sort m'a fait parcourir, et dans les cabarets où j'ai servi, un nombre prodigieux de personnes qui avaient leur existence en exécration ; mais je n'en ai vu que douze qui aient mis volontairement fin à leur misère : trois nègres, quatre Anglais, quatre Genevois et un professeur allemand nommé Robeck. J'ai fini par être servante chez le Juif don Issacar ; il me mit auprès de vous, ma belle demoiselle ; je me suis attachée à votre destinée, et j'ai été plus occupée de vos aventures que des miennes. Je ne vous aurais même jamais parlé de mes malheurs, si vous ne m'aviez pas un peu piquée, et s'il n'était d'usage dans un vaisseau de conter des histoires pour se désennuyer. Enfin, mademoiselle, j'ai de l'expérience, je connais le monde ; donnez-vous un plaisir, engagez chaque passager à vous conter son histoire ; et s'il s'en trouve un seul qui n'ait souvent maudit sa vie, qui ne se soit souvent dit à lui-même qu'il était le plus malheureux des hommes, jetez-moi dans la mer la tête la première. »









CHAPITRE TREIZIبME



-----------------------------------



COMMENT CANDIDE FUT OBLIGة



DE SE SةPARER DE LA BELLE CUNةGONDE



ET DE LA VIEILLE









La belle Cunégonde, ayant entendu l'histoire de la vieille, lui fit toutes les politesses qu'on devait à une personne de son rang et de son mérite. Elle accepta la proposition ; elle engagea tous les passagers l'un après l'autre à lui conter leurs aventures. Candide et elle avouèrent que la vieille avait raison. « C'est bien dommage, disait Candide, que le sage Pangloss ait été pendu contre la coutume dans un auto-da-fé ; il nous dirait des choses admirables sur le mal physique et sur le mal moral qui couvrent la terre et la mer et je me sentirais assez de force pour oser lui faire respectueusement quelques objections. »







ہ mesure que chacun racontait son histoire, le vaisseau avançait. On aborda dans Buenos- Ayres. Cunégonde, le capitaine Candide et la vieille allèrent chez le gouverneur Don Fernando d'Ibaraa, y Figueora, y Mascarenes, y Lampourdos, y Souza. Ce seigneur avait une fierté convenable à un homme qui portait tant de noms. Il parlait aux hommes avec le dédain le plus noble, portant le nez si haut, élevant si impitoyablement la voix, prenant un ton si imposant, affectant une démarche si altière, que tous ceux qui le saluaient étaient tentés de le battre. Il aimait les femmes à la fureur. Cunégonde lui parut ce qu'il avait jamais vu de plus beau. La première chose qu'il fit fut de demander si elle n'était point la femme du capitaine. L'air dont il fit cette question alarma Candide : il n'osa pas dire qu'elle était sa femme, parce qu'en effet elle ne l'était point ; il n'osait pas dire que c'était sa soeur, parce qu'elle ne l'était pas non plus ; et quoique ce mensonge officieux eût été autrefois très à la mode chez les anciens, et qu'il pût être utile aux modernes, son âme était trop pure pour trahir la vérité. « Mlle Cunégonde, dit-il, doit me faire l'honneur de m'épouser, et nous supplions Votre Excellence de daigner faire notre noce. »







Don Fernando d'Ibaraa, y Figueora, y Mascarenes, y Lampourdos, y Souza, relevant sa moustache, sourit amèrement, et ordonna au capitaine Candide d'aller faire la revue de sa compagnie. Candide obéit ; le gouverneur demeura avec Mlle Cunégonde. Il lui déclara sa passion, lui protesta que le lendemain il l'épouserait à la face de l'ةglise, ou autrement, ainsi qu'il plairait à ses charmes. Cunégonde lui demanda un quart d'heure pour se recueillir, pour consulter la vieille et pour se déterminer.







La vieille dit à Cunégonde : « Mademoiselle, vous avez soixante et douze quartiers, et pas une obole ; il ne tient qu'à vous d'être la femme du plus grand seigneur de l'Amérique méridionale, qui a une très belle moustache ; est-ce à vous de vous piquer d'une fidélité à toute épreuve ? Vous avez été violée par les Bulgares ; un Juif et un inquisiteur ont eu vos bonnes grâces : les malheurs donnent des droits. J'avoue que, si j'étais à votre place, je ne ferais aucun scrupule d'épouser monsieur le gouverneur et de faire la fortune de M. le capitaine Candide. » Tandis que la vieille parlait avec toute la prudence que l'âge et l'expérience donnent, on vit entrer dans le port un petit vaisseau ; il portait un alcade et des alguazils, et voici ce qui était arrivé.







La vieille avait très bien deviné que ce fut un cordelier à la grande manche qui vola l'argent et les bijoux de Cunégonde dans la ville de Badajoz, lorsqu'elle fuyait en hâte avec Candide. Ce moine voulut vendre quelques-unes des pierreries à un joaillier. Le marchand les reconnut pour celles du grand inquisiteur. Le cordelier, avant d'être pendu, avoua qu'il les avait volées ; il indiqua les personnes et la route qu'elles prenaient. La fuite de Cunégonde et de Candide était déjà connue. On les suivit à Cadix ; on envoya sans perdre temps un vaisseau à leur poursuite. Le vaisseau était déjà dans le port de Buenos-Ayres. Le bruit se répandit qu'un alcade allait débarquer, et qu'on poursuivait les meurtriers de monseigneur le grand inquisiteur. La prudente vieille vit dans l'instant tout ce qui était à faire. « Vous ne pouvez fuir, dit-elle à Cunégonde, et vous n'avez rien à craindre ; ce n'est pas vous qui avez tué monseigneur ; et d'ailleurs le gouverneur, qui vous aime, ne souffrira pas qu'on vous maltraite ; demeurez. » Elle court sur-le-champ à Candide : « Fuyez, dit-elle, ou dans une heure vous allez être brûlé » Il n'y avait pas un moment à perdre ; mais comment se séparer de Cunégonde, et où se réfugier ?









CHAPITRE QUATORZIبME



-----------------------------



COMMENT CANDIDE ET CACAMBO



FURENT REاUS



CHEZ LES JةSUITES DU PARAGUAY









Candide avait amené de Cadix un valet tel qu'on en trouve beaucoup sur les côtes d'Espagne et dans les colonies. C'était un quart d'Espagnol, né d'un métis dans le Tucuman ; il avait été enfant de choeur, sacristain, matelot, moine, facteur, soldat, laquais. Il s'appelait Cacambo, et aimait fort son maître parce que son maître était un fort bon homme. Il sella au plus vite les deux chevaux andalous. « Allons, mon maître, suivons le conseil de la vieille ; partons, et courons sans regarder derrière nous. » Candide versa des larmes. « O ma chère Cunégonde ! faut-il vous abandonner dans le temps que monsieur le gouverneur va faire nos noces ! Cunégonde amenée de si loin, que deviendrez-vous ? -- Elle deviendra ce qu'elle pourra, dit Cacambo ; les femmes ne sont jamais embarrassées d'elles ; Dieu y pourvoit ; courons. -- Où me mènes-tu ? où allons-nous ? que ferons-nous sans Cunégonde ? disait Candide. -- Par saint Jacques de Compostelle, dit Cacambo, vous alliez faire la guerre aux jésuites ; allons la faire pour eux : je sais assez les chemins, je vous mènerai dans leur royaume, ils seront charmés d'avoir un capitaine qui fasse l'exercice à la bulgare ; vous ferez une fortune prodigieuse ; quand on n'a pas son compte dans un monde, on le trouve dans un autre. C'est un très grand plaisir de voir et de faire des choses nouvelles.







-- Tu as donc été déjà dans le Paraguay ? dit Candide. -- Eh vraiment oui ! dit Cacambo ; j'ai été cuistre dans le collège de l'Assomption, et je connais le gouvernement de Los Padres comme je connais les rues de Cadix. C'est une chose admirable que ce gouvernement. Le royaume a déjà plus de trois cents lieues de diamètre ; il est divisé en trente provinces. Los Padres y ont tout, et les peuples rien ; c'est le chef-d'oeuvre de la raison et de la justice. Pour moi, je ne vois rien de si divin que Los Padres, qui font ici la guerre au roi d'Espagne et au roi de Portugal, et qui en Europe confessent ces rois ; qui tuent ici des Espagnols, et qui à Madrid les envoient au ciel : cela me ravit ; avançons ; vous allez être le plus heureux de tous les hommes. Quel plaisir auront Los Padres quand ils sauront qu'il leur vient un capitaine qui sait l'exercice bulgare ! »







Dès qu'ils furent arrivés à la première barrière, Cacambo dit à la garde avancée qu'un capitaine demandait à parler à monseigneur le commandant. On alla avertir la grande garde. Un officier paraguain courut aux pieds du commandant lui donner part de la nouvelle. Candide et Cacambo furent d'abord désarmés ; on se saisit de leurs deux chevaux andalous. Les deux étrangers sont introduits au milieu de deux files de soldats ; le commandant était au bout, le bonnet à trois cornes en tête, la robe retroussée, l'épée au côté, l'esponton à la main. Il fit un signe ; aussitôt vingt-quatre soldats entourent les deux nouveaux venus. Un sergent leur dit qu'il faut attendre, que le commandant ne peut leur parler, que le révérend père provincial ne permet pas qu'aucun Espagnol ouvre la bouche qu'en sa présence, et demeure plus de trois heures dans le pays. « Et où est le révérend père provincial ? dit Cacambo. -- Il est à la parade après avoir dit sa messe, répondit le sergent ; et vous ne pourrez baiser ses éperons que dans trois heures. -- Mais, dit Cacambo, monsieur le capitaine, qui meurt de faim comme moi, n'est point espagnol, il est allemand ; ne pourrions-nous point déjeuner en attendant Sa Révérence ? »







Le sergent alla sur-le-champ rendre compte de ce discours au commandant. « Dieu soit béni ! dit ce seigneur ; puisqu'il est allemand, je peux lui parler ; qu'on le mène dans ma feuillée. » Aussitôt on conduit Candide dans un cabinet de verdure orné d'une très jolie colonnade de marbre vert et or, et de treillages qui renfermaient des perroquets, des colibris, des oiseaux- mouches, des pintades, et tous les oiseaux les plus rares. Un excellent déjeuner était préparé dans des vases d'or ; et tandis que les Paraguains mangèrent du maïs dans des écuelles de bois, en plein champ, à l'ardeur du soleil, le révérend père commandant entra dans la feuillée.







C'était un très beau jeune homme, le visage plein, assez blanc, haut en couleur, le sourcil relevé, l'oeil vif, l'oreille rouge, les lèvres vermeilles, l'air fier, mais d'une fierté qui n'était ni celle d'un Espagnol ni celle d'un jésuite. On rendit à Candide et à Cacambo leurs armes, qu'on leur avait saisies, ainsi que les deux chevaux andalous ; Cacambo leur fit manger l'avoine auprès de la feuillée, ayant toujours l'oeil sur eux, crainte de surprise.







Candide baisa d'abord le bas de la robe du commandant, ensuite ils se mirent à table. « Vous êtes donc allemand ? lui dit le jésuite en cette langue. -- Oui, mon Révérend Père », dit Candide. L'un et l'autre, en prononçant ces paroles, se regardaient avec une extrême surprise et une émotion dont ils n'étaient pas les maîtres. « Et de quel pays d'Allemagne êtes-vous ? dit le jésuite. -- De la sale province de Westphalie, dit Candide : je suis né dans le château de Thunder-ten-tronckh. -- ش ciel ! est il possible ? s'écria le commandant. -- Quel miracle ! s'écria Candide. -- Serait-ce vous ? dit le commandant. -- Cela n'est pas possible », dit Candide. Ils se laissent tomber tous deux à la renverse, ils s'embrassent, ils versent des ruisseaux de larmes. « Quoi ! serait-ce vous, mon Révérend Père ? vous, le frère de la belle Cunégonde ! vous, qui fûtes tué par les Bulgares ! vous, le fils de monsieur le baron ! vous, jésuite au Paraguay ! Il faut avouer que ce monde est une étrange chose. ش Pangloss ! Pangloss ! que vous seriez aise si vous n'aviez pas été pendu ! »







Le commandant fit retirer les esclaves nègres et les Paraguains qui servaient à boire dans des gobelets de cristal de roche. Il remercia Dieu et saint Ignace mille fois ; il serrait Candide entre ses bras ; leurs visages étaient baignés de pleurs. « Vous seriez bien plus étonné, plus attendri, plus hors de vous-même, dit Candide, si je vous disais que Mlle Cunégonde, votre soeur, que vous avez crue éventrée, est pleine de santé. -- Où ? -- Dans votre voisinage, chez M. le gouverneur de Buenos-Ayres ; et je venais pour vous faire la guerre. » Chaque mot qu'ils prononcèrent dans cette longue conversation accumulait prodige sur prodige. Leur âme tout entière volait sur leur langue, était attentive dans leurs oreilles et étincelante dans leurs yeux. Comme ils étaient allemands, ils tinrent table longtemps, en attendant le révérend père provincial ; et le commandant parla ainsi à son cher Candide.









CHAPITRE QUINZIبME



----------------------------



COMMENT CANDIDE TUA LE FRبRE



DE SA CHبRE CUNةGONDE









« J'aurai toute ma vie présent à la mémoire le jour horrible où je vis tuer mon père et ma mère, et violer ma soeur. Quand les Bulgares furent retirés, on ne trouva point cette soeur adorable, et on mit dans une charrette ma mère, mon père et moi, deux servantes et trois petits garçons égorgés, pour nous aller enterrer dans une chapelle de jésuites, à deux lieues du château de mes pères. Un jésuite nous jeta de l'eau bénite ; elle était horriblement salée ; il en entra quelques gouttes dans mes yeux ; le père s'aperçut que ma paupière faisait un petit mouvement : il mit la main sur mon coeur et le sentit palpiter ; je fus secouru, et, au bout de trois semaines, il n'y paraissait pas. Vous savez, mon cher Candide, que j'étais fort joli, je le devins encore davantage ; aussi le révérend père Croust, supérieur de la maison, prit pour moi la plus tendre amitié ; il me donna l'habit de novice ; quelque temps après je fus envoyé à Rome. Le père général avait besoin d'une recrue de jeunes jésuites allemands. Les souverains du Paraguay reçoivent le moins qu'ils peuvent de jésuites espagnols ; ils aiment mieux les étrangers, dont ils se croient plus maîtres. Je fus jugé propre par le révérend père général pour aller travailler dans cette vigne. Nous partîmes, un Polonais, un Tyrolien et moi. Je fus honoré, en arrivant, du sous-diaconat et d'une lieutenance ; je suis aujourd'hui colonel et prêtre. Nous recevrons vigoureusement les troupes du roi d'Espagne ; je vous réponds qu'elles seront excommuniées et battues. La Providence vous envoie ici pour nous seconder. Mais est-il bien vrai que ma chère soeur Cunégonde soit dans le voisinage, chez le gouverneur de Buenos-Ayres ? » Candide l'assura par serment que rien n'était plus vrai. Leurs larmes recommencèrent à couler.







Le baron ne pouvait se lasser d'embrasser Candide, il l'appelait son frère, son sauveur. « Ah ! peut-être, lui dit-il, nous pourrons ensemble, mon cher Candide, entrer en vainqueurs dans la ville, et reprendre ma soeur Cunégonde. -- C'est tout ce que je souhaite, dit Candide ; car je comptais l'épouser, et je l'espère encore. -- Vous, insolent ! répondit le baron, vous auriez l'impudence d'épouser ma soeur qui a soixante et douze quartiers ! Je vous trouve bien effronté d'oser me parler d'un dessein si téméraire ! » Candide, pétrifié d'un tel discours, lui répondit : « Mon Révérend Père, tous les quartiers du monde n'y font rien ; j'ai tiré votre soeur des bras d'un Juif et d'un inquisiteur ; elle m'a assez d'obligations, elle veut m'épouser. Maître Pangloss m'a toujours dit que les hommes sont égaux, et assurément je l'épouserai. -- C'est ce que nous verrons, coquin ! » dit le jésuite baron de Thunder-ten-tronckh, et en même temps il lui donna un grand coup du plat de son épée sur le visage. Candide dans l'instant tire la sienne et l'enfonce jusqu'à la garde dans le ventre du baron jésuite ; mais, en la retirant toute fumante, il se mit à pleurer : « Hélas ! mon Dieu, dit-il, j'ai tué mon ancien maître, mon ami, mon beau-frère ; je suis le meilleur homme du monde, et voilà déjà trois hommes que je tue ; et dans ces trois il y a deux prêtres. »







Cacambo, qui faisait sentinelle à la porte de la feuillée, accourut. « Il ne nous reste qu'à vendre cher notre vie, lui dit son maître : on va sans doute entrer dans la feuillée, il faut mourir les armes à la main. » Cacambo, qui en avait vu bien d'autres, ne perdit point la tête ; il prit la robe de jésuite que portait le baron, la mit sur le corps de Candide, lui donna le bonnet carré du mort, et le fit monter à cheval. Tout cela se fit en un clin d'oeil. « Galopons, mon maître ; tout le monde vous prendra pour un jésuite qui va donner des ordres ; et nous aurons passé les frontières avant qu'on puisse courir après nous. » Il volait déjà en prononçant ces paroles, et en criant en espagnol : « Place, place pour le révérend père colonel. »









CHAPITRE SEIZIبME



--------------------------------



CE QUI ADVINT AUX DEUX VOYAGEURS



AVEC DEUX FILLES, DEUX SINGES



ET LES SAUVAGES NOMMةS OREILLONS









Candide et son valet furent au-delà des barrières, et personne ne savait encore dans le camp la mort du jésuite allemand. Le vigilant Cacambo avait eu soin de remplir sa valise de pain, de chocolat, de jambon, de fruits et de quelques mesures de vin. Ils s'enfoncèrent avec leurs chevaux andalous dans un pays inconnu, où ils ne découvrirent aucune route. Enfin une belle prairie entrecoupée de ruisseaux se présenta devant eux. Nos deux voyageurs font repaître leurs montures. Cacambo propose à son maître de manger, et lui en donne l'exemple. « Comment veux-tu, disait Candide, que je mange du jambon, quand j'ai tué le fils de monsieur le baron, et que je me vois condamné à ne revoir la belle Cunégonde de ma vie ? à quoi me servira de prolonger mes misérables jours, puisque je dois les traîner loin d'elle dans les remords et dans le désespoir ? et que dira le journal de Trévoux ? »







En parlant ainsi, il ne laissait pas de manger. Le soleil se couchait. Les deux égarés entendirent quelques petits cris qui paraissaient poussés par des femmes. Ils ne savaient si ces cris étaient de douleur ou de joie ; mais ils se levèrent précipitamment avec cette inquiétude et cette alarme que tout inspire dans un pays inconnu. Ces clameurs partaient de deux filles toutes nues qui couraient légèrement au bord de la prairie, tandis que deux singes les suivaient en leur mordant les fesses. Candide fut touché de pitié ; il avait appris à tirer chez les Bulgares, et il aurait abattu une noisette dans un buisson sans toucher aux feuilles. Il prend son fusil espagnol à deux coups, tire, et tue les deux singes. « Dieu soit loué, mon cher Cacambo ! j'ai délivré d'un grand péril ces deux pauvres créatures ; si j'ai commis un péché en tuant un inquisiteur et un jésuite, je l'ai bien réparé en sauvant la vie à deux filles. Ce sont peut-être deux demoiselles de condition, et cette aventure nous peut procurer de très grands avantages dans le pays. »







Il allait continuer, mais sa langue devint percluse quand il vit ces deux filles embrasser tendrement les deux singes, fondre en larmes sur leurs corps et remplir l'air des cris les plus douloureux. « Je ne m'attendais pas à tant de bonté d'âme », dit-il enfin à Cacambo ; lequel lui répliqua : « Vous avez fait là un beau chef-d'oeuvre, mon maître ; vous avez tué les deux amants de ces demoiselles. -- Leurs amants ! serait-il possible ? vous vous moquez de moi, Cacambo ; le moyen de vous croire ? -- Mon cher maître, reprit Cacambo, vous êtes toujours étonné de tout ; pourquoi trouvez-vous si étrange que dans quelques pays il y ait des singes qui obtiennent les bonnes grâces des dames ? Ils sont des quarts d'hommes, comme je suis un quart d'Espagnol. -- Hélas ! reprit Candide, je me souviens d'avoir entendu dire à maître Pangloss qu'autrefois pareils accidents étaient arrivés, et que ces mélanges avaient produit des égipans, des faunes, des satyres ; que plusieurs grands personnages de l'antiquité en avaient vu ; mais je prenais cela pour des fables. -- Vous devez être convaincu à présent, dit Cacambo, que c'est une vérité, et vous voyez comment en usent les personnes qui n'ont pas reçu une certaine éducation ; tout ce que je crains, c'est que ces dames ne nous fassent quelque méchante affaire. »







Ces réflexions solides engagèrent Candide à quitter la prairie et à s'enfoncer dans un bois. Il y soupa avec Cacambo ; et tous deux, après avoir maudit l'inquisiteur de Portugal, le gouverneur de Buenos-Ayres et le baron, s'endormirent sur de la mousse. ہ leur réveil, ils sentirent qu'ils ne pouvaient remuer ; la raison en était que pendant la nuit les Oreillons, habitants du pays, à qui les deux dames les avaient dénoncés, les avaient garrottés avec des cordes d'écorce d'arbre. Ils étaient entourés d'une cinquantaine d'Oreillons tout nus, armés de flèches, de massues et de haches de caillou : les uns faisaient bouillir une grande chaudière ; les autres préparaient des broches, et tous criaient : « C'est un jésuite, c'est un jésuite ! nous serons vengés, et nous ferons bonne chère ; mangeons du jésuite, mangeons du jésuite ! »







« Je vous l'avais bien dit, mon cher maître, s'écria tristement Cacambo, que ces deux filles nous joueraient d'un mauvais tour. » Candide, apercevant la chaudière et les broches, s'écria : « Nous allons certainement être rôtis ou bouillis. Ah ! que dirait maître Pangloss, s'il voyait comme la pure nature est faite ? Tout est bien ; soit, mais j'avoue qu'il est bien cruel d'avoir perdu Mlle Cunégonde et d'être mis à la broche par des Oreillons » Cacambo ne perdait jamais la tête. « Ne désespérez de rien, dit-il au désolé Candide ; j'entends un peu le jargon de ces peuples, je vais leur parler. -- Ne manquez pas, dit Candide, de leur représenter quelle est l'inhumanité affreuse de faire cuire des hommes, et combien cela est peu chrétien. »







« Messieurs, dit Cacambo, vous comptez donc manger aujourd'hui un jésuite : c'est très bien fait ; rien n'est plus juste que de traiter ainsi ses ennemis. En effet le droit naturel nous enseigne à tuer notre prochain, et c'est ainsi qu'on en agit dans toute la terre. Si nous n'usons pas du droit de le manger, c'est que nous avons d'ailleurs de quoi faire bonne chère ; mais vous n'avez pas les mêmes ressources que nous ; certainement il vaut mieux manger ses ennemis que d'abandonner aux corbeaux et aux corneilles le fruit de sa victoire. Mais, messieurs, vous ne voudriez pas manger vos amis. Vous croyez aller mettre un jésuite en broche, et c'est votre défenseur, c'est l'ennemi de vos ennemis que vous allez rôtir. Pour moi, je suis né dans votre pays ; monsieur que vous voyez est mon maître, et, bien loin d'être jésuite, il vient de tuer un jésuite, il en porte les dépouilles : voilà le sujet de votre méprise. Pour vérifier ce que je vous dis, prenez sa robe, portez-la à la première barrière du royaume de Los Padres ; informez-vous si mon maître n'a pas tué un officier jésuite. Il vous faudra peu de temps ; vous pourrez toujours nous manger si vous trouvez que je vous ai menti. Mais, si je vous ai dit la vérité, vous connaissez trop les principes du droit public, les moeurs et les lois, pour ne nous pas faire grâce. »







Les Oreillons trouvèrent ce discours très raisonnable ; ils députèrent deux notables pour aller en diligence s'informer de la vérité ; les deux députés s'acquittèrent de leur commission en gens d'esprit, et revinrent bientôt apporter de bonnes nouvelles. Les Oreillons délièrent leurs deux prisonniers, leur firent toutes sortes de civilités, leur offrirent des filles, leur donnèrent des rafraîchissements, et les reconduisirent jusqu'aux confins de leurs ةtats, en criant avec allégresse : « Il n'est point jésuite, il n'est point jésuite ! »







Candide ne se lassait point d'admirer le sujet de sa délivrance. « Quel peuple ! disait-il, quels hommes ! quelles moeurs ! Si je n'avais pas eu le bonheur de donner un grand coup d'épée au travers du corps du frère de Mlle Cunégonde, j'étais mangé sans rémission. Mais, après tout, la pure nature est bonne, puisque ces gens-ci, au lieu de me manger, m'ont fait mille honnêtetés dès qu'ils ont su que je n'étais pas jésuite. »









CHAPITRE DIX-SEPTIبME



----------------------------------



ARRIVةE DE CANDIDE ET DE SON VALET



AU PAYS D'ELDORADO,



ET CE QU'ILS Y VIRENT









Quand ils furent aux frontières des Oreillons : « Vous voyez, dit Cacambo à Candide, que cet hémisphère-ci ne vaut pas mieux que l'autre : croyez-moi, retournons en Europe par le plus court. -- Comment y retourner ? dit Candide, et où aller ? Si je vais dans mon pays, les Bulgares et les Abares y égorgent tout ; si je retourne en Portugal, j'y suis brûlé ; si nous restons dans ce pays-ci, nous risquons à tout moment d'être mis en broche. Mais comment se résoudre à quitter la partie du monde que Mlle Cunégonde habite ?







-- Tournons vers la Cayenne, dit Cacambo : nous y trouverons des Français, qui vont par tout le monde ; ils pourront nous aider. Dieu aura peut-être pitié de nous. »







Il n'était pas facile d'aller à la Cayenne : ils savaient bien à peu près de quel côté il fallait marcher ; mais des montagnes, des fleuves, des précipices, des brigands, des sauvages, étaient partout de terribles obstacles. Leurs chevaux moururent de fatigue ; leurs provisions furent consumées ; ils se nourrirent un mois entier de fruits sauvages, et se trouvèrent enfin auprès d'une petite rivière bordée de cocotiers, qui soutinrent leur vie et leurs espérances.







Cacambo, qui donnait toujours d'aussi bons conseils que la vieille, dit à Candide : « Nous n'en pouvons plus, nous avons assez marché ; j'aperçois un canot vide sur le rivage, emplissons-le de cocos, jetons-nous dans cette petite barque, laissons-nous aller au courant ; une rivière mène toujours à quelque endroit habité. Si nous ne trouvons pas des choses agréables, nous trouverons du moins des choses nouvelles. -- Allons, dit Candide, recommandons-nous à la Providence. »







Ils voguèrent quelques lieues entre des bords tantôt fleuris, tantôt arides, tantôt unis, tantôt escarpés. La rivière s'élargissait toujours ; enfin elle se perdait sous une voûte de rochers épouvantables qui s'élevaient jusqu'au ciel. Les deux voyageurs eurent la hardiesse de s'abandonner aux flots sous cette voûte. Le fleuve, resserré en cet endroit, les porta avec une rapidité et un bruit horrible. Au bout de vingt-quatre heures ils revirent le jour ; mais leur canot se fracassa contre les écueils ; il fallut se traîner de rocher en rocher pendant une lieue entière ; enfin ils découvrirent un horizon immense, bordé de montagnes inaccessibles. Le pays était cultivé pour le plaisir comme pour le besoin ; partout l'utile était agréable. Les chemins étaient couverts ou plutôt ornés de voitures d'une forme et d'une matière brillante, portant des hommes et des femmes d'une beauté singulière, traînés rapidement par de gros moutons rouges qui surpassaient en vitesse les plus beaux chevaux d'Andalousie, de Tétuan et de Méquinez.







« Voilà pourtant, dit Candide, un pays qui vaut mieux que la Westphalie. » Il mit pied à terre avec Cacambo auprès du premier village qu'il rencontra. Quelques enfants du village, couverts de brocarts d'or tout déchirés, jouaient au palet à l'entrée du bourg ; nos deux hommes de l'autre monde s'amusèrent à les regarder : leurs palets étaient d'assez larges pièces rondes, jaunes, rouges, vertes, qui jetaient un éclat singulier. Il prit envie aux voyageurs d'en ramasser quelques-uns ; c'était de l'or, c'était des émeraudes, des rubis, dont le moindre aurait été le plus grand ornement du trône du Mogol. « Sans doute, dit Cacambo, ces enfants sont les fils du roi du pays qui jouent au petit palet. » Le magister du village parut dans ce moment pour les faire rentrer à l'école. « Voilà, dit Candide, le précepteur de la famille royale. »







Les petits gueux quittèrent aussitôt le jeu, en laissant à terre leurs palets et tout ce qui avait servi à leurs divertissements. Candide les ramasse, court au précepteur, et les lui présente humblement, lui faisant entendre par signes que Leurs Altesses Royales avaient oublié leur or et leurs pierreries. Le magister du village, en souriant, les jeta par terre, regarda un moment la figure de Candide avec beaucoup de surprise, et continua son chemin.







Les voyageurs ne manquèrent pas de ramasser l'or, les rubis et les émeraudes. « Où sommes-nous ? s'écria Candide ; il faut que les enfants des rois de ce pays soient bien élevés, puisqu'on leur apprend à mépriser l'or et les pierreries. » Cacambo était aussi surpris que Candide. Ils approchèrent enfin de la première maison du village ; elle était bâtie comme un palais d'Europe. Une foule de monde s'empressait à la porte, et encore plus dans le logis. Une musique très agréable se faisait entendre, et une odeur délicieuse de cuisine se faisait sentir. Cacambo s'approcha de la porte, et entendit qu'on parlait péruvien ; c'était sa langue maternelle : car tout le monde sait que Cacambo était né au Tucuman, dans un village où l'on ne connaissait que cette langue. « Je vous servirai d'interprète, dit-il à Candide ; entrons, c'est ici un cabaret. » Aussitôt deux garçons et deux filles de l'hôtellerie, vêtus de drap d'or, et les cheveux renoués avec des rubans, les invitent à se mettre à la table de l'hôte. On servit quatre potages garnis chacun de deux perroquets, un contour bouilli qui pesait deux cents livres, deux singes rôtis d'un goût excellent, trois cents colibris dans un plat, et six cents oiseaux-mouches dans un autre ; des ragoûts exquis, des pâtisseries délicieuses ; le tout dans des plats d'une espèce de cristal de roche. Les garçons et les filles de l'hôtellerie versaient plusieurs liqueurs faites de canne de sucre.







Les convives étaient pour la plupart des marchands et des voituriers, tous d'une politesse extrême, qui firent quelques questions à Cacambo avec la discrétion la plus circonspecte, et qui répondirent aux siennes d'une manière à le satisfaire.







Quand le repas fut fini, Cacambo crut, ainsi que Candide, bien payer son écot en jetant sur la table de l'hôte deux de ces larges pièces d'or qu'il avait ramassées ; l'hôte et l'hôtesse éclatèrent de rire, et se tinrent longtemps les côtés. Enfin ils se remirent : « Messieurs, dit l'hôte, nous voyons bien que vous êtes des étrangers ; nous ne sommes pas accoutumés à en voir. Pardonnez-nous si nous nous sommes mis à rire quand vous nous avez offert en payement les cailloux de nos grands chemins. Vous n'avez pas sans doute de la monnaie du pays, mais il n'est pas nécessaire d'en avoir pour dîner ici. Toutes les hôtelleries établies pour la commodité du commerce sont payées par le gouvernement. Vous avez fait mauvaise chère ici, parce que c'est un pauvre village ; mais partout ailleurs vous serez reçus comme vous méritez de l'être. » Cacambo expliquait à Candide tous les discours de l'hôte, et Candide les écoutait avec la même admiration et le même égarement que son ami Cacambo les rendait. « Quel est donc ce pays, disaient-ils l'un et l'autre, inconnu à tout le reste de la terre, et où toute la nature est d'une espèce si différente de la nôtre ? C'est probablement le pays où tout va bien ; car il faut absolument qu'il y en ait de cette espèce. Et, quoi qu'en dît maître Pangloss, je me suis souvent aperçu que tout allait assez mal en Westphalie. »









CHAPITRE DIX-HUITIبME



-----------------------



CE QU'ILS VIRENT



DANS LE PAYS D'ELDORADO









Cacambo témoigna à son hôte toute sa curiosité ; l'hôte lui dit : « Je suis fort ignorant, et je m'en trouve bien ; mais nous avons ici un vieillard retiré de la cour, qui est le plus savant homme du royaume, et le plus communicatif. Aussitôt il mène Cacambo chez le vieillard. Candide ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son valet. Ils entrèrent dans une maison fort simple, car la porte n'était que d'argent, et les lambris des appartements n'étaient que d'or, mais travaillés avec tant de goût que les plus riches lambris ne l'effaçaient pas. L'antichambre n'était à la vérité incrustée que de rubis et d'émeraudes ; mais l'ordre dans lequel tout était arrangé réparait bien cette extrême simplicité.







Le vieillard reçut les deux étrangers sur un sopha matelassé de plumes de colibri, et leur fit présenter des liqueurs dans des vases de diamant ; après quoi il satisfit à leur curiosité en ces termes :







« Je suis âgé de cent soixante et douze ans, et j'ai appris de feu mon père, écuyer du roi, les étonnantes révolutions du Pérou dont il avait été témoin. Le royaume où nous sommes est l'ancienne patrie des Incas, qui en sortirent très imprudemment pour aller subjuguer une partie du monde, et qui furent enfin détruits par les Espagnols.







« Les princes de leur famille qui restèrent dans leur pays natal furent plus sages ; ils ordonnèrent, du consentement de la nation, qu'aucun habitant ne sortirait jamais de notre petit royaume ; et c'est ce qui nous a conservé notre innocence et notre félicité. Les Espagnols ont eu une connaissance confuse de ce pays, ils l'ont appelé El Dorado, et un Anglais, nommé le chevalier Raleigh, en a même approché il y a environ cent années ; mais, comme nous sommes entourés de rochers inabordables et de précipices, nous avons toujours été jusqu'à présent à l'abri de la rapacité des nations de l'Europe, qui ont une fureur inconcevable pour les cailloux et pour la fange de notre terre, et qui, pour en avoir, nous tueraient tous jusqu'au dernier. »







La conversation fut longue ; elle roula sur la forme du gouvernement, sur les moeurs, sur les femmes, sur les spectacles publics, sur les arts. Enfin Candide, qui avait toujours du goût pour la métaphysique, fit demander par Cacambo si dans le pays il y avait une religion.







Le vieillard rougit un peu. « Comment donc, dit-il, en pouvez-vous douter ? Est-ce que vous nous prenez pour des ingrats ? » Cacambo demanda humblement quelle était la religion d'Eldorado. Le vieillard rougit encore. « Est-ce qu'il peut y avoir deux religions ? dit-il ; nous avons, je crois, la religion de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu'au matin. -- N'adorez-vous qu'un seul Dieu ? dit Cacambo, qui servait toujours d'interprète aux doutes de Candide. -- Apparemment, dit le vieillard, qu'il n'y en a ni deux, ni trois, ni quatre. Je vous avoue que les gens de votre monde font des questions bien singulières. » Candide ne se lassait pas de faire interroger ce bon vieillard ; il voulut savoir comment on priait Dieu dans l'Eldorado. « Nous ne le prions point, dit le bon et respectable sage ; nous n'avons rien à lui demander ; il nous a donné tout ce qu'il nous faut ; nous le remercions sans cesse. » Candide eut la curiosité de voir des prêtres ; il fit demander où ils étaient. Le bon vieillard sourit. « Mes amis, dit-il, nous sommes tous prêtres ; le roi et tous les chefs de famille chantent des cantiques d'actions de grâces solennellement tous les matins ; et cinq ou six mille musiciens les accompagnent.







-- Quoi ! vous n'avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ? -- Il faudrait que nous fussions fous, dit le vieillard ; nous sommes tous ici du même avis, et nous n'entendons pas ce que vous voulez dire avec vos moines. » Candide à tous ces discours demeurait en extase, et disait en lui-même : « Ceci est bien différent de la Westphalie et du château de monsieur le baron : si notre ami Pangloss avait vu Eldorado, il n'aurait plus dit que le château de Thunder-ten-tronckh était ce qu'il y avait de mieux sur la terre ; il est certain qu'il faut voyager. »







Après cette longue conversation, le bon vieillard fit atteler un carrosse à six moutons, et donna douze de ses domestiques aux deux voyageurs pour les conduire à la cour : « Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive de l'honneur de vous accompagner. Le roi vous recevra d'une manière dont vous ne serez pas mécontents, et vous pardonnerez sans doute aux usages du pays s'il y en a quelques-uns qui vous déplaisent. »







Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut et de cent de large ; il est impossible d'exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.







Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d'un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes officières de la couronne les menèrent à l'appartement de Sa Majesté, au milieu de deux files chacune de mille musiciens, selon l'usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s'y prendre pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. « L'usage, dit le grand officier, est d'embrasser le roi et de le baiser des deux côtés. » Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper.







En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu'aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d'eau pure, les fontaines d'eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d'une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu'il n'y en avait point, et qu'on ne plaidait jamais. Il s'informa s'il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d'instruments de mathématique et de physique.







Après avoir parcouru, toute l'après-dînée, à peu près la millième partie de la ville, on les ramena chez le roi. Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo et plusieurs dames. Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on n'eut plus d'esprit à souper qu'en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les bons mots du roi à Candide, et quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonna le moins.







Ils passèrent un mois dans cet hospice. Candide ne cessait de dire à Cacambo : « Il est vrai, mon ami, encore une fois, que le château où je suis né ne vaut pas le pays où nous sommes ; mais enfin Mlle Cunégonde n'y est pas, et vous avez sans doute quelque maîtresse en Europe. Si nous restons ici, nous n'y serons que comme les autres ; au lieu que si nous retournons dans notre monde seulement avec douze moutons chargés de cailloux d'Eldorado, nous serons plus riches que tous les rois ensemble, nous n'aurons plus d'inquisiteurs à craindre, et nous pourrons aisément reprendre Mlle Cunégonde. »







Ce discours plut à Cacambo : on aime tant à courir, à se faire valoir chez les siens, à faire parade de ce qu'on a vu dans ses voyages, que les deux heureux résolurent de ne plus l'être et de demander leur congé à Sa Majesté.







« Vous faites une sottise, leur dit le roi ; je sais bien que mon pays est peu de chose ; mais, quand on est passablement quelque part, il faut y rester ; je n'ai pas assurément le droit de retenir des étrangers ; c'est une tyrannie qui n'est ni dans nos moeurs, ni dans nos lois : tous les hommes sont libres ; partez quand vous voudrez, mais la sortie est bien difficile. Il est impossible de remonter la rivière rapide sur laquelle vous êtes arrivés par miracle, et qui court sous des voûtes de rochers. Les montagnes qui entourent tout mon royaume ont dix mille pieds de hauteur, et sont droites comme des murailles ; elles occupent chacune en largeur un espace de plus de dix lieues ; on ne peut en descendre que par des précipices. Cependant, puisque vous voulez absolument partir, je vais donner ordre aux intendants des machines d'en faire une qui puisse vous transporter commodément. Quand on vous aura conduits au revers des montagnes, personne ne pourra vous accompagner ; car mes sujets ont fait voeu de ne jamais sortir de leur enceinte, et ils sont trop sages pour rompre leur voeu. Demandez-moi d'ailleurs tout ce qu'il vous plaira. -- Nous ne demandons à Votre Majesté, dit Cacambo, que quelques moutons chargés de vivres, de cailloux, et de la boue du pays. » Le roi rit. « Je ne conçois pas, dit-il, quel goût vos gens d'Europe ont pour notre boue jaune ; mais emportez-en tant que vous voudrez, et grand bien vous fasse. »







Il donna l'ordre sur-le-champ à ses ingénieurs de faire une machine pour guinder ces deux hommes extraordinaires hors du royaume. Trois mille bons physiciens y travaillèrent ; elle fut prête au bout de quinze jours, et ne coûta pas plus de vingt millions de livres sterling, monnaie du pays. On mit sur la machine Candide et Cacambo ; il y avait deux grands moutons rouges sellés et bridés pour leur servir de monture quand ils auraient franchi les montagnes, vingt moutons de bât chargés de vivres, trente qui portaient des présents de ce que le pays a de plus curieux, et cinquante chargés d'or, de pierreries et de diamants. Le roi embrassa tendrement les deux vagabonds.







Ce fut un beau spectacle que leur départ, et la manière ingénieuse dont ils furent hissés, eux et leurs moutons, au haut des montagnes. Les physiciens prirent congé d'eux après les avoir mis en sûreté, et Candide n'eut plus d'autre désir et d'autre objet que d'aller présenter ses moutons à Mlle Cunégonde. « Nous avons, dit-il, de quoi payer le gouverneur de Buenos- Ayres, si Mlle Cunégonde peut être mise à prix. Marchons vers la Cayenne, embarquons- nous, et nous verrons ensuite quel royaume nous pourrons acheter. »









CHAPITRE DIX-NEUVIبME



-----------------------------



CE QUI LEUR ARRIVA ہ SURINAM,



ET COMMENT CANDIDE



FIT CONNAISSANCE AVEC MARTIN









La première journée de nos deux voyageurs fut assez agréable. Ils étaient encouragés par l'idée de se voir possesseur de plus de trésors que l'Asie, l'Europe et l'Afrique n'en pouvaient rassembler. Candide, transporté, écrivit le nom de Cunégonde sur les arbres. ہ la seconde journée deux de leurs moutons s'enfoncèrent dans des marais, et y furent abîmés avec leurs charges ; deux autres moutons moururent de fatigue quelques jours après ; sept ou huit périrent ensuite de faim dans un désert ; d'autres tombèrent au bout de quelques jours dans des précipices. Enfin, après cent jours de marche, il ne leur resta que deux moutons. Candide dit à Cacambo : « Mon ami, vous voyez comme les richesses de ce monde sont périssables ; il n'y a rien de solide que la vertu et le bonheur de revoir Mlle Cunégonde. -- Je l'avoue, dit Cacambo ; mais il nous reste encore deux moutons avec plus de trésors que n'en aura jamais le roi d'Espagne, et je vois de loin une ville que je soupçonne être Surinam, appartenant aux Hollandais. Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. »







En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? -- J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. -- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? -- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.







-- ش Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme. -- Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo. -- Hélas ! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. » Et il versait des larmes en regardant son nègre, et en pleurant il entra dans Surinam.







La première chose dont ils s'informent, c'est s'il n'y a point au port quelque vaisseau qu'on pût envoyer à Buenos-Ayres. Celui à qui ils s'adressèrent était justement un patron espagnol, qui s'offrit à faire avec eux un marché honnête. Il leur donna rendez-vous dans un cabaret. Candide et le fidèle Cacambo allèrent l'y attendre avec leurs deux moutons.







Candide, qui avait le coeur sur les lèvres, conta à l'Espagnol toutes ses aventures, et lui avoua qu'il voulait enlever Mlle Cunégonde. « Je me garderai bien de vous passer à Buenos- Ayres, dit le patron : je serais pendu et vous aussi. La belle Cunégonde est la maîtresse favorite de monseigneur. » Ce fut un coup de foudre pour Candide ; il pleura longtemps ; enfin il tira à part Cacambo : « Voici, mon cher ami, lui dit-il, ce qu'il faut que tu fasses. Nous avons chacun dans nos poches pour cinq ou six millions de diamants ; tu es plus habile que moi ; va prendre Mlle Cunégonde à Buenos-Ayres. Si le gouverneur fait quelques difficultés, donne-lui un million ; s'il ne se rend pas, donne-lui-en deux ; tu n'as point tué d'inquisiteur, on ne se défiera point de toi. J'équiperai un autre vaisseau ; j'irai t'attendre à Venise ; c'est un pays libre où l'on n'a rien à craindre ni des Bulgares, ni des Abares, ni des Juifs, ni des inquisiteurs. » Cacambo applaudit à cette sage résolution. Il était au désespoir de se séparer d'un bon maître, devenu son ami intime ; mais le plaisir de lui être utile l'emporta sur la douleur de le quitter. Ils s'embrassèrent en versant des larmes. Candide lui recommanda de ne point oublier la bonne vieille. Cacambo partit dès le jour même : c'était un très bon homme que ce Cacambo.







Candide resta encore quelque temps à Surinam, et attendit qu'un autre patron voulût le mener en Italie, lui et les deux moutons qui lui restaient. Il prit des domestiques, et acheta tout ce qui lui était nécessaire pour un long voyage ; enfin M. Vanderdendur, maître d'un gros vaisseau, vint se présenter à lui. « Combien voulez-vous, demanda-t-il à cet homme, pour me mener en droiture à Venise, moi, mes gens, mon bagage, et les deux moutons que voilà ? » Le patron s'accorda à dix mille piastres. Candide n'hésita pas.







« Oh ! oh ! dit à part soi le prudent Vanderdendur, cet étranger donne dix mille piastres tout d'un coup ! il faut qu'il soit bien riche. » Puis, revenant un moment après, il signifia qu'il ne pouvait partir à moins de vingt mille. « Eh bien ! vous les aurez », dit Candide.







« Ouais ! se dit tout bas le marchand, cet homme donne vingt mille piastres aussi aisément que dix mille. » Il revint encore, et dit qu'il ne pouvait le conduire à Venise à moins de trente mille piastres. « Vous en aurez donc trente mille » répondit Candide.







« Oh ! oh ! se dit encore le marchand hollandais, trente mille piastres ne coûtent rien à cet homme-ci ; sans doute les deux moutons portent des trésors immenses ; n'insistons pas davantage : faisons-nous d'abord payer les trente mille piastres, et puis nous verrons. » Candide vendit deux petits diamants, dont le moindre valait plus que tout l'argent que demandait le patron. Il le paya d'avance. Les deux moutons furent embarqués. Candide suivait dans un petit bateau pour joindre le vaisseau à la rade ; le patron prend son temps, met à la voile, démarre ; le vent le favorise. Candide, éperdu et stupéfait, le perd bientôt de vue. « Hélas ! cria-t-il, voilà un tour digne de l'ancien monde. » Il retourne au rivage, abîmé dans la douleur ; car enfin il avait perdu de quoi faire la fortune de vingt monarques.







Il se transporte chez le juge hollandais ; et comme il était un peu troublé, il frappe rudement à la porte ; il entre, expose son aventure, et crie un peu plus haut qu'il ne convenait. Le juge commença par lui faire payer dix mille piastres pour le bruit qu'il avait fait. Ensuite il l'écouta patiemment, lui promit d'examiner son affaire sitôt que le marchand serait revenu, et se fit payer dix mille autres piastres pour les frais de l'audience.







Ce procédé acheva de désespérer Candide ; il avait à la vérité essuyé des malheurs mille fois plus douloureux ; mais le sang-froid du juge, et celui du patron dont il était volé, alluma sa bile, et le plongea dans une noire mélancolie. La méchanceté des hommes se présentait à son esprit dans toute sa laideur ; il ne se nourrissait que d'idées tristes. Enfin, un vaisseau français étant sur le point de partir pour Bordeaux, comme il n'avait plus de moutons chargés de diamants à embarquer, il loua une chambre du vaisseau à juste prix, et fit signifier dans la ville qu'il payerait le passage, la nourriture, et donnerait deux mille piastres à un honnête homme qui voudrait faire le voyage avec lui, à condition que cet homme serait le plus dégoûté de son état et le plus malheureux de la province.







Il se présenta une foule de prétendants qu'une flotte n'aurait pu contenir. Candide voulant choisir entre les plus apparents, il distingua une vingtaine de personnes qui lui paraissaient assez sociables, et qui toutes prétendaient mériter la préférence. Il les assembla dans son cabaret, et leur donna à souper, à condition que chacun ferait serment de raconter fidèlement son histoire, promettant de choisir celui qui lui paraîtrait le plus à plaindre et le plus mécontent de son état à plus juste titre, et de donner aux autres quelques gratifications.







La séance dura jusqu'à quatre heures du matin. Candide, en écoutant toutes leurs aventures, se ressouvenait de ce que lui avait dit la vieille en allant à Buenos-Ayres, et de la gageure qu'elle avait faite, qu'il n'y avait personne sur le vaisseau à qui il ne fût arrivé de très grands malheurs. Il songeait à Pangloss à chaque aventure qu'on lui contait, « Ce Pangloss, disait-il, serait bien embarrassé à démontrer son système. Je voudrais qu'il fût ici. Certainement, si tout va bien, c'est dans Eldorado, et non pas dans le reste de la terre. » Enfin il se détermina en faveur d'un pauvre savant qui avait travaillé dix ans pour les libraires d'Amsterdam. Il jugea qu'il n'y avait point de métier au monde dont on dût être plus dégoûté.







Ce savant, qui était d'ailleurs un bon homme, avait été volé par sa femme, battu par son fils, et abandonné de sa fille qui s'était fait enlever par un Portugais. Il venait d'être privé d'un petit emploi duquel il subsistait ; et les prédicants de Surinam le persécutaient parce qu'ils le prenaient pour un socinien. Il faut avouer que les autres étaient pour le moins aussi malheureux que lui ; mais Candide espérait que le savant le désennuierait dans le voyage. Tous ses autres rivaux trouvèrent que Candide leur faisait une grande injustice ; mais il les apaisa en leur donnant à chacun cent piastres.









CHAPITRE VINGTIبME



---------------------



CE QUI ARRIVA SUR MER



A CANDIDE ET ہ MARTIN









Le vieux savant, qui s'appelait Martin, s'embarqua donc pour Bordeaux avec Candide. L'un et l'autre avaient beaucoup vu et beaucoup souffert ; et quand le vaisseau aurait dû faire voile de Surinam au Japon par le cap de Bonne-Espérance, ils auraient eu de quoi s'entretenir du mal moral et du mal physique pendant tout le voyage.







Cependant Candide avait un grand avantage sur Martin, c'est qu'il espérait toujours revoir Mlle Cunégonde, et que Martin n'avait rien à espérer ; de plus, il avait de l'or et des diamants ; et, quoiqu'il eût perdu cent gros moutons rouges chargés des plus grands trésors de la terre, quoiqu'il eût toujours sur le coeur la friponnerie du patron hollandais, cependant, quand il songeait à ce qui lui restait dans ses poches, et quand il parlait de Cunégonde, surtout à la fin du repas, il penchait alors pour le système de Pangloss.







« Mais vous, monsieur Martin, dit-il au savant, que pensez-vous de tout cela ? Quelle est votre idée sur le mal moral et le mal physique ? -- Monsieur, répondit Martin, mes prêtres m'ont accusé d'être socinien ; mais la vérité du fait est que je suis manichéen. -- Vous vous moquez de moi, dit Candide, il n'y a plus de manichéens dans le monde. -- Il y a moi, dit Martin ; je ne sais qu'y faire, mais je ne peux penser autrement. -- Il faut que vous ayez le diable au corps, dit Candide. -- Il se mêle si fort des affaires de ce monde, dit Martin, qu'il pourrait bien être dans mon corps, comme partout ailleurs ; mais je vous avoue qu'en jetant la vue sur ce globe, ou plutôt sur ce globule, je pense que Dieu l'a abandonné à quelque être malfaisant ; j'en excepte toujours Eldorado. Je n'ai guère vu de ville qui ne désirât la ruine de la ville voisine, point de famille qui ne voulût exterminer quelque autre famille. Partout les faibles ont en exécration les puissants devant lesquels ils rampent, et les puissants les traitent comme des troupeaux dont on vend la laine et la chair. Un million d'assassins enrégimentés, courant d'un bout de l'Europe à l'autre, exerce le meurtre et le brigandage avec discipline pour gagner son pain, parce qu'il n'a pas de métier plus honnête ; et dans les villes qui paraissent jouir de la paix et où les arts fleurissent, les hommes sont dévorés de plus d'envie, de soins et d'inquiétudes qu'une ville assiégée n'éprouve de fléaux. Les chagrins secrets sont encore plus cruels que les misères publiques. En un mot, j'en ai tant vu, et tant éprouvé, que je suis manichéen.







-- Il y a pourtant du bon, répliquait Candide. -- Cela peut être, disait Martin, mais je ne le connais pas. »







Au milieu de cette dispute, on entendit un bruit de canon. Le bruit redouble de moment en moment. Chacun prend sa lunette. On aperçoit deux vaisseaux qui combattaient à la distance d'environ trois milles ; le vent les amena l'un et l'autre si près du vaisseau français qu'on eut le plaisir de voir le combat tout à son aise. Enfin l'un des deux vaisseaux lâcha à l'autre une bordée si bas et si juste qu'il le coula à fond. Candide et Martin aperçurent distinctement une centaine d'hommes sur le tillac du vaisseau qui s'enfonçait ; ils levaient tous les mains au ciel et jetaient des clameurs effroyables ; en un moment tout fut englouti.







« Eh bien ! dit Martin, voilà comme les hommes se traitent les uns les autres. -- Il est vrai, dit Candide, qu'il y a quelque chose de diabolique dans cette affaire. » En parlant ainsi, il aperçut je ne sais quoi d'un rouge éclatant qui nageait auprès de son vaisseau. On détacha la chaloupe pour voir ce que ce pouvait être : c'était un de ses moutons. Candide eut plus de joie de retrouver ce mouton qu'il n'avait été affligé d'en perdre cent tous chargés de gros diamants d'Eldorado.







Le capitaine français aperçut bientôt que le capitaine du vaisseau submergeant était espagnol, et que celui du vaisseau submergé était un pirate hollandais ; c'était celui-là même qui avait volé Candide. Les richesses immenses dont ce scélérat s'était emparé furent ensevelies avec lui dans la mer, et il n'y eut qu'un mouton de sauvé. « Vous voyez, dit Candide à Martin, que le crime est puni quelquefois : ce coquin de patron hollandais a eu le sort qu'il méritait. -- Oui, dit Martin, mais fallait-il que les passagers qui étaient sur son vaisseau périssent aussi ? Dieu a puni ce fripon, le diable a noyé les autres. »







Cependant le vaisseau français et l'espagnol continuèrent leur route, et Candide continua ses conversations avec Martin. Ils disputèrent quinze jours de suite, et au bout de quinze jours ils étaient aussi avancés que le premier. Mais enfin ils parlaient, ils se communiquaient des idées, ils se consolaient. Candide caressait son mouton. « Puisque je t'ai retrouvé, dit-il, je pourrai bien retrouver Cunégonde. »









CHAPITRE VINGT ET UNIبME



------------------------------



CANDIDE ET MARTIN



APPROCHENT DES CشTES DE FRANCE



ET RAISONNENT









On aperçut enfin les côtes de France. « Avez-vous jamais été en France, monsieur Martin ? dit Candide. -- Oui, dit Martin, j'ai parcouru plusieurs provinces. Il y en a où la moitié des habitants est folle, quelques-unes où l'on est trop rusé, d'autres où l'on est communément assez doux et assez bête, d'autres où l'on fait le bel esprit ; et dans toutes, la principale occupation est l'amour, la seconde de médire, et la troisième de dire des sottises. -- Mais, monsieur Martin, avez-vous vu Paris ? -- Oui, j'ai vu Paris ; il tient de toutes ces espèces-là ; c'est un chaos, c'est une presse dans laquelle tout le monde cherche le plaisir, et où presque personne ne le trouve, du moins à ce qu'il m'a paru. J'y ai séjourné peu ; j'y fus volé, en arrivant, de tout ce que j'avais, par des filous, à la foire Saint-Germain ; on me prit moi- même pour un voleur, et je fus huit jours en prison ; après quoi je me fis correcteur d'imprimerie pour gagner de quoi retourner à pied en Hollande. Je connus la canaille écrivante, la canaille cabalante, et la canaille convulsionnaire. On dit qu'il y a des gens fort polis dans cette ville-là ; je le veux croire.







-- Pour moi, je n'ai nulle curiosité de voir la France, dit Candide ; vous devinez aisément que, quand on a passé un mois dans Eldorado, on ne se soucie plus de rien voir sur la terre que Mlle Cunégonde ; je vais l'attendre à Venise ; nous traverserons la France pour aller en Italie ; ne m'accompagnerez-vous pas ? -- Très volontiers, dit Martin ; on dit que Venise n'est bonne que pour les nobles Vénitiens, mais que cependant on y reçoit très bien les étrangers quand ils ont beaucoup d'argent ; je n'en ai point, vous en avez, je vous suivrai partout. -- ہ propos, dit Candide, pensez-vous que la terre ait été originairement une mer, comme on l'assure dans ce gros livre qui appartient au capitaine du vaisseau ? -- Je n'en crois rien du tout, dit Martin, non plus que de toutes les rêveries qu'on nous débite depuis quelque temps. -- Mais à quelle fin ce monde a-t-il donc été formé ? dit Candide. -- Pour nous faire enrager, répondit Martin. -- N'êtes-vous pas bien étonné, continua Candide, de l'amour que ces deux filles du pays des Oreillons avaient pour ces deux singes, et dont je vous ai conté l'aventure ? -- Point du tout, dit Martin ; je ne vois pas ce que cette passion a d'étrange ; j'ai tant vu de choses extraordinaires, qu'il n'y a plus rien d'extraordinaire. -- Croyez-vous, dit Candide, que les hommes se soient toujours mutuellement massacrés comme ils font aujourd'hui ? qu'ils aient toujours été menteurs, fourbes, perfides, ingrats, brigands, faibles, volages, lâches, envieux, gourmands, ivrognes, avares, ambitieux, sanguinaires, calomniateurs, débauchés, fanatiques, hypocrites et sots ? -- Croyez-vous, dit Martin, que les éperviers aient toujours mangé des pigeons quand ils en ont trouvé ? -- Oui, sans doute, dit Candide. -- Eh bien ! dit Martin, si les éperviers ont toujours eu le même caractère, pourquoi voulez-vous que les hommes aient changé le leur ? -- Oh ! dit Candide, il y a bien de la différence, car le libre arbitre... » En raisonnant ainsi, ils arrivèrent à Bordeaux.









CHAPITRE VINGT-DEUXIبME



-----------------------



CE QUI ARRIVA EN FRANCE



ہ CANDIDE ET ہ MARTIN









Candide ne s'arrêta dans Bordeaux qu'autant de temps qu'il en fallait pour vendre quelques cailloux du Dorado, et pour s'accommoder d'une bonne chaise à deux places ; car il ne pouvait plus se passer de son philosophe Martin. Il fut seulement très fâché de se séparer de son mouton, qu'il laissa à l'Académie des sciences de Bordeaux, laquelle proposa pour le sujet du prix de cette année de trouver pourquoi la laine de ce mouton était rouge ; et le prix fut adjugé à un savant du Nord, qui démontra par A plus B, moins C, divisé par Z, que le mouton devait être rouge, et mourir de la clavelée.







Cependant tous les voyageurs que Candide rencontra dans les cabarets de la route lui disaient : « Nous allons à Paris. » Cet empressement général lui donna enfin l'envie de voir cette capitale ; ce n'était pas beaucoup se détourner du chemin de Venise.







Il entra par le faubourg Saint-Marceau, et crut être dans le plus vilain village de la Westphalie.







A peine Candide fut-il dans son auberge qu'il fut attaqué d'une maladie légère causée par ses fatigues. Comme il avait au doigt un diamant énorme, et qu'on avait aperçu dans son équipage une cassette prodigieusement pesante, il eut aussitôt auprès de lui deux médecins qu'il n'avait pas mandés, quelques amis intimes qui ne le quittèrent pas, et deux dévotes qui faisaient chauffer ses bouillons. Martin disait : « Je me souviens d'avoir été malade aussi à Paris dans mon premier voyage ; j'étais fort pauvre : aussi n'eus-je ni amis, ni dévotes, ni médecins, et je guéris. »







Cependant, à force de médecines et de saignées, la maladie de Candide devint sérieuse. Un habitué du quartier vint avec douceur lui demander un billet payable au porteur pour l'autre monde ; Candide n'en voulut rien faire. Les dévotes l'assurèrent que c'était une nouvelle mode ; Candide répondit qu'il n'était point homme à la mode. Martin voulut jeter l'habitué par les fenêtres. Le clerc jura qu'on n'enterrerait point Candide. Martin jura qu'il enterrerait le clerc s'il continuait à les importuner. La querelle s'échauffa ; Martin le prit par les épaules et le chassa rudement ; ce qui causa un grand scandale, dont on fit un procès-verbal.







Candide guérit ; et pendant sa convalescence il eut très bonne compagnie à souper chez lui. On jouait gros jeu. Candide était tout étonné que jamais les as ne lui vinssent ; et Martin ne s'en étonnait pas.







Parmi ceux qui lui faisaient les honneurs de la ville, il y avait un petit abbé périgourdin, l'un de ces gens empressés, toujours alertes, toujours serviables, effrontés, caressants, accommodants, qui guettent les étrangers à leur passage, leur content l'histoire scandaleuse de la ville, et leur offrent des plaisirs à tout prix. Celui-ci mena d'abord Candide et Martin à la comédie. On y jouait une tragédie nouvelle. Candide se trouva placé auprès de quelques beaux esprits. Cela ne l'empêcha pas de pleurer à des scènes jouées parfaitement. Un des raisonneurs qui étaient à ses côtés lui dit dans un entracte : « Vous avez grand tort de pleurer : cette actrice est fort mauvaise ; l'acteur qui joue avec elle est plus mauvais acteur encore ; la pièce est encore plus mauvaise que les acteurs ; l'auteur ne sait pas un mot d'arabe, et cependant la scène est en Arabie ; et, de plus, c'est un homme qui ne croit pas aux idées innées : je vous apporterai demain vingt brochures contre lui. -- Monsieur, combien avez- vous de pièces de théâtre en France ? » dit Candide à l'abbé ; lequel répondit : « Cinq ou six mille. -- C'est beaucoup, dit Candide ; combien y en a-t-il de bonnes ? -- Quinze ou seize, répliqua l'autre. -- C'est beaucoup », dit Martin.







Candide fut très content d'une actrice qui faisait la reine ةlisabeth dans une assez plate tragédie que l'on joue quelquefois. « Cette actrice, dit-il à Martin, me plaît beaucoup ; elle a un faux air de Mlle Cunégonde ; je serais bien aise de la saluer. » L'abbé périgourdin s'offrit à l'introduire chez elle. Candide, élevé en Allemagne, demanda quelle était l'étiquette, et comment on traitait en France les reines d'Angleterre. « Il faut distinguer, dit l'abbé ; en province, on les mène au cabaret ; à Paris, on les respecte quand elles sont belles, et on les jette à la voirie quand elles sont mortes. -- Des reines à la voirie ! dit Candide. -- Oui vraiment, dit Martin ; monsieur l'abbé a raison : j'étais à Paris quand Mlle Monime passa, comme on dit, de cette vie à l'autre ; on lui refusa ce que ces gens-ci appellent les honneurs de la sépulture, c'est-à-dire de pourrir avec tous les gueux du quartier dans un vilain cimetière ; elle fut enterrée toute seule de sa bande au coin de la rue de Bourgogne ; ce qui dut lui faire une peine extrême, car elle pensait très noblement. -- Cela est bien impoli, dit Candide. -- Que voulez-vous ? dit Martin ; ces gens-ci sont ainsi faits. Imaginez toutes les contradictions, toutes les incompatibilités possibles, vous les verrez dans le gouvernement, dans les tribunaux, dans les églises, dans les spectacles de cette drôle de nation. -- Est-il vrai qu'on rit toujours à Paris ? dit Candide. -- Oui, dit l'abbé, mais c'est en enrageant ; car on s'y plaint de tout avec de grands éclats de rire ; et même on y fait en riant les actions les plus détestables.







-- Quel est, dit Candide, ce gros cochon qui me disait tant de mal de la pièce où j'ai tant pleuré et des acteurs qui m'ont fait tant de plaisir ? -- C'est un mal vivant, répondit l'abbé, qui gagne sa vie à dire du mal de toutes les pièces et de tous les livres ; il hait quiconque réussit, comme les eunuques haïssent les jouissants : c'est un de ces serpents de la littérature qui se nourrissent de fange et de venin ; c'est un folliculaire. -- Qu'appelez-vous folliculaire ? dit Candide. -- C'est, dit l'abbé, un faiseur de feuilles, un Fréron. »







C'est ainsi que Candide, Martin et le Périgourdin raisonnaient sur l'escalier, en voyant défiler le monde au sortir de la pièce. « Quoique je sois très empressé de revoir Mlle Cunégonde, dit Candide, je voudrais pourtant souper avec Mlle Clairon ; car elle m'a paru admirable. »







L'abbé n'était pas homme à approcher de Mlle Clairon, qui ne voyait que bonne compagnie. « Elle est engagée pour ce soir, dit-il ; mais j'aurai l'honneur de vous mener chez une dame de qualité, et là vous connaîtrez Paris comme si vous y aviez été quatre ans. »







Candide, qui était naturellement curieux, se laissa mener chez la dame, au fond du faubourg Saint-Honoré ; on y était occupé d'un pharaon ; douze tristes pontes tenaient chacun en main un petit livre de cartes, registre cornu de leurs infortunes. Un profond silence régnait, la pâleur était sur le front des pontes, l'inquiétude sur celui du banquier, et la dame du logis, assise auprès de ce banquier impitoyable, remarquait avec des yeux de lynx tous les parolis, tous les sept-et-le-va de campagne, dont chaque joueur cornait ses cartes ; elle les faisait décorner avec une attention sévère mais polie, et ne se fâchait point, de peur de perdre ses pratiques : la dame se faisait appeler la marquise de Parolignac. Sa fille, âgée de quinze ans, était au nombre des pontes et avertissait d'un clin d'oeil des friponneries de ces pauvres gens, qui tâchaient de réparer les cruautés du sort. L'abbé périgourdin, Candide et Martin entrèrent ; personne ne se leva, ni les salua, ni les regarda ; tous étaient profondément occupés de leurs cartes. « Madame la baronne de Thunder-ten-tronckh était plus civile », dit Candide.







Cependant l'abbé s'approcha de l'oreille de la marquise, qui se leva à moitié, honora Candide d'un sourire gracieux, et Martin d'un air de tête tout à fait noble ; elle fit donner un siège et un jeu de cartes à Candide, qui perdit cinquante mille francs en deux tailles ; après quoi on soupa très gaiement, et tout le monde était étonné que Candide ne fût pas ému de sa perte ; les laquais disaient entre eux, dans leur langage de laquais : « Il faut que ce soit quelque milord anglais. »







Le souper fut comme la plupart des soupers de Paris : d'abord du silence, ensuite un bruit de paroles qu'on ne distingue point, puis des plaisanteries dont la plupart sont insipides, de fausses nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu de politique et beaucoup de médisance ; on parla même de livres nouveaux. « Avez-vous lu, dit l'abbé périgourdin, le roman du sieur Gauchat, docteur en théologie ? -- Oui, répondit un des convives, mais je n'ai pu l'achever. Nous avons une foule d'écrits impertinents, mais tous ensemble n'approchent pas de l'impertinence de Gauchat, docteur en théologie ; je suis si rassasié de cette immensité de détestables livres qui nous inondent que je me suis mis à ponter au pharaon. -- Et les Mélanges de l'archidiacre T..., qu'en dites-vous ? dit l'abbé. -- Ah ! dit Mme de Parolignac, l'ennuyeux mortel ! comme il vous dit curieusement tout ce que le monde sait ! comme il discute pesamment ce qui ne vaut pas la peine d'être remarqué légèrement ! comme il s'approprie sans esprit l'esprit des autres ! comme il gâte ce qu'il pille ! comme il me dégoûte ! Mais il ne me dégoûtera plus : c'est assez d'avoir lu quelques pages de l'archidiacre. »







Il y avait à table un homme savant et de goût qui appuya ce que disait la marquise. On parla ensuite de tragédies ; la dame demanda pourquoi il y avait des tragédies qu'on jouait quelquefois, et qu'on ne pouvait lire. L'homme de goût expliqua très bien comment une pièce pouvait avoir quelque intérêt et n'avoir presque aucun mérite ; il prouva en peu de mots que ce n'était pas assez d'amener une ou deux de ces situations qu'on trouve dans tous les romans, et qui séduisent toujours les spectateurs, mais qu'il faut être neuf sans être bizarre, souvent sublime, et toujours naturel ; connaître le coeur humain et le faire parler ; être grand poète sans que jamais aucun personnage de la pièce paraisse poète ; savoir parfaitement sa langue, la parler avec pureté, avec une harmonie continue, sans que jamais la rime coûte rien au sens. « Quiconque, ajouta-t-il, n'observe pas toutes ces règles peut faire une ou deux tragédies applaudies au théâtre, mais il ne sera jamais compté au rang des bons écrivains ; il y a très peu de bonnes tragédies ; les unes sont des idylles en dialogues bien écrits et bien rimés ; les autres, des raisonnements politiques qui endorment, ou des amplifications qui rebutent ; les autres, des rêves d'énergumène, en style barbare, des propos interrompus, de longues apostrophes aux dieux, parce qu'on ne sait point parler aux hommes, des maximes fausses, des lieux communs ampoulés. »







Candide écouta ce propos avec attention, et conçut une grande idée du discoureur ; et, comme la marquise avait eu soin de le placer à côté d'elle, il s'approcha de son oreille, et prit la liberté de lui demander qui était cet homme qui parlait si bien. « C'est un savant, dit la dame, qui ne ponte point, et que l'abbé m'amène quelquefois à souper ; il se connaît parfaitement en tragédies et en livres, et il a fait une tragédie sifflée et un livre dont on n'a jamais vu hors de la boutique de son libraire qu'un exemplaire qu'il m'a dédié. -- Le grand homme ! dit Candide ; c'est un autre Pangloss. »







Alors, se tournant vers lui, il lui dit : « Monsieur, vous pensez sans doute que tout est au mieux dans le monde physique et dans le moral, et que rien ne pouvait être autrement ? -- Moi, monsieur, lui répondit le savant, je ne pense rien de tout cela : je trouve que tout va de travers chez nous ; que personne ne sait ni quel est son rang, ni quelle est sa charge, ni ce qu'il fait, ni ce qu'il doit faire, et qu'excepté le souper, qui est assez gai et où il paraît assez d'union, tout le reste du temps se passe en querelles impertinentes : jansénistes contre molinistes, gens du parlement contre gens d'église, gens de lettres contre gens de lettres, courtisans contre courtisans, financiers contre le peuple, femmes contre maris, parents contre parents ; c'est une guerre éternelle. »







Candide lui répliqua : « J'ai vu pis. Mais un sage, qui depuis a eu le malheur d'être pendu, m'apprit que tout cela est à merveille ; ce sont des ombres à un beau tableau. _ Votre pendu se moquait du monde, dit Martin ; vos ombres sont des taches horribles. -- Ce sont les hommes qui font les taches, dit Candide, et ils ne peuvent pas s'en dispenser. -- Ce n'est donc pas leur faute », dit Martin. La plupart des pontes, qui n'entendaient rien à ce langage, buvaient ; et Martin raisonna avec le savant, et Candide raconta une partie de ses aventures à la dame du logis.







Après soupé, la marquise mena Candide dans son cabinet et le fit asseoir sur un canapé. « Eh bien ! lui dit-elle, vous aimez donc toujours éperdument Mlle Cunégonde de Thunder- ten-tronckh ? -- Oui, madame », répondit Candide. La marquise lui répliqua avec un souris tendre : « Vous me répondez comme un jeune homme de Westphalie ; un Français m'aurait dit : " Il est vrai que j'ai aimé Mlle Cunégonde ; mais en vous voyant, madame, je crains de ne la plus aimer. ² -- Hélas ! madame, dit Candide, je répondrai comme vous voudrez. -- Votre passion pour elle, dit la marquise, a commencé en ramassant son mouchoir ; je veux que vous ramassiez ma jarretière. -- De tout mon coeur », dit Candide ; et il la ramassa. « Mais je veux que vous me la remettiez », dit la dame ; et Candide la lui remit. « Voyez- vous, dit la dame, vous êtes étranger, je fais quelquefois languir mes amants de Paris quinze jours, mais je me rends à vous dès la première nuit, parce qu'il faut faire les honneurs de son pays à un jeune homme de Westphalie. » La belle, ayant aperçu deux énormes diamants aux deux mains de son jeune étranger, les loua de si bonne foi que des doigts de Candide ils passèrent aux doigts de la marquise.







Candide, en s'en retournant avec son abbé périgourdin, sentit quelques remords d'avoir fait une infidélité à Mlle Cunégonde ; monsieur l'abbé entra dans sa peine ; il n'avait qu'une légère part aux cinquante mille livres perdues au jeu par Candide, et à la valeur des deux brillants moitié donnés, moitié extorqués. Son dessein était de profiter, autant qu'il le pourrait, des avantages que la connaissance de Candide pouvait lui procurer. Il lui parla beaucoup de Cunégonde ; et Candide lui dit qu'il demanderait bien pardon à cette belle de son infidélité, quand il la verrait à Venise.







Le Périgourdin redoublait de politesse et d'attentions, et prenait un intérêt tendre à tout ce que Candide disait, à tout ce qu'il faisait, à tout ce qu'il voulait faire.







« Vous avez donc, monsieur, lui dit-il, un rendez-vous à Venise ? -- Oui, monsieur l'abbé, dit Candide ; il faut absolument que j'aille trouver Mlle Cunégonde. » Alors, engagé par le plaisir de parler de ce qu'il aimait, il conta, selon son usage, une partie de ses aventures avec cette illustre Westphalienne.







« Je crois, dit l'abbé, que Mlle Cunégonde a bien de l'esprit, et qu'elle écrit des lettres charmantes ? -- Je n'en ai jamais reçu, dit Candide ; car figurez-vous qu'ayant été chassé du château pour l'amour d'elle, je ne pus lui écrire ; que bientôt après j'appris qu'elle était morte, qu'ensuite je la retrouvai, et que je la perdis, et que je lui ai envoyé à deux mille cinq cents lieues d'ici un exprès dont j'attends la réponse. »







L'abbé écoutait attentivement, et paraissait un peu rêveur. Il prit bientôt congé des deux étrangers, après les avoir tendrement embrassés. Le lendemain Candide reçut à son réveil une lettre conçue en ces termes :







«Monsieur, mon très cher amant, il y a huit jours que je suis malade en cette ville ; j'apprends que vous y êtes. Je volerais dans vos bras si je pouvais remuer. J'ai su votre passage à Bordeaux ; j'y ai laissé le fidèle Cacambo et la vieille, qui doivent bientôt me suivre. Le gouverneur de Buenos-Ayres a tout pris, mais il me reste votre coeur. Venez, votre présence me rendra la vie, ou me fera mourir de plaisir.»







Cette lettre charmante, cette lettre inespérée, transporta Candide d'une joie inexprimable ; et la maladie de sa chère Cunégonde l'accabla de douleur. Partagé entre ces deux sentiments, il prend son or et ses diamants, et se fait conduire avec Martin à l'hôtel où Mlle Cunégonde demeurait. Il entre en tremblant d'émotion, son coeur palpite, sa voix sanglote ; il veut ouvrir les rideaux du lit, il veut faire apporter de la lumière. « Gardez-vous-en bien, lui dit la suivante, la lumière la tue » ; et soudain elle referme le rideau. « Ma chère Cunégonde, dit Candide en pleurant, comment vous portez-vous ? si vous ne pouvez me voir, parlez-moi du moins. -- Elle ne peut parler », dit la suivante. La dame alors tire du lit une main potelée que Candide arrose longtemps de ses larmes, et qu'il remplit ensuite de diamants, en laissant un sac plein d'or sur le fauteuil.







Au milieu de ses transports arrive un exempt suivi de l'abbé périgourdin et d'une escouade. « Voilà donc, dit-il, ces deux étrangers suspects ? » Il les fait incontinent saisir, et ordonne à ses braves de les traîner en prison. « Ce n'est pas ainsi qu'on traite les voyageurs dans le Dorado, dit Candide. -- Je suis plus manichéen que jamais, dit Martin. -- Mais, monsieur, où nous menez-vous ? dit Candide. -- Dans un cul de basse-fosse », dit l'exempt.







Martin, ayant repris son sang-froid, jugea que la dame qui se prétendait Cunégonde était une friponne, monsieur l'abbé périgourdin un fripon qui avait abusé au plus vite de l'innocence de Candide, et l'exempt un autre fripon dont on pouvait aisément se débarrasser.







Plutôt que de s'exposer aux procédures de la justice, Candide, éclairé par son conseil, et d'ailleurs toujours impatient de revoir la véritable Cunégonde, propose à l'exempt trois petits diamants d'environ trois mille pistoles chacun. « Ah ! monsieur, lui dit l'homme au bâton d'ivoire, eussiez-vous commis tous les crimes imaginables, vous êtes le plus honnête homme du monde ; trois diamants ! chacun de trois mille pistoles ! Monsieur ! je me ferais tuer pour vous, au lieu de vous mener dans un cachot. On arrête tous les étrangers, mais laissez-moi faire ; j'ai un frère à Dieppe en Normandie, je vais vous y mener ; et si vous avez quelque diamant à lui donner, il aura soin de vous comme moi-même.







-- Et pourquoi arrête-t-on tous les étrangers ? » dit Candide. L'abbé périgourdin prit alors la parole et dit : « C'est parce qu'un gueux du pays d'Atrébatie a entendu dire des sottises : cela seul lui a fait commettre un parricide, non pas tel que celui de 1610 au mois de mai, mais tel que celui de 1594 au mois de décembre, et tel que plusieurs autres commis dans d'autres années et dans d'autres mois par d'autres gueux qui avaient entendu dire des sottises. »







L'exempt alors expliqua de quoi il s'agissait. « Ah, les monstres ! s'écria Candide ; quoi ! de telles horreurs chez un peuple qui danse et qui chante ! Ne pourrai-je sortir au plus vite de ce pays où des singes agacent des tigres ? J'ai vu des ours dans mon pays ; je n'ai vu des hommes que dans le Dorado. Au nom de Dieu, monsieur l'exempt, menez-moi à Venise, où je dois attendre Mlle Cunégonde. -- Je ne peux vous mener qu'en Basse-Normandie », dit le barigel. Aussitôt il lui fait ôter ses fers, dit qu'il s'est mépris, renvoie ses gens et emmène à Dieppe Candide et Martin, et les laisse entre les mains de son frère. Il y avait un petit vaisseau hollandais à la rade. Le Normand, à l'aide de trois autres diamants, devenu le plus serviable des hommes, embarque Candide et ses gens dans le vaisseau qui allait faire voile pour Portsmouth en Angleterre. Ce n'était pas le chemin de Venise ; mais Candide croyait être délivré de l'enfer, et il comptait bien reprendre la route de Venise à la première occasion.









CHAPITRE VINGT-TROISIبME



---------------------------------



CANDIDE ET MARTIN



VONT SUR LES CشTES D'ANGLETERRE ;



CE QU'ILS Y VOIENT









« Ah, Pangloss ! Pangloss ! Ah, Martin ! Martin ! Ah, ma chère Cunégonde ! qu'est-ce que ce monde-ci ? disait Candide sur le vaisseau hollandais. -- Quelque chose de bien fou et de bien abominable, répondait Martin. -- Vous connaissez l'Angleterre ; y est-on aussi fou qu'en France ? -- C'est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu'elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut, De vous dire précisément s'il y a plus de gens à lier dans un pays que dans un autre, c'est ce que mes faibles lumières ne me permettent pas. Je sais seulement qu'en général les gens que nous allons voir sont fort atrabilaires. »







En causant ainsi ils abordèrent à Portsmouth ; une multitude de peuple couvrait le rivage, et regardait attentivement un assez gros homme qui était à genoux, les yeux bandés, sur le tillac d'un des vaisseaux de la flotte ; quatre soldats, postés vis-à-vis de cet homme, lui tirèrent chacun trois balles dans le crâne le plus paisiblement du monde, et toute l'assemblée s'en retourna extrêmement satisfaite. « Qu'est-ce donc que tout ceci ? dit Candide, et quel démon exerce partout son empire ? » Il demanda qui était ce gros homme qu'on venait de tuer en cérémonie. « C'est un amiral, lui répondit-on. -- Et pourquoi tuer cet amiral ? -- C'est, lui dit-on, parce qu'il n'a pas fait tuer assez de monde ; il a livré un combat à un amiral français, et on a trouvé qu'il n'était pas assez près de lui. -- Mais, dit Candide, l'amiral français était aussi loin de l'amiral anglais que celui-ci l'était de l'autre ! -- Cela est incontestable, lui répliqua-t-on ; mais dans ce pays-ci il est bon de tuer de temps en temps un amiral pour encourager les autres. »







Candide fut si étourdi et si choqué de ce qu'il voyait, et de ce qu'il entendait, qu'il ne voulut pas seulement mettre pied à terre, et qu'il fit son marché avec le patron hollandais (dût-il le voler comme celui de Surinam) pour le conduire sans délai à Venise.







Le patron fut prêt au bout de deux jours. On côtoya la France ; on passa à la vue de Lisbonne, et Candide frémit. On entra dans le détroit et dans la Méditerranée ; enfin on aborda à Venise. « Dieu soit loué ! dit Candide en embrassant Martin ; c'est ici que je reverrai la belle Cunégonde. Je compte sur Cacambo comme sur moi-même. Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux qu'il soit possible. »









CHAPITRE VINGT-QUATRIبME



--------------------------------



DE PAQUETTE ET DE FRبRE GIROFLةE









Dès qu'il fut à Venise, il fit chercher Cacambo dans tous les cabarets, dans tous les cafés, chez toutes les filles de joie, et ne le trouva point. Il envoyait tous les jours à la découverte de tous les vaisseaux et de toutes les barques : nulles nouvelles de Cacambo. « Quoi ! disait- il à Martin, j'ai eu le temps de passer de Surinam à Bordeaux, d'aller de Bordeaux à Paris, de Paris à Dieppe, de Dieppe à Portsmouth, de côtoyer le Portugal et l'Espagne, de traverser toute la Méditerranée, de passer quelques mois à Venise, et la belle Cunégonde n'est point venue ! Je n'ai rencontré au lieu d'elle qu'une drôlesse et un abbé périgourdin ! Cunégonde est morte sans doute, je n'ai plus qu'à mourir. Ah ! il valait mieux rester dans le paradis du Dorado que de revenir dans cette maudite Europe. Que vous avez raison, mon cher Martin ! tout n'est qu'illusion et calamité. »







Il tomba dans une mélancolie noire, et ne prit aucune part a l'opéra alla moda ni aux autres divertissements du carnaval ; pas une dame ne lui donna la moindre tentation. Martin lui dit : « Vous êtes bien simple, en vérité, de vous figurer qu'un valet métis, qui a cinq ou six millions dans ses poches, ira chercher votre maîtresse au bout du monde et vous l'amènera à Venise. Il la prendra pour lui, s'il la trouve. S'il ne la trouve pas, il en prendra une autre : je vous conseille d'oublier votre valet Cacambo et votre maîtresse Cunégonde. » Martin n'était pas consolant. La mélancolie de Candide augmenta, et Martin ne cessait de lui prouver qu'il y avait peu de vertu et peu de bonheur sur la terre, excepté peut-être dans Eldorado, où personne ne pouvait aller.







En disputant sur cette matière importante, et en attendant Cunégonde, Candide aperçut un jeune théatin dans la place Saint-Marc, qui tenait sous le bras une fille. Le théatin paraissait frais, potelé, vigoureux ; ses yeux étaient brillants, son air assuré, sa mine haute, sa démarche fière. La fille était très jolie et chantait ; elle regardait amoureusement son théatin, et de temps en temps lui pinçait ses grosses joues. « Vous m'avouerez du moins, dit Candide à Martin, que ces gens-ci sont heureux. Je n'ai trouvé jusqu'à présent dans toute la terre habitable, excepté dans Eldorado, que des infortunés ; mais, pour cette fille et ce théatin, je gage que ce sont des créatures très heureuses. -- Je gage que non, dit Martin. -- Il n'y a qu'à les prier à dîner, dit Candide, et vous verrez si je me trompe. »







Aussitôt il les aborde, il leur fait son compliment, et les invite à venir à son hôtellerie manger des macaronis, des perdrix de Lombardie, des oeufs d'esturgeon, et à boire du vin de Montepulciano, du lacrima-christi, du chypre et du samos. La demoiselle rougit, le théatin accepta la partie, et la fille le suivit en regardant Candide avec des yeux de surprise et de confusion qui furent obscurcis de quelques larmes. ہ peine fut-elle entrée dans la chambre de Candide qu'elle lui dit : « Eh quoi ! monsieur Candide ne reconnaît plus Paquette ! » ہ ces mots, Candide, qui ne l'avait pas considérée jusque-là avec attention, parce qu'il n'était occupé que de Cunégonde, lui dit : « Hélas ! ma pauvre enfant, c'est donc vous qui avez mis le docteur Pangloss dans le bel état où je l'ai vu ?







-- Hélas ! monsieur, c'est moi-même, dit Paquette ; je vois que vous êtes instruit de tout. J'ai su les malheurs épouvantables arrivés à toute la maison de madame la baronne et à la belle Cunégonde. Je vous jure que ma destinée n'a guère été moins triste. J'étais fort innocente quand vous m'avez vue. Un cordelier qui était mon confesseur me séduisit aisément. Les suites en furent affreuses ; je fus obligée de sortir du château quelques temps après que monsieur le baron vous eut renvoyé à grands coups de pied dans le derrière. Si un fameux médecin n'avait pas pris pitié de moi, j'étais morte. Je fus quelque temps par reconnaissance la maîtresse de ce médecin. Sa femme, qui était jalouse à la rage, me battait tous les jours impitoyablement ; c'était une furie. Ce médecin était le plus laid de tous les hommes, et moi la plus malheureuse de toutes les créatures d'être battue continuellement pour un homme que je n'aimais pas. Vous savez, monsieur, combien il est dangereux pour une femme acariâtre d'être l'épouse d'un médecin. Celui-ci, outré des procédés de sa femme, lui donna un jour, pour la guérir d'un petit rhume, une médecine si efficace qu'elle en mourut en deux heures de temps dans des convulsions horribles. Les parents de madame intentèrent à monsieur un procès criminel ; il prit la fuite, et moi je fus mise en prison. Mon innocence ne m'aurait pas sauvée si je n'avais été un peu jolie. Le juge m'élargit à condition qu'il succéderait au médecin. Je fus bientôt supplantée par une rivale, chassée sans récompense, et obligée de continuer ce métier abominable qui vous paraît si plaisant à vous autres hommes, et qui n'est pour nous qu'un abîme de misères. J'allai exercer la profession à Venise. Ah ! monsieur, si vous pouviez vous imaginer ce que c'est que d'être obligée de caresser indifféremment un vieux marchand, un avocat, un moine, un gondolier, un abbé ; d'être exposée à toutes les insultes, à toutes les avanies ; d'être souvent réduite à emprunter une jupe pour aller se la faire lever par un homme dégoûtant ; d'être volée par l'un de ce qu'on a gagné avec l'autre ; d'être rançonnée par les officiers de justice, et de n'avoir en perspective qu'une vieillesse affreuse, un hôpital et un fumier, vous concluriez que je suis une des plus malheureuses créatures du monde. »







Paquette ouvrait ainsi son coeur au bon Candide, dans un cabinet, en présence de Martin, qui disait à Candide : « Vous voyez que j'ai déjà gagné la moitié de la gageure. »







Frère Giroflée était resté dans la salle à manger, et buvait un coup en attendant le dîner. « Mais, dit Candide à Paquette, vous aviez l'air si gai, si content, quand je vous ai rencontrée ; vous chantiez, vous caressiez le théatin avec une complaisance naturelle ; vous m'avez paru aussi heureuse que vous prétendez être infortunée. -- Ah ! monsieur, répondit Paquette, c'est encore là une des misères du métier. J'ai été hier volée et battue par un officier, et il faut aujourd'hui que je paraisse de bonne humeur pour plaire à un moine. »







Candide n'en voulut pas davantage ; il avoua que Martin avait raison. On se mit à table avec Paquette et le théatin, le repas fut assez amusant, et sur la fin on se parla avec quelque confiance. « Mon Père, dit Candide au moine, vous me paraissez jouir d'une destinée que tout le monde doit envier ; la fleur de la santé brille sur votre visage, votre physionomie annonce le bonheur ; vous avez une très jolie fille pour votre récréation, et vous paraissez très content de votre état de théatin.







-- Ma foi, monsieur, dit frère Giroflée, je voudrais que tous les théatins fussent au fond de la mer. J'ai été tenté cent fois de mettre le feu au couvent, et d'aller me faire turc. Mes parents me forcèrent à l'âge de quinze ans d'endosser cette détestable robe, pour laisser plus de fortune à un maudit frère aîné que Dieu confonde ! La jalousie, la discorde, la rage, habitent dans le couvent. Il est vrai que j'ai prêché quelques mauvais sermons qui m'ont valu un peu d'argent, dont le prieur me vole la moitié : le reste me sert à entretenir des filles ; mais, quand je rentre le soir dans le monastère, je suis prêt de me casser la tête contre les murs du dortoir ; et tous mes confrères sont dans le même cas. »







Martin se tournant vers Candide avec son sang-froid ordinaire : « Eh bien ! lui dit-il, n'ai-je pas gagné la gageure tout entière ? » Candide donna deux mille piastres à Paquette et mille piastres à frère Giroflée. « Je vous réponds, dit-il, qu'avec cela ils seront heureux. -- Je n'en crois rien du tout, dit Martin ; vous les rendrez peut-être avec ces piastres beaucoup plus malheureux encore. -- Il en sera ce qui pourra, dit Candide ; mais une chose me console, je vois qu'on retrouve souvent les gens qu'on ne croyait jamais retrouver ; il se pourra bien faire qu'ayant rencontré mon mouton rouge et Paquette, je rencontre aussi Cunégonde. -- Je souhaite, dit Martin, qu'elle fasse un jour votre bonheur ; mais c'est de quoi je doute fort. -- Vous êtes bien dur, dit Candide. -- C'est que j'ai vécu, dit Martin.







-- Mais regardez ces gondoliers, dit Candide ; ne chantent-ils pas sans cesse ? -- Vous ne les voyez pas dans leur ménage, avec leurs femmes et leurs marmots d'enfants, dit Martin. Le doge a ses chagrins, les gondoliers ont les leurs. Il est vrai qu'à tout prendre le sort d'un gondolier est préférable à celui d'un doge ; mais je crois la différence si médiocre que cela ne vaut pas la peine d'être examiné.







-- On parle, dit Candide, du sénateur Pococuranté qui demeure dans ce beau palais sur la Brenta, et qui reçoit assez bien les étrangers. On prétend que c'est un homme qui n'a jamais eu de chagrin. -- Je voudrais voir une espèce si rare », dit Martin. Candide aussitôt fit demander au seigneur Pococuranté la permission de venir le voir le lendemain.









CHAPITRE VINGT-CINQUIبME



------------------------------------



VISITE CHEZ LE SEIGNEUR POCOCURANTة,



NOBLE VةNITIEN









Candide et Martin allèrent en gondole sur la Brenta et arrivèrent au palais du noble Pococuranté. Les jardins étaient bien entendus, et ornés de belles statues de marbre ; le palais, d'une belle architecture. Le maître du logis, homme de soixante ans, fort riche, reçut très poliment les deux curieux, mais avec très peu d'empressement, ce qui déconcerta Candide et ne déplut point à Martin.







D'abord deux filles jolies et proprement mises servirent du chocolat qu'elles firent très bien mousser. Candide ne put s'empêcher de les louer sur leur beauté, sur leur bonne grâce et sur leur adresse. « Ce sont d'assez bonnes créatures, dit le sénateur Pococuranté ; je les fais quelquefois coucher dans mon lit, car je suis bien las des dames de la ville, de leurs coquetteries, de leurs jalousies, de leurs querelles, de leurs humeurs, de leurs petitesses, de leur orgueil, de leurs sottises, et des sonnets qu'il faut faire ou commander pour elles ; mais, après tout, ces deux filles commencent fort à m'ennuyer. »







Candide, après le déjeuner, se promenant dans une longue galerie, fut surpris de la beauté des tableaux. Il demanda de quel maître étaient les deux premiers. « Ils sont de Raphaël, dit le sénateur ; je les achetai fort cher par vanité il y a quelques années ; on dit que c'est ce qu'il y a de plus beau en Italie, mais ils ne me plaisent point du tout : la couleur en est très rembrunie ; les figures ne sont pas assez arrondies, et ne sortent point assez ; les draperies ne ressemblent en rien à une étoffe ; en un mot, quoi qu'on en dise, je ne trouve point là une imitation vraie de la nature. Je n'aimerai un tableau que quand je croirai voir la nature elle- même : il n'y en a point de cette espèce. J'ai beaucoup de tableaux mais je ne les regarde plus. »







Pococuranté, en attendant le dîner, se fit donner un concerto. Candide trouva la musique délicieuse. « Ce bruit, dit Pococuranté, peut amuser une demi-heure ; mais, s'il dure plus longtemps, il fatigue tout le monde, quoique personne n'ose l'avouer. La musique aujourd'hui n'est plus que l'art d'exécuter des choses difficiles, et ce qui n'est que difficile ne plaît point à la longue.







« J'aimerais peut-être mieux l'opéra, si on n'avait pas trouvé le secret d'en faire un monstre qui me révolte. Ira voir qui voudra de mauvaises tragédies en musique, où les scènes ne sont faites que pour amener, très mal à propos, deux ou trois chansons ridicules qui font valoir le gosier d'une actrice ; se pâmera de plaisir qui voudra, ou qui pourra, en voyant un châtré fredonner le rôle de César et de Caton et se promener d'un air gauche sur des planches ; pour moi, il y a longtemps que j'ai renoncé à ces pauvretés, qui font aujourd'hui la gloire de l'Italie, et que des souverains payent si chèrement. » Candide disputa un peu, mais avec discrétion. Martin fut entièrement de l'avis du sénateur.







On se mit à table, et après un excellent dîner, on entra dans la bibliothèque. Candide, en voyant un Homère magnifiquement relié, loua l'illustrissime sur son bon goût. « Voilà, dit- il, un livre qui faisait les délices du grand Pangloss, le meilleur philosophe de l'Allemagne. -- Il ne fait pas les miennes, dit froidement Pococuranté ; on me fit accroire autrefois que j'avais du plaisir en le lisant ; mais cette répétition continuelle de combats qui se ressemblent tous, ces dieux qui agissent toujours pour ne rien faire de décisif, cette Hélène qui est le sujet de la guerre, et qui à peine est une actrice de la pièce ; cette Troie qu'on assiège et qu'on ne prend point, tout cela me causait le plus mortel ennui. J'ai demandé quelquefois à des savants s'ils s'ennuyaient autant que moi à cette lecture. Tous les gens sincères m'ont avoué que le livre leur tombait des mains, mais qu'il fallait toujours l'avoir dans sa bibliothèque, comme un monument de l'antiquité, et comme ces médailles rouillées qui ne peuvent être de commerce.







-- Votre Excellence ne pense pas ainsi de Virgile ? dit Candide. -- Je conviens, dit Pococuranté, que le second, le quatrième et le sixième livre de son ةnéide sont excellents ; mais pour son pieux ةnée, et le fort Cloanthe, et l'ami Achates, et le petit Ascanius, et l'imbécile roi Latinus, et la bourgeoise Amata, et l'insipide Lavinia, je ne crois pas qu'il y ait rien de si froid et de plus désagréable. J'aime mieux le Tasse et les contes à dormir debout de l'Arioste. -- Oserais-je vous demander, monsieur, dit Candide, si vous n'avez pas un grand plaisir à lire Horace ? -- Il y a des maximes, dit Pococuranté, dont un homme du monde peut faire son profit, et qui, étant resserrées dans des vers énergiques, se gravent plus aisément dans la mémoire. Mais je me soucie fort peu de son voyage à Brindes, et de sa de--SS--ion d'un mauvais dîner, et de la querelle des crocheteurs entre je ne sais quel Pupilus, dont les paroles, dit-il, étaient pleines de pus, et un autre dont les paroles étaient du vinaigre. Je n'ai lu qu'avec un extrême dégoût ses vers grossiers contre des vieilles et contre des sorcières ; et je ne vois pas quel mérite il peut y avoir à dire à son ami Mوcenas que, s'il est mis par lui au rang des poètes lyriques, il frappera les astres de son front sublime. Les sots admirent tout dans un auteur estimé. Je ne lis que pour moi ; je n'aime que ce qui est à mon usage. » Candide, qui avait été élevé à ne jamais juger de rien par lui-même, était fort étonné de ce qu'il entendait ; et Martin trouvait la façon de penser de Pococuranté assez raisonnable.







« Oh ! voici un Cicéron, dit Candide ; pour ce grand homme-là, je pense que vous ne vous lassez point de le lire ? -- Je ne le lis jamais, répondit le Vénitien. Que m'importe qu'il ait plaidé pour Rabirius ou pour Cluentius ? J'ai bien assez des procès que je juge ; je me serais mieux accommodé de ses oeuvres philosophiques ; mais, quand j'ai vu qu'il doutait de tout, j'ai conclu que j'en savais autant que lui, et que je n'avais besoin de personne pour être ignorant.







-- Ah ! voilà quatre-vingts volumes de recueils d'une académie des sciences, s'écria Martin ; il se peut qu'il y ait là du bon. -- Il y en aurait, dit Pococuranté, si un seul des auteurs de ces fatras avait inventé seulement l'art de faire des épingles ; mais il n'y a dans tous ces livres que de vains systèmes et pas une seule chose utile.







-- Que de pièces de théâtre je vois là ! dit Candide ; en italien, en espagnol, en français ! -- Oui, dit le sénateur, il y en a trois mille, et pas trois douzaines de bonnes. Pour ces recueils de sermons, qui tous ensemble ne valent pas une page de Sénèque, et tous ces gros volumes de théologie, vous pensez bien que je ne les ouvre jamais, ni moi ni personne. »







Martin aperçut des rayons chargés de livres anglais. « Je crois, dit-il, qu'un républicain doit se plaire à la plupart de ces ouvrages, écrits si librement. -- Oui, répondit Pococuranté, il est beau d'écrire ce qu'on pense ; c'est le privilège de l'homme. Dans toute notre Italie, on n'écrit que ce qu'on ne pense pas ; ceux qui habitent la patrie des Césars et des Antonins n'osent avoir une idée sans la permission d'un jacobin. Je serais content de la liberté qui inspire les génies anglais si la passion et l'esprit de parti ne corrompaient pas tout ce que cette précieuse liberté a d'estimable. »







Candide, apercevant un Milton, lui demanda s'il ne regardait pas cet auteur comme un grand homme. « Qui ? dit Pococuranté, ce barbare qui fait un long commentaire du premier chapitre de la Genèse en dix livres de vers durs ? ce grossier imitateur des Grecs, qui défigure la création, et qui, tandis que Moïse représente l'تtre éternel produisant le monde par la parole, fait prendre un grand compas par le Messiah dans une armoire du ciel pour tracer son ouvrage ? Moi, j'estimerais celui qui a gâté l'enfer et le diable du Tasse ; qui déguise Lucifer tantôt en crapaud, tantôt en pygmée ; qui lui fait rebattre cent fois les mêmes discours ; qui le fait disputer sur la théologie ; qui, en imitant sérieusement l'invention comique des armes à feu de l'Arioste, fait tirer le canon dans le ciel par les diables ? Ni moi, ni personne en Italie, n'a pu se plaire à toutes ces tristes extravagances. Le mariage du péché et de la mort et les couleuvres dont le péché accouche font vomir tout homme qui a le goût un peu délicat, et sa longue de--SS--ion d'un hôpital n'est bonne que pour un fossoyeur. Ce poème obscur, bizarre et dégoûtant, fut méprisé à sa naissance ; je le traite aujourd'hui comme il fut traité dans sa patrie par les contemporains. Au reste, je dis ce que je pense, et je me soucie fort peu que les autres pensent comme moi. » Candide était affligé de ces discours ; il respectait Homère, il aimait un peu Milton. « Hélas ! dit-il tout bas à Martin, j'ai bien peur que cet homme-ci n'ait un souverain mépris pour nos poètes allemands. -- Il n'y aurait pas grand mal à cela, dit Martin. -- Oh, quel homme supérieur ! disait encore Candide entre ses dents, quel grand génie que ce Pococuranté ! rien ne peut lui plaire. »







Après avoir fait ainsi la revue de tous les livres, ils descendirent dans le jardin. Candide en loua toutes les beautés. « Je ne sais rien de si mauvais goût, dit le maître : nous n'avons ici que des colifichets ; mais je vais dès demain en faire planter un d'un dessin plus noble. »







Quand les deux curieux eurent pris congé de Son Excellence : « Or çà, dit Candide à Martin, vous conviendrez que voilà le plus heureux de tous les hommes, car il est au-dessus de tout ce qu'il possède. -- Ne voyez-vous pas, dit Martin, qu'il est dégoûté de tout ce qu'il possède ? Platon a dit, il y a longtemps, que les meilleurs estomacs ne sont pas ceux qui rebutent tous les aliments. -- Mais, dit Candide, n'y a-t-il pas du plaisir à tout critiquer, à sentir des défauts où les autres hommes croient voir des beautés ? -- C'est-à-dire, reprit Martin, qu'il y a du plaisir à n'avoir pas de plaisir ? -- Oh bien ! dit Candide, il n'y a donc d'heureux que moi, quand je reverrai Mlle Cunégonde. -- C'est toujours bien fait d'espérer », dit Martin.







Cependant les jours, les semaines s'écoulaient ; Cacambo ne revenait point, et Candide était si abîmé dans sa douleur qu'il ne fit pas même réflexion que Paquette et frère Giroflée n'étaient pas venus seulement le remercier.









CHAPITRE VINGT-SIXIبME



------------------------------------



D'UN SOUPER QUE CANDIDE



ET MARTIN FIRENT AVEC SIX ةTRANGERS,



ET QUI ILS ةTAIENT









Un soir que Candide, suivi de Martin, allait se mettre à table avec les étrangers qui logeaient dans la même hôtellerie, un homme à visage couleur de suie l'aborda par-derrière, et, le prenant par le bras, lui dit : « Soyez prêt à partir avec nous, n'y manquez pas. » Il se retourne, et voit Cacambo. Il n'y avait que la vue de Cunégonde qui pût l'étonner et lui plaire davantage. Il fut sur le point de devenir fou de joie. Il embrasse son cher ami. « Cunégonde est ici, sans doute, où est-elle ? Mène-moi vers elle, que je meure de joie avec elle. -- Cunégonde n'est point ici, dit Cacambo, elle est à Constantinople. -- Ah, Ciel ! à Constantinople ! mais, fût-elle à la Chine, j'y vole, partons. -- Nous partirons après souper, reprit Cacambo, je ne peux vous en dire davantage ; je suis esclave, mon maître m'attend ; il faut que j'aille le servir à table : ne dites mot ; soupez et tenez-vous prêt. »







Candide, partagé entre la joie et la douleur, charmé d'avoir revu son agent fidèle, étonné de le voir esclave, plein de l'idée de retrouver sa maîtresse, le coeur agité, l'esprit bouleversé, se mit à table avec Martin, qui voyait de sang-froid toutes ces aventures, et avec six étrangers qui étaient venus passer le carnaval à Venise.







Cacambo, qui versait à boire à l'un de ces six étrangers, s'approcha de l'oreille de son maître, sur la fin du repas, et lui dit : « Sire, Votre Majesté partira quand elle voudra, le vaisseau est prêt. » Ayant dit ces mots, il sortit. Les convives, étonnés, se regardaient sans proférer une seule parole, lorsqu'un autre domestique, s'approchant de son maître, lui dit : « Sire, la chaise de Votre Majesté est à Padoue, et la barque est prête. » Le maître fit un signe, et le domestique partit. Tous les convives se regardèrent encore, et la surprise commune redoubla. Un troisième valet, s'approchant aussi d'un troisième étranger, lui dit : « Sire, croyez-moi, Votre Majesté ne doit pas rester ici plus longtemps : je vais tout préparer » ; et aussitôt il disparut.







Candide et Martin ne doutèrent pas alors que ce ne fût une mascarade du carnaval. Un quatrième domestique dit au quatrième maître : « Votre Majesté partira quand elle voudra », et sortit comme les autres. Le cinquième valet en dit autant au cinquième maître. Mais le sixième valet parla différemment au sixième étranger, qui était auprès de Candide ; il lui dit : « Ma foi, Sire, on ne veut plus faire crédit à Votre Majesté, ni à moi non plus ; et nous pourrions bien être coffrés cette nuit, vous et moi : je vais pourvoir à mes affaires ; adieu. »







Tous les domestiques ayant disparu, les six étrangers, Candide et Martin demeurèrent dans un profond silence. Enfin Candide le rompit. « Messieurs, dit-il, voilà une singulière plaisanterie : pourquoi êtes-vous tous rois ? Pour moi, )e vous avoue que ni moi ni Martin nous ne le sommes. »







Le maître de Cacambo prit alors gravement la parole, et dit en italien : « Je ne suis point plaisant, je m'appelle Achmet III. J'ai été grand sultan plusieurs années ; je détrônai mon frère ; mon neveu m'a détrôné ; on a coupé le cou à mes vizirs ; j'achève ma vie dans le vieux sérail ; mon neveu le grand sultan Mahmoud me permet de voyager quelquefois pour ma santé, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »







Un jeune homme qui était auprès d'Achmet parla après lui, et dit : « Je m'appelle Ivan ; j'ai été empereur de toutes les Russies ; j'ai été détrôné au berceau ; mon père et ma mère ont été enfermés ; on m'a élevé en prison ; j'ai quelquefois la permission de voyager, accompagné de ceux qui me gardent, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »







Le troisième dit : « Je suis Charles-ةdouard, roi d'Angleterre ; mon père m'a cédé ses droits au royaume ; j'ai combattu pour les soutenir ; on a arraché le coeur à huit cents de mes partisans, et on leur en a battu les joues. J'ai été mis en prison ; je vais à Rome faire une visite au roi mon père, détrôné ainsi que moi et mon grand-père, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »







Le quatrième prit alors la parole et dit : « Je suis roi des Polaques ; le sort de la guerre m'a privé de mes ةtats héréditaires ; mon père a éprouvé les mêmes revers ; je me résigne à la Providence comme le sultan Achmet, l'empereur Ivan et le roi Charles-ةdouard, à qui Dieu donne une longue vie, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »







Le cinquième dit : « Je suis aussi roi des Polaques ; j'ai perdu mon royaume deux fois ; mais la Providence m'a donné un autre ةtat, dans lequel j'ai fait plus de bien que tous les rois des Sarmates ensemble n'en ont jamais pu faire sur les bords de la Vistule ; je me résigne aussi à la Providence, et je suis venu passer le carnaval à Venise. »







Il restait au sixième monarque à parler. « Messieurs, dit-il, je ne suis pas si grand seigneur que vous ; mais enfin j'ai été roi tout comme un autre. Je suis Théodore ; on m'a élu roi en Corse ; on m'a appelé Votre Majesté, et à présent, à peine m'appelle-t-on Monsieur. J'ai fait frapper de la monnaie, et je ne possède pas un denier ; j'ai eu deux secrétaires d'ةtat, et j'ai à peine un valet ; je me suis vu sur un trône, et j'ai longtemps été à Londres en prison, sur la paille. J'ai bien peur d'être traité de même ici, quoique je sois venu comme Vos Majestés passer le carnaval à Venise. »







Les cinq autres rois écoutèrent ce discours avec une noble compassion. Chacun d'eux donna vingt sequins au roi Théodore pour avoir des habits et des chemises ; et Candide lui fit présent d'un diamant de deux mille sequins. « Quel est donc, disaient les cinq rois, ce simple particulier qui est en état de donner cent fois autant que chacun de nous, et qui le donne ? »







Dans l'instant qu'on sortait de table, il arriva dans la même hôtellerie quatre altesses sérénissimes qui avaient aussi perdu leurs ةtats par le sort de la guerre, et qui venaient passer le reste du carnaval à Venise. Mais Candide ne prit pas seulement garde à ces nouveaux venus. Il n'était occupé que d'aller trouver sa chère Cunégonde à Constantinople.









CHAPITRE VINGT-SEPTIبME



----------------------------------



VOYAGE DE CANDIDE ہ CONSTANTINOPLE









Le fidèle Cacambo avait déjà obtenu du patron turc qui allait reconduire le sultan Achmet à Constantinople qu'il recevrait Candide et Martin sur son bord. L'un et l'autre s'y rendirent après s'être prosternés devant Sa misérable Hautesse. Candide, chemin faisant, disait à Martin : « Voilà pourtant six rois détrônés, avec qui nous avons soupé, et encore dans ces six rois il y en a un à qui j'ai fait l'aumône. Peut-être y a-t-il beaucoup d'autres princes plus infortunés. Pour moi, je n'ai perdu que cent moutons, et je vole dans les bras de Cunégonde. Mon cher Martin, encore une fois, Pangloss avait raison : tout est bien. -- Je le souhaite, dit Martin. -- Mais, dit Candide, voilà une aventure bien peu vraisemblable que nous avons eue à Venise. On n'avait jamais vu ni ouï conter que six rois détrônés soupassent ensemble au cabaret. -- Cela n'est pas plus extraordinaire, dit Martin, que la plupart des choses qui nous sont arrivées. Il est très commun que des rois soient détrônés ; et à l'égard de l'honneur que nous avons eu de souper avec eux, c'est une bagatelle qui ne mérite pas notre attention. »







ہ peine Candide fut-il dans le vaisseau qu'il sauta au cou de son ancien valet, de son ami Cacambo. « Eh bien ! lui dit-il, que fait Cunégonde ? Est-elle toujours un prodige de beauté ? M'aime-t-elle toujours ? Comment se porte-t-elle ? Tu lui as sans doute acheté un palais à Constantinople ?







-- Mon cher maître, répondit Cacambo, Cunégonde lave les écuelles sur le bord de la Propontide, chez un prince qui a très peu d'écuelles ; elle est esclave dans la maison d'un ancien souverain nommé Ragotski, à qui le Grand Turc donne trois écus par jour dans son asile ; mais ce qui est bien plus triste, c'est qu'elle a perdu sa beauté et qu'elle est devenue horriblement laide. -- Ah ! belle ou laide, dit Candide, je suis honnête homme, et mon devoir est de l'aimer toujours. Mais comment peut-elle être réduite à un état si abject avec les cinq ou six millions que tu avais apportés ? -- Bon, dit Cacambo, ne m'en a-t-il pas fallu donner deux millions au seٌor don Fernando d'Ibaraa, y Figueora, y Mascarenes, y Lampourdos, y Souza, gouverneur de Buenos-Ayres, pour avoir la permission de reprendre mademoiselle Cunégonde ? Et un pirate ne nous a-t-il pas bravement dépouillés de tout le reste ? Ce pirate ne nous a-t-il pas menés au cap de Matapan, à Milo, à Nicarie, à Samos, à Petra, aux Dardanelles, à Marmora, à Scutari ? Cunégonde et la vieille servent chez ce prince dont je vous ai parlé, et moi je suis esclave du sultan détrôné. -- Que d'épouvantables calamités enchaînées les unes aux autres ! dit Candide. Mais, après tout, j'ai encore quelques diamants ; je délivrerai aisément Cunégonde. C'est bien dommage qu'elle soit devenue si laide. »







Ensuite, se tournant vers Martin : « Qui pensez-vous, dit-il, qui soit le plus à plaindre, de l'empereur Achmet, de l'empereur Ivan, du roi Charles-ةdouard, ou de moi ? -- Je n'en sais rien, dit Martin ; il faudrait que je fusse dans vos coeurs pour le savoir. -- Ah ! dit Candide, si Pangloss était ici, il le saurait et nous l'apprendrait. -- Je ne sais, dit Martin, avec quelles balances votre Pangloss aurait pu peser les infortunes des hommes et apprécier leurs douleurs. Tout ce que je présume, c'est qu'il y a des millions d'hommes sur la terre cent fois plus à plaindre que le roi Charles-ةdouard, l'empereur Ivan et le sultan Achmet. -- Cela pourrait bien être », dit Candide.







On arriva en peu de jours sur le canal de la mer Noire. Candide commença par racheter Cacambo fort cher, et, sans perdre de temps, il se jeta dans une galère, avec ses compagnons, pour aller sur le rivage de la Propontide chercher Cunégonde, quelque laide qu'elle pût être.







Il y avait dans la chiourme deux forçats qui ramaient fort mal, et à qui le levanti patron appliquait de temps en temps quelques coups de nerf de boeuf sur leurs épaules nues ; Candide, par un mouvement naturel, les regarda plus attentivement que les autres galériens et s'approcha d'eux avec pitié. Quelques traits de leurs visages défigurés lui parurent avoir un peu de ressemblance avec Pangloss et avec ce malheureux jésuite, ce baron, ce frère de Mlle Cunégonde. Cette idée l'émut et l'attrista. Il les considéra encore plus attentivement. « En vérité, dit-il à Cacambo, si je n'avais pas vu pendre maître Pangloss, et si je n'avais pas eu le malheur de tuer le baron, je croirais que ce sont eux qui rament dans cette galère. »







Au nom du baron et de Pangloss les deux forçats poussèrent un grand cri, s'arrêtèrent sur leur banc et laissèrent tomber leurs rames. Le levanti patron accourait sur eux, et les coups de nerf de boeuf redoublaient. « Arrêtez, arrêtez, Seigneur, s'écria Candide, je vous donnerai tant d'argent que vous voudrez. -- Quoi ! c'est Candide ! disait l'un des forçats. -- Quoi ! c'est Candide ! disait l'autre. -- Est-ce un songe ? dit Candide ; veillé-je ? suis-je dans cette galère ? Est-ce là monsieur le baron que j'ai tué ? Est-ce là maître Pangloss que j'ai vu pendre ?







-- C'est nous-mêmes, c'est nous-mêmes, répondaient-ils. -- Quoi ! c'est là ce grand philosophe ? disait Martin.







-- Eh ! Monsieur le levanti patron, dit Candide, combien voulez-vous d'argent pour la rançon de M. de Thunder-ten-tronckh, un des premiers barons de l'Empire, et de M. Pangloss, le plus profond métaphysicien d'Allemagne ? -- Chien de chrétien, répondit le levanti patron, puisque ses deux chiens de forçats chrétiens sont des barons et des métaphysiciens, ce qui est sans doute une grande dignité dans leurs pays, tu m'en donneras cinquante mille sequins. -- Vous les aurez, monsieur, ramenez-moi comme un éclair à Constantinople, et vous serez payé sur-le-champ. Mais non, menez-moi chez Mlle Cunégonde. » Le levanti patron, sur la première offre de Candide, avait déjà tourné la proue vers la ville, et il faisait ramer plus vite qu'un oiseau ne fend les airs.







Candide embrassa cent fois le baron et Pangloss. « Et comment ne vous ai-je pas tué, mon cher baron ? et mon cher Pangloss, comment êtes-vous en vie après avoir été pendu ? et pourquoi êtes-vous tous deux aux galères en Turquie ? Est-il bien vrai que ma chère soeur soit dans ce pays ? disait le baron. -- Oui, répondait Cacambo. -- Je revois donc mon cher Candide », s'écriait Pangloss. Candide leur présentait Martin et Cacambo. Ils s'embrassaient tous, ils parlaient tous à la fois. La galère volait, ils étaient déjà dans le port. On fit venir un Juif, à qui Candide vendit pour cinquante mille sequins un diamant de la valeur de cent mille, et qui lui jura par Abraham qu'il n'en pouvait donner davantage. Il paya incontinent la rançon du baron et de Pangloss. Celui-ci se jeta aux pieds de son libérateur et les baigna de larmes ; l'autre le remercia par un signe de tête, et lui promit de lui rendre cet argent à la première occasion. « Mais est-il bien possible que ma soeur soit en Turquie ? disait-il. -- Rien n'est si possible, reprit Cacambo, puis qu'elle écure la vaisselle chez un prince de Transylvanie. » On fit aussitôt venir deux Juifs ; Candide vendit encore des diamants ; et ils repartirent tous dans une autre galère pour aller délivrer Cunégonde.









CHAPITRE VINGT-HUITIبME



------------------------------------



CE QUI ARRIVA ہ CANDIDE, ہ CUNةGONDE,



ہ PANGLOSS, ہ MARTIN, ETC.









« Pardon, encore une fois, dit Candide au baron ; pardon, mon Révérend Père, de vous avoir donné un grand coup d'épée au travers du corps. -- N'en parlons plus, dit le baron ; je fus un peu trop vif, je l'avoue ; mais, puisque vous voulez savoir par quel hasard vous m'avez vu aux galères, je vous dirai qu'après avoir été guéri de ma blessure par le frère apothicaire du collège, je fus attaqué et enlevé par un parti espagnol ; on me mit en prison à Buenos-Ayres dans le temps que ma soeur venait d'en partir. Je demandai à retourner à Rome auprès du père général. Je fus nommé pour aller servir d'aumônier à Constantinople auprès de M. l'ambassadeur de France. Il n'y avait pas huit jours que j'étais entré en fonctions, quand je trouvai sur le soir un jeune icoglan très bien fait. Il faisait fort chaud : le jeune homme voulut se baigner ; je pris cette occasion de me baigner aussi. Je ne savais pas que ce fût un crime capital pour un chrétien d'être trouvé tout nu avec un jeune musulman. Un cadi me fit donner cent coups de bâton sous la plante des pieds et me condamna aux galères. Je ne crois pas qu'on ait fait une plus horrible injustice. Mais je voudrais bien savoir pourquoi ma soeur est dans la cuisine d'un souverain de Transylvanie réfugié chez les Turcs.







-- Mais vous, mon cher Pangloss, dit Candide, comment se peut-il que je vous revoie ? -- Il est vrai, dit Pangloss, que vous m'avez vu pendre ; je devais naturellement être brûlé ; mais vous vous souvenez qu'il plut à verse lorsqu'on allait me cuire : l'orage fut si violent qu'on désespéra d'allumer le feu ; je fus pendu, parce qu'on ne put mieux faire : un chirurgien acheta mon corps, m'emporta chez lui, et me disséqua. Il me fit d'abord une incision cruciale depuis le nombril jusqu'à la clavicule. On ne pouvait pas avoir été plus mal pendu que je l'avais été. L'exécuteur des hautes oeuvres de la sainte Inquisition, lequel était sous-diacre, brûlait à la vérité les gens à merveille, mais il n'était pas accoutumé à pendre : la corde était mouillée et glissa mal, elle fut nouée ; enfin je respirais encore : l'incision cruciale me fit jeter un si grand cri que mon chirurgien tomba à la renverse, et, croyant qu'il disséquait le diable, il s'enfuit en mourant de peur, et tomba encore sur l'escalier en fuyant. Sa femme accourut au bruit, d'un cabinet voisin ; elle me vit sur la table étendu avec mon incision cruciale : elle eut encore plus de peur que son mari, s'enfuit et tomba sur lui. Quand ils furent un peu revenus à eux, j'entendis la chirurgienne qui disait au chirurgien : « Mon bon, de quoi vous avisez-vous aussi de disséquer un hérétique ? Ne savez-vous pas que le diable est toujours dans le corps de ces gens-là ? Je vais vite chercher un prêtre pour l'exorciser. » Je frémis à ce propos, et je ramassai le peu de forces qui me restaient, pour crier : " Ayez pitié de moi ! " Enfin le barbier portugais s'enhardit ; il recousit ma peau ; sa femme même eut soin de moi ; je fus sur pied au bout de quinze jours. Le barbier me trouva une condition, et me fit laquais d'un chevalier de Malte qui allait à Venise ; mais mon maître n'ayant pas de quoi me payer, je me mis au service d'un marchand vénitien, et je le suivis à Constantinople.







« Un jour il me prit fantaisie d'entrer dans une mosquée ; il n'y avait qu'un vieil iman et une jeune dévote très jolie qui disait ses patenôtres ; sa gorge était toute découverte : elle avait entre ses deux tétons un beau bouquet de tulipes, de roses, d'anémones, de renoncules, d'hyacinthes et d'oreilles-d'ours ; elle laissa tomber son bouquet ; je le ramassai, et je le lui remis avec un empressement très respectueux. Je fus si longtemps à le lui remettre que l'iman se mit en colère, et voyant que j'étais chrétien, il cria à l'aide. On me mena chez le cadi, qui me fit donner cent coups de lattes sur la plante des pieds et m'envoya aux galères. Je fus enchaîné précisément dans la même galère et au même banc que monsieur le baron. Il y avait dans cette galère quatre jeunes gens de Marseille, cinq prêtres napolitains, et deux moines de Corfou, qui nous dirent que de pareilles aventures arrivaient tous les jours. Monsieur le baron prétendait qu'il avait essuyé une plus grande injustice que moi ; je prétendais, moi, qu'il était beaucoup plus permis de remettre un bouquet sur la gorge d'une femme que d'être tout nu avec un icoglan. Nous disputions sans cesse, et nous recevions vingt coups de nerf de boeuf par jour, lorsque l'enchaînement des événements de cet univers vous a conduit dans notre galère, et que vous nous avez rachetés.







-- Eh bien ! mon cher Pangloss, lui dit Candide, quand vous avez été pendu, disséqué, roué de coups, et que vous avez ramé aux galères, avez-vous toujours pensé que tout allait le mieux du monde ? -- Je suis toujours de mon premier sentiment, répondit Pangloss, car enfin je suis philosophe : il ne me convient pas de me dédire, Leibnitz ne pouvant pas avoir tort, et l'harmonie préétablie étant d'ailleurs la plus belle chose du monde, aussi bien que le plein et la matière subtile. »









CHAPITRE VINGT-NEUVIبME



----------------------------------



COMMENT CANDIDE RETROUVA CUNةGONDE



ET LA VIEILLE









Pendant que Candide, le baron, Pangloss, Martin et Cacambo contaient leurs aventures, qu'ils raisonnaient sur les événements contingents ou non contingents de cet univers, qu'ils disputaient sur les effets et les causes, sur le mal moral et sur le mal physique, sur la liberté et la nécessité, sur les consolations que l'on peut éprouver lorsqu'on est aux galères en Turquie, ils abordèrent sur le rivage de la Propontide à la maison du prince de Transylvanie. Les premiers objets qui se présentèrent furent Cunégonde et la vieille, qui étendaient des serviettes sur des ficelles pour les faire sécher.







Le baron pâlit à cette vue. Le tendre amant Candide, en voyant sa belle Cunégonde rembrunie, les yeux éraillés, la gorge sèche, les joues ridées, les bras rouges et écaillés, recula trois pas saisi d'horreur, et avança ensuite par bon procédé. Elle embrassa Candide et son frère ; on embrassa la vieille : Candide les racheta toutes deux.







Il y avait une petite métairie dans le voisinage : la vieille proposa à Candide de s'en accommoder, en attendant que toute la troupe eût une meilleure destinée. Cunégonde ne savait pas qu'elle était enlaidie, personne ne l'en avait avertie : elle fit souvenir Candide de ses promesses avec un ton si absolu que le bon Candide n'osa pas la refuser. Il signifia donc au baron qu'il allait se marier avec sa soeur. « Je ne souffrirai jamais, dit le baron, une telle bassesse de sa part et une telle insolence de la vôtre, cette infamie ne me sera jamais reprochée : les enfants de ma soeur ne pourraient entrer dans les chapitres d'Allemagne. Non, jamais ma soeur n'épousera qu'un baron de l'Empire. » Cunégonde se jeta à ses pieds et les baigna de larmes ; il fut inflexible. « Maître fou, lui dit Candide, je t'ai réchappé des galères, j'ai payé ta rançon, j'ai payé celle de ta soeur ; elle lavait ici des écuelles, elle est laide, j'ai la bonté d'en faire ma femme, et tu prétends encore t'y opposer ! Je te retuerais si j'en croyais ma colère. -- Tu peux me tuer encore, dit le baron, mais tu n'épouseras pas ma soeur de mon vivant. »









CHAPITRE TRENTIبME



------------------



CONCLUSION









Candide, dans le fond de son coeur, n'avait aucune envie d'épouser Cunégonde. Mais l'impertinence extrême du baron le déterminait à conclure le mariage, et Cunégonde le pressait si vivement qu'il ne pouvait s'en dédire. Il consulta Pangloss, Martin et le fidèle Cacambo. Pangloss fit un beau mémoire par lequel il prouvait que le baron n'avait nul droit sur sa soeur, et qu'elle pouvait, selon toutes les lois de l'Empire, épouser Candide de la main gauche. Martin conclut à jeter le baron dans la mer. Cacambo décida qu'il fallait le rendre au levanti patron et le remettre aux galères ; après quoi on l'enverrait à Rome au père général par le premier vaisseau. L'avis fut trouvé fort bon ; la vieille l'approuva ; on n'en dit rien à sa soeur ; la chose fut exécutée pour quelque argent, et on eut le plaisir d'attraper un jésuite et de punir l'orgueil d'un baron allemand.







Il était tout naturel d'imaginer qu'après tant de désastres, Candide, marié avec sa maîtresse et vivant avec le philosophe Pangloss, le philosophe Martin, le prudent Cacambo et la vieille, ayant d'ailleurs rapporté tant de diamants de la patrie des anciens Incas, mènerait la vie du monde la plus agréable ; mais il fut tant friponné par les Juifs qu'il ne lui resta plus rien que sa petite métairie ; sa femme, devenant tous les jours plus laide, devint acariâtre et insupportable ; la vieille était infirme et fut encore de plus mauvaise humeur que Cunégonde. Cacambo, qui travaillait au jardin, et qui allait vendre des légumes à Constantinople, était excédé de travail et maudissait sa destinée. Pangloss était au désespoir de ne pas briller dans quelque université d'Allemagne. Pour Martin, il était fermement persuadé qu'on est également mal partout ; il prenait les choses en patience. Candide, Martin et Pangloss disputaient quelquefois de métaphysique et de morale. On voyait souvent passer sous les fenêtres de la métairie des bateaux chargés d'effendis, de bachas, de cadis, qu'on envoyait en exil à Lemnos, à Mitylène, à Erzeroum. On voyait venir d'autres cadis, d'autres bachas, d'autres effendis, qui prenaient la place des expulsés et qui étaient expulsés à leur tour. On voyait des têtes proprement empaillées qu'on allait présenter à la Sublime Porte. Ces spectacles faisaient redoubler les dissertations ; et quand on ne disputait pas, l'ennui était si excessif que la vieille osa un jour leur dire : « Je voudrais savoir lequel est le pire, ou d'être violée cent fois par des pirates nègres, d'avoir une fesse coupée, de passer par les baguettes chez les Bulgares, d'être fouetté et pendu dans un auto-da-fé, d'être disséqué, de ramer en galère, d'éprouver enfin toutes les misères par lesquelles nous avons tous passé, ou bien de rester ici à ne rien faire ? -- C'est une grande question », dit Candide.







Ce discours fit naître de nouvelles réflexions, et Martin surtout conclut que l'homme était né pour vivre dans les convulsions de l'inquiétude, ou dans la léthargie de l'ennui. Candide n'en convenait pas, mais il n'assurait rien. Pangloss avouait qu'il avait toujours horriblement souffert ; mais ayant soutenu une fois que tout allait à merveille, il le soutenait toujours, et n'en croyait rien.







Une chose acheva de confirmer Martin dans ses détestables principes, de faire hésiter plus que jamais Candide, et d'embarrasser Pangloss. C'est qu'ils virent un jour aborder dans leur métairie Paquette et le frère Giroflée, qui étaient dans la plus extrême misère ; ils avaient bien vite mangé leurs trois mille piastres, s'étaient quittés, s'étaient raccommodés, s'étaient brouillés, avaient été mis en prison, s'étaient enfuis, et enfin frère Giroflée s'était fait turc. Paquette continuait son métier partout, et n'y gagnait plus rien. « Je l'avais bien prévu, dit Martin à Candide, que vos présents seraient bientôt dissipés et ne les rendraient que plus misérables. Vous avez regorgé de millions de piastres, vous et Cacambo, et vous n'êtes pas plus heureux que frère Giroflée et Paquette. -- Ah, ah ! dit Pangloss à Paquette, le ciel vous ramène donc ici parmi nous, ma pauvre enfant ! Savez-vous bien que vous m'avez coûté le bout du nez, un oeil et une oreille ? Comme vous voilà faite ! Et qu'est-ce que ce monde ! » Cette nouvelle aventure les engagea à philosopher plus que jamais.







Il y avait dans le voisinage un derviche très fameux, qui passait pour le meilleur philosophe de la Turquie ; ils allèrent le consulter ; Pangloss porta la parole, et lui dit : « Maître, nous venons vous prier de nous dire pourquoi un aussi étrange animal que l'homme a été formé.







-- De quoi te mêles-tu ? dit le derviche, est-ce là ton affaire ? -- Mais, mon Révérend Père, dit Candide, il y a horriblement de mal sur la terre. -- Qu'importe, dit le derviche, qu'il y ait du mal ou du bien ? Quand Sa Hautesse envoie un vaisseau en ةgypte, s'embarrasse-t-elle si les souris qui sont dans le vaisseau sont à leur aise ou non ? -- Que faut-il donc faire ? dit Pangloss. -- Te taire, dit le derviche. -- Je me flattais, dit Pangloss, de raisonner un peu avec vous des effets et des causes, du meilleur des mondes possibles, de l'origine du mal, de la nature de l'âme et de l'harmonie préétablie. » Le derviche, à ces mots, leur ferma la porte au nez.







Pendant cette conversation, la nouvelle s'était répandue qu'on venait d'étrangler à Constantinople deux vizirs du banc et le muphti, et qu'on avait empalé plusieurs de leurs amis. Cette catastrophe faisait partout un grand bruit pendant quelques heures. Pangloss, Candide et Martin, en retournant à la petite métairie, rencontrèrent un bon vieillard qui prenait le frais à sa porte sous un berceau d'orangers. Pangloss, qui était aussi curieux que raisonneur, lui demanda comment se nommait le muphti qu'on venait d'étrangler. « Je n'en sais rien, répondit le bonhomme, et je n'ai jamais su le nom d'aucun muphti ni d'aucun vizir. J'ignore absolument l'aventure dont vous me parlez ; je présume qu'en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et qu'ils le méritent ; mais je ne m'informe jamais de ce qu'on fait à Constantinople ; je me contente d'y envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive. » Ayant dit ces mots, il fit entrer les étrangers dans sa maison : ses deux filles et ses deux fils leur présentèrent plusieurs sortes de sorbets qu'ils faisaient eux-mêmes, du kaïmac piqué d'écorces de cédrat confit, des oranges, des citrons, des limons, des ananas, des pistaches, du café de Moka qui n'était point mêlé avec le mauvais café de Batavia et des îles. Après quoi les deux filles de ce bon musulman parfumèrent les barbes de Candide, de Pangloss et de Martin.







« Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? -- Je n'ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice, et le besoin. »







Candide, en retournant dans sa métairie, fit de profondes réflexions sur le discours du Turc. Il dit à Pangloss et à Martin : « Ce bon vieillard me paraît s'être fait un sort bien préférable à celui des six rois avec qui nous avons eu l'honneur de souper. -- Les grandeurs, dit Pangloss, sont fort dangereuses, selon le rapport de tous les philosophes : car enfin ةglon, roi des Moabites, fut assassiné par Aod ; Absalon fut pendu par les cheveux et percé de trois dards ; le roi Nadab, fils de Jéroboam, fut tué par Baaza ; le roi ةla, par Zambri ; Ochosias, par Jéhu ; Athalia, par Joïada ; les rois Joachim, Jéchonias, Sédécias, furent esclaves. Vous savez comment périrent Crésus, Astyage, Darius, Denys de Syracuse, Pyrrhus, Persée, Annibal, Jugurtha, Arioviste, César, Pompée, Néron, Othon, Vitellius, Domitien, Richard II d'Angleterre, ةdouard II, Henri VI, Richard III, Marie Stuart, Charles Ier, les trois Henri de France, l'empereur Henri IV ? Vous savez... -- Je sais aussi, dit Candide, qu'il faut cultiver notre jardin. -- Vous avez raison, dit Pangloss : car, quand l'homme fut mis dans le jardin d'ةden, il y fut mis ut operaretur eum, pour qu'il travaillât, ce qui prouve que l'homme n'est pas né pour le repos. -- Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. »







Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était à la vérité bien laide ; mais elle devint une excellente pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il n'y eut pas jusqu'à frère Giroflée qui ne rendît service ; il fut un très bon menuisier, et même devint honnête homme ; et Pangloss disait quelquefois à Candide : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition, si vous n'aviez pas couru l'Amérique à pied, si vous n'aviez pas donné un bon coup d'épée au baron, si vous n'aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. -- Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »













------------------------- FIN DU FICHIER candide3





المصادر



Candide de Voltaire

Résumé de Candide

Le texte intégral de Candide sur le site ABU , la Bibliothèque Universelle

Quelques Citations de Candide

Résumé de Zadig

Candide By Voltaire (english version)





L’IRONIE DANS CANDIDE



Voltaire s’attaque à un certain nombre d’ennemis dans Candide. Mais il les attaque rarement



directement, de face, en cherchant à leur dire leur fait ou leurs quatre vérités. Le texte de



Candide comprend peu d’insultes, peu d’accusations directement et nettement formulées comme



telles.



En fait, comme très souvent Voltaire utilise une des armes favorites du Siècle des Lumières,



et qu’il maniait mieux que quiconque : l’esprit, et plus particulièrement l’ironie.



On remarque, en particulier dans Candide, trois procédés utilisés pour créer cette dernière.



1 — LES PARODIES DE GENRES



Le conte - Candide se présente en effet comme un conte et reproduit certaines caractéristiques



de ce genre (Il y avait en Westphalie, le fait que les personnages sont indestructibles, etc.)



Mais alors que dans le monde du conte, tout est parfait, celui que parcourt Candide vire rapidement



au cauchemar.



Le picaresque - Le genre picaresque est caractérisé par les aventures d'un héros pauvre



et débrouillard, dont les aventures sont des épisodes reliées entre elles par un fil directeur assez



lâche. Certes nous retrouvons ici le fil rouge (le voyage), mais le héros n’a rien de débrouillard.



Nombreuses parodies partielles



— Bible (le paradis terrestre de TTT au chapitre I; et en pleurant il entra dans Surinam au



chapitre XIX, etc.)



— Romans galants (Candide et Cunégonde derrière le paravent, les aventures de Cunégonde)



— Épopée (la de--SS--ion de la bataille dans les premières phrases du chapitre III)



2 — LE DOUBLE POINT DE VUE



Presque tout ce qui est raconté est vu selon une double focalisation. Le plus souvent on



trouve :



— un point de vue interne, celui de Candide, qui voit le monde à travers le filtre de



l’optimisme de Pangloss.



— un point de vue omniscient (ou focalisation zéro) qui correspond à un narrateur lucide.



Les rapports de ces deux points de vue sont réglés de manières diverses; parfois on devine



l’un à travers l’autre (chapitre I), parfois l’un succède à l’autre, souvent ils sont mêlés (ch. III)



Il existe d’autres jeux sur la focalisation (emploi du point de vue externe dans la de--SS--ion



de l’autodafé du chapitre VI, par exemple).



Les effets produits vont de la simple antiphrase (les héros abares et bulgares qui détruisent



les villages) à de subtils jeux de sens (“Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple”).



Il se crée une distanciation, dans laquelle est contenu l’essentiel du message que Voltaire



veut faire passer.



3 — LES CAUSALITÉS ABERRANTES



Il s’agit ici de faire éclater l’absurde. Voltaire utilise pour cela trois procédés :



— L’inversion de la cause et de l’effet Les inquisiteurs cherchent des hérétiques pour



avoir un bel autodafé (en fait la justice fonctionne dans le sens inverse).



— Le raccourci “Pourquoi faire tuer cet amiral? Parce qu’il n’a pas fait tuer assez de



monde” (ch. XXIII) Les Portugais brûlés pour avoir arraché le lard dont était bardé le poulet.



Pangloss accusé d’avoir parlé et Candide d’avoir écouté (ch VI).



— L’absurde total “Un des plus puissants seigneurs de la Westphalie car son château



avait une porte et des fenêtres.” (ch. I)



CONCLUSION : L’IRONIE, ARME A DOUBLE TRANCHANT



En définitive, avec Candide, Voltaire atteint des cibles situées bien au-delà des adversaires



qu’il prétend combattre. C’est le monde tout entier qui semble ne pas avoir de sens. Mais



Voltaire n’est pas désespéré. Il convie au contraire son lecteur à rire avec lui, en une véritable fête de



la lucidité. “Ouvrage d'une gaieté infernale (Mme de Staël).







Étude des personnages principaux

- Candide : Le personnage de Candide donne au roman son titre. Il est évidemment situé par Voltaire comme le héros de l'oeuvre. Même en étant le personnage principal du livre, on ne saura que très peu de choses sur lui. Quant à son physique, Voltaire nous donne un très brève de--SS--ion: " Sa physionomie annonçait son âme "(Chapitre 1er). Le nom provient de l'étude du comportement du personnage. Le nom de Candide invoque l'innocence de l'âme et la pureté d'une attitude très naïve. Bon sens et simplicité font ainsi de Candide un honnête jeune homme. En quelques mots tout est dit, Candide n'est qu'un caractère et rien d'autre. Cependant, le caractère fait l'homme jusqu'à lui donner son nom: " Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple: c'est je crois, pour cette raison qu'on le nommait Candide " (Chapitre 1er)

- Pangloss : " Le précepteur Pangloss était l'oracle de la maison. " Rien qu'avec ces quelques mots que Voltaire présente Pangloss, le personnage le plus comique du livre. " Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie " (Chapitre 1er)

Pangloss est un professeur de métaphysique, de théologie et de cosmologie, trois disciplines qui font de lui, selon Voltaire, un parfait nigaud. En même temps, Voltaire satirise indirectement la théorie probablement trop optimiste de philosophes qui semblaient eux aussi croire que tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles.

- Cunégonde: Cunégonde est la fille du baron de Thunder-Ten-Tronckh. Elle est à l'origine de l'expulsion de Candide du paradis terrestre. Elle attirait plus Candide par ses attraits sexuels (elle était fraîche, grasse, appétissante, haute en couleurs...) plutôt que par son intelligence. C'est pour sa beauté que Candide l'aimait mais à la fin, elle deviendra laide et Candide n'éprouvera plus rien pour elle. Il l'épouse quand même mais seulement par engagement.



Étude d'un thème

L' idée que voltaire a voulu faire passer ici à travers le personnage de Candide est l'optimisme. On voit que Candide a sans arrêts des ennuis mais à chaque fois il se relève et continue, il persiste a croire, malgré tout ce qui lui arrive que tout va bien dans le meilleur des mondes et que s'il lui arrive un malheur, c'est le destin. Mais il va rencontrer des personnages qui eux sont beaucoup plus terre à terre et qui sont beaucoup plus pessimistes.



Consultez également une fiche de lecture de Candide sur Fichesdelecture.com


لمشاهدة تحاليل القصه
Candide ou l'Optimisme, de Voltaire (Chapitre 1).m4v




La Boite a Merveilles



للكاتب

 Biographie d'Ahmed SEFRIOUI

تعريف الكاتب


--------------------------------------------------------------------------------



Artiste et ةcrivain (Marocain)

Né en 1915

Décédé le 25 février 2004 (à l'âge d'environ 89 ans)



Né de parents berbères, Ahmed Sefrioui a toujours été passionné par la littérature de son pays et les écrits français. Même si l'on sait peu de choses sur sa vie, ses romans parlent d'eux-mêmes et retracent le parcours de cet original et ambitieux Marocain qui a été capable de créer un mouvement littéraire. Il débute d'abord en tant que journaliste pour le quotidien nationaliste 'Action du peuple' mais très vite il choisit des voies plus proches de la culture comme, par exemple, conservateur au musée d'Addoha ou fonctionnaire dans différentes structures ministérielles. Malgré tout, son parcours professionnel est bien moins important que son parcours littéraire. En 1949, il publie son premier roman, 'Le Chapelet d'ambre', où il évoque sa ville natale, Fès. Cette première entrée dans le monde des livres lui apporte le Grand Prix littéraire du Maroc. C'est la première fois dans l'histoire qu'un natif marocain l'obtient. En 1954, il publie chez Seuil'La Boîte à merveilles', considéré aujourd'hui comme un roman ethnographique mais surtout comme le premier roman de la littérature marocaine d'expression française. Il crée ainsi un nouveau mouvement et introduit le monde littéraire oriental dans la culture occidentale. En 1973, il expatrie sa publication et fait éditer en Algérie son roman' La Maison de servitude', un énorme succès. Ahmed Sefrioui a été, jusqu'à sa mort, un grand écrivain, à la plume originale et novatrice capable de créer un véritable melting pot culturel.


Résumé de la Boite à Merveilles





Chapitre 1

Le narrateur adulte, miné par la solitude commence son récit pour mieux comprendre sa solitude qui date depuis toujours. Il présente ensuite les locataires de Dar chouafa : lalla kenza la voyante ( au rez-de-chaussée), Driss el Aouad , sa femme Rahma et leur fille zineb (au premier étage) et fatma Bziouya au deuxième étage).Il évoque le souvenir du bain maure et de sa Boite à Merveilles où les objets qui s'y trouvent lui tiennent compagnie . Puis, il relate le souvenir d'une dispute entre sa mère et Rahma .





Chapitre2 :

En revenant du m'sid , le narrateur trouve sa mère souffrante.. Lalla Aicha son amie, vient lui rendre visite et réussit à la convaincre de rendre visite à Sidi Boughaleb.A la fin de cette visite, sidi Mohamed est griffé par un chat. Fatigué , le petit enfant ne va pas au m'sid et nous décrit les matinées à la maison tout en évoquant l'origine de ses parents, et le souvenir de Driss le teigneux, l'apprenti de son père.





Chapitre3 :



Le narrateur raconte sa journée au Msid . le soir, remarquant que Fatima Bziouiya s'éclaire avec une lampe à pétrole, Lalla Zoubida insiste pour que son mari lui en achete une, ce qui est fait le lendemain. Ensuite, Il évoque le souvenir de la disparition de zineb, et comment sa mère réussit à la retrouver à la maison des Idrissides. Rahma, en guise de louange à Dieu, prépare un repas pour les mendiants. Toutes les voisines y participent de bon cœur.





Chapitre4 :



Les premiers jours de printemps, Lalla Zoubida et son fils rendent visite à lalla Aicha. Sidi mohamed profite de l'occasion pour jouer avec les enfants des voisins .Lalla Aicha raconte ensuite à son amie les malheurs de son mari avec son associé Abdelkader. Le lendemain, La mère rapporte ce récit malheureux à son mari. Celui-ci va évoquer devant le petit sidi Mohamed le souvenir d'Abdellah l'épicier qui racontait des histoires.





Chapitre5 :

Un mercredi, le Fquih explique à ses élèves ses projets pour Achoura. A la maison, Lalla Zoubida ne se fatigue pas à raconter les malheurs de Lalla Aicha à Fatima, puis à Rahma leur faisant promettre de garder le secret. Ensuite, le narrateur relate le souvenir de la mort de Sidi Md Ben Tahar. Ayant assisté à la scène, le petit enfant fait un cauchemar la nuit.







Chapitre6 :



Pendant les préparatifs pour Achoura au Msid, le fquih organise le travail et forme des équipes. Le petit Sidi Mohamed est nommé chef des frotteurs .Le matin suivant, il accompagne sa mère à la kissaria pour acheter un nouveau gilet. De retour chez lui, sidi Mohamed se dispute avec Zineb.Sa mère se met en colère. Triste et pris de faim,, le petit enfant plonge dans ses rêveries. Le narrateur nous rapporte ensuite l'histoire de Lalla khadija et son mari l'oncle Othman racontée aux voisines par Rahma.





Chapitre7:



la veille de l'Achoura, les femmes s'achètent des tambours et Sidi Mohamed une trompette. Il participe au Msid aux préparatifs de la fête. Le lendemain , il accompagne son père chez le coiffeur où il écoute sans interêt les conversations des adultes.



Le jour de l'achoura, le petit enfant se réveille tôt et met ses vêtements neufs avant d'aller au m'sid célébrer cette journée exceptionnelle.. Après le repas, Lalla Aicha vient rendre visite à la famille du narrateur.





Chapitre8:



Après l'Achoura, la vie retrouve sa monotonie. Mais avec les premiers jours de chaleur, la mère déclare la guerre aux punaises. Un jour, le père du narrateur décide d'emmener sa femme et son fils au souk des bijoux pour acheter des bracelets . Accompagnée de Fatma Bziouya, la famille du narrateur arrive au souk des bijoutiers mais le père se trouve le visage tout en sang après une bagarre avec un courtier. Lalla Zoubida,superstitieuse, ne veut plus ces bracelets, elle pense qu'ils portent malheur. La mère raconte à lalla Aicha la mésaventure du souk. Sidi Mohamed tombe malade.







Chapitre9:



Le père a perdu tout son capital. Il décide de vendre les bracelets et d'aller travailler aux environ de Fès. Sidi Mohamed souffre toujours de fièvre. Le départ du père est véu comme un grand drame . Un jour, la mère rend visite à son amie Lalla Aicha qui lui propose d'aller consulter un devin : Si elArafi .





Chapitre10 :



le narrateur évoque le souvenir du voyant Si Elarafi. Lalla Zoubida rentre chez elle tout en gardant le secret de la visite... elle décide de garder son enfant à la maison et de l'emmener chaque semaine faire la visite d'un marabout.



Un matin elle reçoit la visite d'un envoyé de son mari. Lalla Aicha vient prie son amie de lui rendre visite le lendemain parce qu'elle a des choses à lui raconter.





Chapitre 11 :



Chez Lalla Aicha, les femmes discutent. Elle reçoit la visite de Salama, qui raconte son rôle dans le mariage de Si Larbi avec la fille du coiffeur et les problèmes du nouveau couple..





Chapitre 12 :



Le narrateur dans ce dernier chapitre raconte le retour de son père. Sidi Mohamed raconte à son père les événements passés pendant son absence. Le père du narrateur apprend que M.Larbi s'est séparé avec sa jeune épouse.. Sidi Mohamed, toujours aussi solitaire qu'au début et aussi rêveur, sort sa boite à merveilles et se laisse bercer par ses rêves...



Fiche de lecture:






Titre: La boîte à merveille



Genre: Roman



Auteur: Ahmed Sefrioui



Date de parution:1954



Edition: Librairie des Ecoles.



L’auteur:





Ahmed Sefrioui est un écrivain marocain qui passe pour l’initiateur de la littérature marocaine d’expression française. Il est né à Fès en 1915 de parents Amazighs. Il a grandit dans la médina, d’où la présence prégnante et cet espace dans son œuvre et particulièrement dans “la Boîte à merveilles”.



Sefrioui fut fondateur du musée Al Batha à Fès, une ville omniprésente dans la majorité de ses écrits. De l’école coranique aux écoles de Fès puis arrivé à la langue française, se manifeste tout un parcours qu’on trouve aussi présent dans ses écrits (historiques). Jeune journaliste dans « l’action du peuple », puis conservateur dans le musée « Addoha » à Fès, en citant des fonctions publics à partir de 1938 aux ministères de la culture, de l’éducation nationale et du tourisme à Rabat. Il est mort en 25 février 2004.







PARMI SES OEUVRES



Le Chapelet d’ambre (Le Seuil, 1949) : son premier roman où il évoque Fès (il obtient le grand prix littéraire du Maroc, pour la première fois attribué à un Marocain).



La boîte à merveille (Le Seuil, 1954) : La ville de Fès vue à travers le regard du petit Mohammed. Ce roman ethnographique apparaît comme le texte inaugural de ce qui est aujourd’hui la littérature marocaine d’expression française.



La Maison de servitude (SNED, Algérie, 1973).



Le jardin des sortilèges ou le parfum des légendes (L’Harmattan, 1989).







LES ANECDOTES SUR AHMED SEFRIOUI





Argent : Dans le film qu’il a tourné, l’écrivain marocain s’est révélé un homme très simple sans autre ambition que de révéler la culture de son pays au monde entier. Il disait lui-même : ‘Je n’ai jamais fait d’argent. Je ‘Je n’ai jamais fait d’argent. n’ai même pas de quoi me payer un lopin de terre pour mon enterrement.’



Film : En mai 1994, la télé marocaine a consacré un film à Ahmed Sefrioui, sur sa vie. Juste avant de mourir, il avait demandé à le revoir mais sa requête s’est perdue dans les couloirs de la chaîne.







L'histoire:





La Boîte à Merveille

La symphonie des trois saisons...



Premier roman de Sefrioui, La boîte à merveille, une suite de scènes et de tableaux, raconte la vie quotidienne d’une famille populaire dans la vieille ville de Fès. Dès son ouverture, le roman ne manque pas d’installer une ambiance exotique. Un regard pittoresque sur un monde plein de tendresse, de couleurs et de parfums, qui ne manque pas d’ambiguïté sur le sens du récit.

C’est bel et bien un album, pour reprendre l’expression du narrateur, dont le lecteur tournera les pages. Un album haut en couleurs qui nous fera parcourir trois saisons et nous mènera de découverte en découverte, explorer la société marocaine du début du XXème siècle : mode de vie, traditions, rituels et vision du monde. D’avoir masqué la réalité politique de l’époque, laisse entrevoir un parfum d’exotisme et fait penser à un film documentaire d’ethnographe.

Lire l'incipit de La Boite à merveilles de Sefrioui


Par Mina Sadiqui





Pour lire l'incipit de la Boite à Merveilles d’Ahmed Sefrioui



(P.3 et 4 – éd. librairie des écoles 2006)



Pour étudier le fonctionnement d'une première page d'une œuvre romanesque, il est pertinent de repérer les choix, implicites ou explicites, des procédés utilisés par le narrateur.



Quel est donc le mode de fonctionnement de cette ouverture ? Quelle est sa fonction ?



En fait, dès la première lecture du passage, ce qui frappe c'est la coprésence de deux systèmes, le discours et le récit, tout les deux pris en charge par une seule instance «je ».



1er centre d'intérêt : les diverses figures du "je".



A- Le « je » énonciateur : « Je » produit un discours souligné par :



a- Les déictiques (termes qui articulent 1'énoncé sur une réalité extra-linguistique en faisant référence à la situation de communication).



*-Les pronoms personnels de la première personne »je, « me ».



*-Le système des temps : le présent.



*-Les marques de localisation temporelle : « hier », « ce »



b- les modalisateurs (ils signalent 1'attitude de 1'énonciateur face aux contenus énoncés) : Les adverbes :(Jamais, tant, effectivement).



c- Les commentaires et explications mis en apposition dans le récit, qui renvoient explicitement à 1'auteur et relèvent d'une énonciation actuelle : « la maison de la voyante », «les gens de guinée », « école coranique ».



Un autre «je » apparaît également dans le texte a partir du second paragraphe.



B- le « je » personnage / narrateur



Un effet de rupture semble être crée. Nous passons d'un discours à un récit dont le personnage central est un petit garçon de six ans.



Cependant, de par la source du récit: «je songe-»——› je vois », effectué au présent, la rupture est atténuée.



Plus encore, la présence du monologue narrativisé «je désire tant ce moineau...compagnon » (p3) crée une fusion parfaite entre la voix du narrateur et la voix du personnage. L'absence des signes le plus évidents d'écarts entre la conscience du narrateur et celle du personnage renforce 1'unité des deux points de vue et rend « il » une autre figure du «je »/narrateur.



Ce dernier va d'ailleurs, et dans la suite du texte, s’identifier à ce «il »/ enfant de six ans et c'est cette figure qui va prédominer par la suite.



Diverses figures qui tous renvoient à une seule référence et permettent de créer un pacte autobiographique.



Plusieurs figures qui vivent tous un même sentiment: La solitude.



2eme centre d'intérêt: un «je » solitaire



a- Le champ lexical de la solitude est prédominant.



b -La syntaxe employée met en évidence cet état: dés 1'ouverture du texte : «je » s'oppose à «tous » (profusion de plusieurs pluriels renvoyant aux personnes et aux objets).



c- Le rythme de la première phrase met en relief ce sentiment: le «je » s'isole de manière très éloquente dans ce premier paragraphe : «tous » accomplissent une même action « dormir », «je » nie (négation totale) faire comme eux, tout en cassant le rythme ascendant de la phrase. II est seul à « songer ».



L'image de «je » solitaire se retrouve également à travers 1'enfant aux pieds nus à le recherche d'un « compagnon ».



d- Mais c'est surtout à travers 1'usage de la modalité négative vers la fin du texte que se trouve mise en évidence cette solitude.



En effet lors de la situation décrite, (le rituel) tous les sens de 1'enfant sont invoqués (la vue, 1'ouïe, 1'odorat) et pourtant il ne comprenait rien.



Le sentiment atteint son point culminant dans la séquence finale, qui met en relief la peur de 1'enfant: «je sentais les Jnouns... j'entendais leurs rires... Je criais ». II ne criait pas à la recherche d'un secours, mais c'est juste un cri intérieur, un cri de désespoir.



Et justement il se trouve que « désespoir » qui ferme le texte rime avec « soir » qui 1'ouvre et qui le ponctue.



Le texte sombre dans le noir : le terme soir (3 occurrences), va céder la place à «toute la nuit » qui se démultiplie vers la fin du texte pour devenir « les nuits d'orage ».



Bilan :



Une première page qui donne plusieurs informations sur un «je» qui est narrateur, personnage principal et auteur du texte. C'est donc une première page d'un texte autobiographique.



Elle offre une de premières spécificités du genre à savoir 1'apparition de deux voix, celle relatant des faits antérieurs, déjà vécus, et celle qui les commente au moment de 1'écriture.



C'est aussi une première page, qui en mettant 1'accent sur 1'image d'un «je » solitaire, incapable de comprendre le monde qui 1'entoure, ouvre des horizons d'attente : resterait il ainsi ? Chercherait-il à créer un autre monde ou il se sentirait moins seul?


Schéma narratif :






-Etat initial :



L'auteur-narrateur personnage vit avec ses parents. Rien ne perturbe sa vie heureuse. Cette phase occupe une place importante dans le récit (Ch. I jusqu'au Ch. VIII). L'ampleur de cette étape traduit la félicité dans laquelle baigne le petit enfant. D'ailleurs, il est plongé dans un monde merveilleux.



-Elément perturbateur :



Ce qui trouble cette félicité c'est la ruine du père qui a perdu son capital : l'argent qu'il portait sur lui est tombé quelque part dans un souk.



-Péripéties :



Le voyage du père à la campagne, où il exerce un travail pénible afin de pouvoir amasser de l'argent nécessaire pour se rétablir dans son atelier. (Ch. VIII, IX, X, XI). Le congé accordé au petit qui ne va pas à l'école coranique à cause de sa faiblesse. La tristesse de la mère qui se rend aux mausolées et consulte les voyants.



-Dénouement :



Le retour du père.



-Situation initiale :



Le retour de l'équilibre : le bonheur. La réouverture par le petit de sa boite à Merveilles.



Personnages principaux de l'œuvre :






Je :

C'est l'auteur-narrateur-personnage. Il est le fils de lalla Zoubida et de Sidi Abdeslem. Il s'appelle Sidi Mohamed.âgé de six ans, il se sent seul bien qu'il aille au M'sid. Il a un penchant pour le rêve. C'est un fassi d'origine montagnarde qui aime beaucoup sa boite à Merveilles, contenant des objets mêlés. Il souffre de fréquentes diarrhées.

La boite à merveille :

Le véritable ami du narrateur. Elle contenait des boules de verre, des anneaux de cuivre, un minuscule cadenas sans clef, des clous à tête dorée, des encriers vides, des boutons décorés, des boutons sans décor, un cabochon (=bouchon en verre ou en cristal de forme arrondie) de verre à facettes offert par Rahma et une chaînette de cuivre rongée de vert-de-gris offerte par Lalla Zoubida et volée par le chat de Zineb.

Lalla Zoubida :

la mère du narrateur. Une femme qui prétend être la descendante du prophète et s'en vante (s'en flatte). Elle croit aux superstitions. Ses yeux reflètent une âme d'enfant ; elle a un teint d'ivoire, une bouche généreuse et un nez court. Elle n'est pas coquette. Agée de vingt-deux ans, elle se comporte comme une femme vieille.

Sidi Abdeslem :

le père du narrateur, homme d'origine montagnarde. Il s'installe à Fès avec sa famille après avoir quitté son village natal situé à une cinquante de kilomètre de la ville. Il exerce le métier de tisserand (=fabriquant des tissus) Grâce à ce métier, il vit à l'aise. Homme fort et de haute taille. Un homme barbu que le fils trouve beau. Il a la quarantaine.

La chouaffa :

Voyante, c'est la principale locataire de Dar Chouaffa et on l'appelle tante kanza.

Dris El Aouad :

C'est un fabriquant de charrues. Il est époux de Rahma. Il a une fille âgée de sept ans qui s'appelle Zineb.

Fatma Bziouya :

Elle partage avec la famille du narrateur le deuxième étage, son mari Allal est jardinier.

Abdelleh :

Il est épicier. Le narrateur lui attribue toutes les histoires merveilleuses qu'il a eu l'occasion d'entendre.

Le fqih du Msid :

Maître de l'école coranique. Il somnole pendant que les écoliers récitent les versets du Coran. Il distribue des coups de baguette au hasard.Un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient des flammes de colère et qui habitait rue Jiaf.

Lalla Aicha :

Une ancienne voisine de lalla Zoubida, c'est une Chérifa qui a su rester digne malgré les déception du sort et dont la connaissance flattait l'orgueil de lalla Zoubida.

Driss le teigneux :

Fidèle serviteur de Sidi Abdessalem, il garnissait (= remplissait) les canettes et faisait les commissions.
 
للتعمق اكثر يرجى زيارة هذا الموقع
 
 
لمشاهدة التلخيص المصور
 
la boite a merveille





Le père Goriot




Honoré de Balzac (1799-1850)




"Entre la poire et le fromage Bianchon arriva, par d'habilles préparations, à parler de la messe, en la qualifiant de momerie et de farce.

- Une farce, dit Desplein, qui a coûté plus de sang à la chrétienté que toutes les batailles de Napoléon et que toutes les sangsues de Broussais !

La messe est une invention papale qui ne remonte pas plus haut que le VIe siècle, et que l'on a basé sur Hoc est corpus. Combien de sang n'a-t-il pas fallu établir la Fête-Dieu par l'institution de laquelle la cour de Rome a voulu constater sa victoire dans l'affaire de la Présence Réelle, schisme qui pendant trois siècles a troublé l'Eglise ! Les guerres du conte de Toulouse et des Albigeois sont la queue de cette affaire. Les Vaudois et les Albigeois se refusaient à reconnaître cette innovation."

(Honoré de Balzac / 1799-1850 / La Messe de l'Athée / 1836)







Le père Goriot



Présentation

Paris, automne 1819. Dans une pension miteuse de la rue Neuve-Sainte Geneviève, la maison Vauquer (du nom de sa tenancière), se côtoient des pensionnaires et des habitués du quartier qui ne viennent y prendre que le dîner . Ils ont pour nom Mlle Michonneau, Victorine Taillefer, Madame Couture, Monsieur Poiret, Bianchon, Vautrin, Eugène de Rastignac et le père Goriot. Quelques personnages émergent de ce groupe de pensionnaires falots : Vautrin, mystérieux pensionnaire d'une quarantaine d'années qui se fait passer pour un ancien commerçant; Eugène de Rastignac, fils d'une famille noble et désargentée de Charente venu faire son droit à Paris.



Il y a également le père Goriot, pitoyable rentier de soixante neuf ans qui mène une vie nocturne énigmatique. Il est le plus âgé de la Maison Vauquer et aussi le plus ancien des pensionnaires. Il y est arrivé en 1813 après s'être retiré des affaires. Les premiers temps, sa fortune et ses revenus lui permettaient d'habiter au premier étage l'appartement le plus cossu de la pension. Puis ses revenus diminuant mystérieusement, le vieil homme est monté d'étage en étage, logeant dans des appartements de plus en plus modestes. Il occupe actuellement une mansarde et est devenu le bouc émissaire de la Maison Vauquer. Les autres pensionnaires commentent son infortune avec peu d'élégance et le soupçonnent de se ruiner en entretenant des femmes du monde.



Eugène de Rastignac, jeune "ambitieux", rêve de s'introduire dans la haute société parisienne. Grâce à la recommandation de sa tante, il est invité à l'un des bals que donne Mme de Beauséant, l'une des femmes influentes de Paris. Il est ébloui par cette soirée et s'éprend de la Comtesse Anastasie de Restaud.



Il lui rend visite le lendemain, mais sa maladresse lui vaut d'être brutalement congédié par M. et Mme de Restaud. Rastignac se rend alors chez Mme de Beauséant où se trouve également la duchesse de langeais. Sa gaucherie prête encore à sourire, mais cette visite lui permet de résoudre l'énigme du Père Goriot. Les deux aristocrates se proposent de lui relater le drame du vieil homme : cet ancien négociant a fait fortune pendant la révolution. Il a consacré tout son argent au bonheur de ses deux filles, Anastasie, l'aînée et Delphine, la cadette. Après leur avoir offert une belle éducation, et leur avoir constitué une dot, il a marié Anastasie au Comte de Restaud et Delphine au banquier Nucingen.



Tant que le Père Goriot mettait sa fortune à la disposition de ses filles, ses gendres le ménageaient. Mais maintenant qu'il a des difficultés financières, ils ne lui manifestent qu'indifférence et mépris. Ils n'hésitent pas à l'évincer, ce qui désespère le pauvre homme qui a voué toute sa vie à ses deux filles. Rastignac est ému jusqu'aux larmes par ce récit. Mme de Beauséant prend prétexte de cette histoire pour donner à Rastignac ce conseil : arriver par les femmes. Elle lui suggère de tenter sa chance auprès de Delphine de Nucingen, la seconde fille du Père Goriot.



De retour à la Pension Vauquer, Eugène décide d'apporter son soutien au Père Goriot. Ayant besoin d'argent pour faire son entrée dans le Monde, il écrit également à sa mère et à ses sœurs pour leur demander de lui adresser leurs dernières économies.



Vautrin, qui devine l'ambition qui anime Rastignac lui propose un marché cynique : séduire Victorine Taillefer tandis que lui se charge d'éliminer son frère, seul obstacle à l'obtention par la jeune fille d'un héritage fabuleux. Rastignac épouserait alors Victorine et sa dot d'un million, sans oublier d'offrir à Vautrin une commission de deux cent mille francs. Fasciné, puis indigné par ce marché scandaleux, Rastignac refuse ce pacte diabolique. Vautrin lui laisse quinze jours pour réfléchir.



Le jeune étudiant préfère suivre les conseils de la Vicomtesse de Beauséant. II l'accompagne au Théâtre-Italien, où il se fait présenter Delphine de Nucingen. Il fait une cour assidue à la jeune femme.



De retour à la Pension, Rastignac rend visite au Père Goriot et lui raconte par le menu sa rencontre avec Delphine. Emu, le vieil homme qui croit toujours aux bons sentiments de ses filles, encourage Rastignac à continuer de fréquenter la jolie baronne. Une vraie complicité s'installe entre le Père Goriot et le jeune étudiant.



Eugène de Rastignac devient l'amant de Delphine de Nucingen et ne tarde pas à découvrir ses difficultés financières. Elle lui confie que son mari s'est accaparé de sa fortune et qu'elle ne dispose plus d'aucune ressource personnelle. Elle lui demande également de jouer pour elle à la roulette. Avec les cent francs qu'elle lui remet, Rastignac parvient à gagner, pour elle, sept mille francs. " Vous m'avez sauvée" lui confie-t-elle, lui avouant en même temps l'échec de son mariage avec le baron et les sacrifices qu'elle et sa sœur ont imposés à leur père.



De retour chez Madame Vauquer, Eugène de Rastignac apprend la nouvelle au Père Goriot. Le vieil homme est désespéré d'apprendre les soucis financiers de sa fille. Il souhaite saisir la justice pour lui permettre de retrouver sa fortune.



Rastignac prend goût aux soirées parisiennes, mais il dépense beaucoup d'argent et se montre beaucoup moins chanceux au jeu. Il mesure combien l'argent est essentiel pour s'imposer dans la haute société parisienne, ce que Vautrin ne manque pas de lui rappeler avec beaucoup de cynisme.



Au jardin des plantes, M. Poirer et Mlle Michonneau rencontrent un responsable de la police, Gondureau, qui leur indique la véritable identité de Vautrin : C'est un forçat qui s'est évadé du bagne de Toulon, où il avait le surnom de trompe-la-mort. Gondureau demande à Mlle Michonneau de lui administrer un somnifère et de vérifier qu'il a bien un tatouage à l'épaule.



A la pension Vauquer, Victorine laisse entrevoir à Eugène les sentiments qu'elle éprouve pour lui tandis que Vautrin poursuit secrètement la préparation du meurtre de son frère. Mlle Michonneau acquiert la certitude que Vautrin est le forçat qui s'est évadé du bagne et le fait arrêter. Le même jour un complice de Vautrin tue le frère de Victorine.



Tandis que les pensionnaires de la Maison Vauquer tardent, suite à ces événements, à retrouver leurs esprits, le père Goriot arrive tout souriant en fiacre. Il vient chercher Rastignac et l'invite à dîner avec Delphine, dans l'appartement qu'il vient de lui louer, avec ses dernières économies, rue d'Artois. Le vieil homme logera quant à lui dans une chambre de bonne au dessus de l'appartement d'Eugène.



A La Maison Vauquer, c'est la désolation, les pensionnaires partent les uns après les autres.



Les déboires financiers des deux filles du Père Goriot resurgissent avec plus d'acuité. Le baron de Nucingen indique à sa femme qu'il lui est impossible de lui rendre sa fortune sans que leur couple ne soit ruiné. Quant à Anastasie, elle ne parvient plus à rembourser les dettes causées par son amant, Maxime de Trailles et se voit dans l'obligation de mettre en vente les diamants de la famille. A l'annonce de cette double déroute financière, le père Goriot est victime d'un grave malaise. Bianchon, l'étudiant en médecine, ami de Rastignac, venu en renfort analyse les symptômes qui frappent le vieil homme et diagnostique une grave crise d'apoplexie.



Eugène passe la soirée aux Italiens avec Delphine. Le lendemain, il retourne à la pension Vauquer. Le Père Goriot est très affaibli. Eugène annonce alors à Delphine que son père est mourant mais celle-ci se montre indifférente à son sort.



A la pension, le père Goriot se meurt. Il souhaite une dernière fois voir ses deux filles, mais celles-ci demeurent tristement absentes. Seuls Rastignac et son ami Bianchon sont là pour accompagner les derniers moments du vieil homme. Eugène règle les derniers soins et l'enterrement du père Goriot; puis, accompagné du seul Bianchon, il assiste à la cérémonie religieuse. Le convoi funéraire se rend alors au Père Lachaise. "A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l'argent de l'étudiant. Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher, ils se relevèrent et l'un d'eux, s'adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. Eugène fouilla dans sa poche et n'y trouva rien ; il fut forcé d'emprunter vingt sous à Christophe. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d'horrible tristesse. Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d'un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages, et le voyant ainsi, Christophe le quitta.



Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnant un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses :



- A nous deux maintenant !



Et pour premier acte du défi qu'il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez Mme de Nucingen."



Consultez également une fiche de lecture du Père Goriot sur Fichesdelecture.com

http://www.fichesdelecture.com/
Roman d'Honoré de Balzac (1835
 
Résumé du roman


Paris, automne 1819. Dans une pension miteuse de la rue Neuve-Sainte Geneviève, la maison Vauquer (du nom de sa tenancière), se côtoient des pensionnaires et des habitués du quartier qui ne viennent y prendre que le dîner . Ils ont pour nom Mlle Michonneau, Victorine Taillefer, Madame Couture, Monsieur Poiret, Bianchon, Vautrin, Eugène de Rastignac et le père Goriot. Quelques personnages émergent de ce groupe de pensionnaires falots : Vautrin, mystérieux pensionnaire d'une quarantaine d'années qui se fait passer pour un ancien commerçant; Eugène de Rastignac, fils d'une famille noble et désargentée de Charente venu faire son droit à Paris.



Il y a également le père Goriot, pitoyable rentier de soixante neuf ans qui mène une vie nocturne énigmatique. Il est le plus âgé de la Maison Vauquer et aussi le plus ancien des pensionnaires. Il y est arrivé en 1813 après s'être retiré des affaires. Les premiers temps, sa fortune et ses revenus lui permettaient d'habiter au premier étage l'appartement le plus cossu de la pension. Puis ses revenus diminuant mystérieusement, le vieil homme est monté d'étage en étage, logeant dans des appartements de plus en plus modestes. Il occupe actuellement une mansarde et est devenu le bouc émissaire de la Maison Vauquer. Les autres pensionnaires commentent son infortune avec peu d'élégance et le soupçonnent de se ruiner en entretenant des femmes du monde.



Eugène de Rastignac, jeune "ambitieux", rêve de s'introduire dans la haute société parisienne. Grâce à la recommandation de sa tante, il est invité à l'un des bals que donne Mme de Beauséant, l'une des femmes influentes de Paris. Il est ébloui par cette soirée et s'éprend de la Comtesse Anastasie de Restaud.



Il lui rend visite le lendemain, mais sa maladresse lui vaut d'être brutalement congédié par M. et Mme de Restaud. Rastignac se rend alors chez Mme de Beauséant où se trouve également la duchesse de langeais. Sa gaucherie prête encore à sourire, mais cette visite lui permet de résoudre l'énigme du Père Goriot. Les deux aristocrates se proposent de lui relater le drame du vieil homme : cet ancien négociant a fait fortune pendant la révolution. Il a consacré tout son argent au bonheur de ses deux filles, Anastasie, l'aînée et Delphine, la cadette. Après leur avoir offert une belle éducation, et leur avoir constitué une dot, il a marié Anastasie au Comte de Restaud et Delphine au banquier Nucingen.



Tant que le Père Goriot mettait sa fortune à la disposition de ses filles, ses gendres le ménageaient. Mais maintenant qu'il a des difficultés financières, ils ne lui manifestent qu'indifférence et mépris. Ils n'hésitent pas à l'évincer, ce qui désespère le pauvre homme qui a voué toute sa vie à ses deux filles. Rastignac est ému jusqu'aux larmes par ce récit. Mme de Beauséant prend prétexte de cette histoire pour donner à Rastignac ce conseil : arriver par les femmes. Elle lui suggère de tenter sa chance auprès de Delphine de Nucingen, la seconde fille du Père Goriot.



De retour à la Pension Vauquer, Eugène décide d'apporter son soutien au Père Goriot. Ayant besoin d'argent pour faire son entrée dans le Monde, il écrit également à sa mère et à ses sœurs pour leur demander de lui adresser leurs dernières économies.



Vautrin, qui devine l'ambition qui anime Rastignac lui propose un marché cynique : séduire Victorine Taillefer tandis que lui se charge d'éliminer son frère, seul obstacle à l'obtention par la jeune fille d'un héritage fabuleux. Rastignac épouserait alors Victorine et sa dot d'un million, sans oublier d'offrir à Vautrin une commission de deux cent mille francs. Fasciné, puis indigné par ce marché scandaleux, Rastignac refuse ce pacte diabolique. Vautrin lui laisse quinze jours pour réfléchir.



Le jeune étudiant préfère suivre les conseils de la Vicomtesse de Beauséant . II l'accompagne au Théâtre-Italien, où il se fait présenter Delphine de Nucingen . Il fait une cour assidue à la jeune femme.



De retour à la Pension, Rastignac rend visite au Père Goriot et lui raconte par le menu sa rencontre avec Delphine. Emu, le vieil homme qui croit toujours aux bons sentiments de ses filles, encourage Rastignac à continuer de fréquenter la jolie baronne. Une vraie complicité s'installe entre le Père Goriot et le jeune étudiant.



Eugène de Rastignac devient l'amant de Delphine de Nucingen et ne tarde pas à découvrir ses difficultés financières. Elle lui confie que son mari s'est accaparé de sa fortune et qu'elle ne dispose plus d'aucune ressource personnelle. Elle lui demande également de jouer pour elle à la roulette . Avec les cent francs qu'elle lui remet, Rastignac parvient à gagner, pour elle, sept mille francs . " Vous m'avez sauvée" lui confie-t-elle, lui avouant en même temps l'échec de son mariage avec le baron et les sacrifices qu'elle et sa sœur ont imposés à leur père.



De retour chez Madame Vauquer, Eugène de Rastignac apprend la nouvelle au Père Goriot. Le vieil homme est désespéré d'apprendre les soucis financiers de sa fille. Il souhaite saisir la justice pour lui permettre de retrouver sa fortune.



Rastignac prend goût aux soirées parisiennes, mais il dépense beaucoup d'argent et se montre beaucoup moins chanceux au jeu. Il mesure combien l'argent est essentiel pour s'imposer dans la haute société parisienne, ce que Vautrin ne manque pas de lui rappeler avec beaucoup de cynisme.



Au jardin des plantes, M. Poirer et Mlle Michonneau rencontrent un responsable de la police, Gondureau, qui leur indique la véritable identité de Vautrin : C'est un forçat qui s'est évadé du bagne de Toulon, où il avait le surnom de trompe-la-mort. Gondureau demande à Mlle Michonneau de lui administrer un somnifère et de vérifier qu'il a bien un tatouage à l'épaule.



A la pension Vauquer, Victorine laisse entrevoir à Eugène les sentiments qu'elle éprouve pour lui tandis que Vautrin poursuit secrètement la préparation du meurtre de son frère. Mlle Michonneau acquiert la certitude que Vautrin est le forçat qui s'est évadé du bagne et le fait arrêter. Le même jour un complice de Vautrin tue le frère de Victorine.



Tandis que les pensionnaires de la Maison Vauquer tardent, suite à ces événements, à retrouver leurs esprits, le père Goriot arrive tout souriant en fiacre. Il vient chercher Rastignac et l'invite à dîner avec Delphine, dans l'appartement qu'il vient de lui louer, avec ses dernières économies, rue d'Artois. Le vieil homme logera quant à lui dans une chambre de bonne au dessus de l'appartement d'Eugène.



A La Maison Vauquer, c'est la désolation, les pensionnaires partent les uns après les autres.



Les déboires financiers des deux filles du Père Goriot resurgissent avec plus d'acuité. Le baron de Nucingen indique à sa femme qu'il lui est impossible de lui rendre sa fortune sans que leur couple ne soit ruiné. Quant à Anastasie, elle ne parvient plus à rembourser les dettes causées par son amant, Maxime de Trailles et se voit dans l'obligation de mettre en vente les diamants de la famille. A l'annonce de cette double déroute financière, le père Goriot est victime d'un grave malaise. Bianchon, l'étudiant en médecine, ami de Rastignac, venu en renfort analyse les symptômes qui frappent le vieil homme et diagnostique une grave crise d'apoplexie.



Eugène passe la soirée aux Italiens avec Delphine . Le lendemain, il retourne à la pension Vauquer. Le Père Goriot est très affaibli. Eugène annonce alors à Delphine que son père est mourant mais celle-ci se montre indifférent à son sort.



A la pension, le père Goriot se meurt. Il souhaite une dernière fois voir ses deux filles, mais celles-ci demeurent tristement absentes. Seuls Rastignac et son ami Bianchon sont là pour accompagner les derniers moments du vieil homme. Eugène règle les derniers soins et l'enterrement du père Goriot; puis, accompagné du seul Bianchon, il assiste à la cérémonie religieuse. Le convoi funéraire se rend alors au Père Lachaise. "A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l'argent de l'étudiant. Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher, ils se relevèrent et l'un d'eux, s'adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. Eugène fouilla dans sa poche et n'y trouva rien ; il fut forcé d'emprunter vingt sous à Christophe. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d'horrible tristesse. Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d'un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages, et le voyant ainsi, Christophe le quitta.



Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnant un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses :



- A nous deux maintenant !



Et pour premier acte du défi qu'il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez Mme de Nucingen."







روابط لها علاقه بالكاتب












اسال لله الإيفاده لي و لكم






مع تحيات



ابو رسلان



عادل العيد






بحر العلوم و المتعه المفيده 
ESSERE UTILE SIGNIFICA RENDETI UTILE PER L'ALTRI FARE SAPERE IL TUO PROSSIMO QUELLO CHE SAI L'IMPORTANTE PARTECIPA: